SAINT-HUBERT – Ce mercredi à midi, à l’École nationale d’aérotechnique sise aux abords de l’aéroport de Saint-Hubert (CYHU) sur la Rive Sud de Montréal, le suisse Yves Rossy connu aussi sous le nom de Jetman était l’invité du professeur Carl Garneau et de ses étudiants du groupe Aéro-ÉNA, dans le cadre du Programme de valorisation et de reconnaissance mis sur pieds par l’ÉNA, ‘Siège des héros’. Grâce à ce projet, des personnalités inspirantes du monde de l’aviation présentent une conférence et prennent les commandes d’un avion entièrement construit par les étudiants, un RV-6.
Venu expressément au Québec à cette occasion devant plus de 400 étudiants, professeurs, employés et invités de l’École nationale d’aérotechnique, le plus grand institut d’aérotechnique en Amérique du Nord, monsieur Rossy a raconté le formidable parcours qui l’a mené à devenir le premier humain à voler à l’aide d’une aile propulsée fixée sur son dos.
Il commença tout de go en rappelant que ‘l’homme n’était pas fait pour voler, on est des pierres, des enclumes, on n’a malheureusement pas des plumes comme les oiseaux’.
Avant même de commencer sa présentation, suite à sa visite de l’École, lui qui a fait des études en mécanique, mais déjà passionné d’aviation, s’est dit ’jaloux devant de telles installations’.
C’est attaché à une aile rigide de 2,4 mètres d’envergure munie de quatre micro-réacteurs qui lui a permis d’atteindre les 300 km/h et de se faire appeler ‘Jetman’.
Sa présence à un spectacle aérien à l’âge de 13 ans allait déterminer le cours de la vie d’Yves Rossy, né le 27 août 1959 dans le canton de Neufchâtel en Suisse. Il se joindra aux forces aériennes suisses (en allemand Schweizer Luftwaffe, en italien Forze Aeree Svizzere et en romanche Aviatica Militare Svizra) où pilote, il se retrouvera aux commandes de Hawker Hunter, Northrop F-5A Freedom Fighter et Dassault Mirage IIIC. Il intégra les lignes aériennes Swissair qui deviendra Swiss International Airlines où en tant que capitaine, il pilotera des Airbus et des Boeing dont le 747-400.
Mais son rêve demeurait toujours de voler libre de toute contrainte physique, c’est-à -dire sans le carcan d’un fuselage. Pour lui ‘voler des machines supersoniques signifie la liberté mais on est dans des machines…puis j’ai volé dans le civil, des machines extraordinaires comme le Boeing 747-400 à 800kmh…mais elles restent des boites lorsque l’on rêve de voler comme un oiseau.’ Puis à l’âge de 30 ans, Yves Rossy a eu un flash en faisant de la chute libre où il retrouvait les ‘feelings’ qu’il éprouvait en pilotant des jets militaires. Il songe alors à pouvoir ajouter à la chute libre, le vol horizontal.
Lui-même adepte de surf des neiges ou snowboarding, de ski, de parachutisme, d’alpinisme et de parapente ou paragliding, il développe une première aile d’un mètre 30 aux performances limitées puis une seconde de deux mètres 30 avec une finesse de 4, constituée d’une partie centrale en composite et de deux embouts gonflables afin de pouvoir entrer dans l’avion et d’obtenir de meilleures performances. Il l’attache dans son dos à l’aide d‘un harnais largable afin de se séparer de l’aile en cas de problème et parvient, sautant d’un Pilatus PC-6 Porter, à allonger le temps de la chute libre. Mais il reste insatisfait, son but étant le vol libre.
Monsieur Rossy passera alors à l’aile semi-rigide en fibre de carbone à laquelle il greffera la propulsion.
En 2004, il placera deux moteurs allemands alimentés au kérosène Jet-Cat P200 d’une masse unitaire de 84 onces (2,37kg) et d’une poussée de 51,7 livres (230N), d’un diamètre de 5,2 pouces (13,87cm), d’une longueur 13,78 pouces (35,5cm) tournant de 33 à 112 000 tours/minutes venant du modélisme sur son aile qui lui permettra le vol horizontal. Le prix unitaire des P200 s’élève de 7 à 8000 Euros alors qu’il est toujours seul à financer le projet. Deux ans, plus tard, deux moteurs additionnels permettront les manœuvres en vol et ainsi de se diriger dans les trois dimensions, le corps d’Yves Rossy servant d’ailerons, de gouverne de direction et de gouverne de profondeur et de déporteurs, ses seuls instruments étant un altimètre et une commande des gaz. Néanmoins, l’atterrissage nécessite toujours un parachute.
Pour en arriver là , celà lui aura demandé dix ans de travail et quinze prototypes avec un premier vol réussi au-dessus de son pays natal, le 24 juin 2004.
À partir de 2007, monsieur Rossy se pratiquera sur un aérodrome privé, celui de Skydive Empuriabrava à Castello d’Empires en Espagne.
L’année suivante, il commencera à voler au-dessus des Alpes suisses à la vitesse moyenne de 108knt (200km/h) pour atteindre une pointe de 165knt (304km/h).
Jetman attire l’attention du grand public pour la première fois le 14 mai 2008 lors de son premier vol officiel au-dessus des montagnes de son pays.
En septembre de la même année, il récidive en traversant la Manche 99 ans après Louis Blériot sur son monomoteur Blériot XI. Ayant dû renoncer les 24 et 25 septembre à cause d’une mauvaise météo, lancé au-dessus de Calais en France, d’un hélicoptère à 8200 pieds d’altitude (2500m), Jetman se posera, 35km plus loin, à Douvres en Angleterre, 9 minutes et 7 secondes plus tard après une pointe à 157knt (300km/h) pour se maintenir à 105knt (200km/h). Ce vol historique sera retransmis en direct dans 165 pays.
Le 7 mai 2011, Jetman survolera finalement le Grand Canyon en Arizona, aux États-Unis, après avoir attendu pendant une semaine les autorisations d’usage de la part de la Federal Aviation Administration (FAA). Malheureusement, les caméras n’avaient pas eu autant de patience.
En juillet 2013, monsieur Rossy fut une des grandes attractions de l’Experimental Aircraft Association (EAA) Fly-In, grande messe de l’aviation générale qui se tient chaque année à Oshkosh, au Wisconsin, et qui attire en une semaine généralement 500 000 visiteurs et 10 000 aéronefs dont 2000 en exposition.
En 2014, il déménage à Dubai, lieu de son commanditaire XDubai. L’année suivante, il présente son protégé, Vince Reffet, bien connu du monde du parachutisme avec plus de 15 000 sauts à son actif , Freely World Champion en 2004 et gagnant de médailles d’or au World Championships en 2005, 2006, 2008 et 2009. Entraîné et mentoré par Yves Rossy, Vince Reffet va permettre la réalisation du vol en formation des deux hommes.
Le 13 octobre 2015, tous deux réalisèrent un vol en formation historique au-dessus de Dubai, lancés de leur Bell 412 d’une altitude de 5000 pieds (1676m) avec un Airbus A380 d’Emirates de 335 tonnes à une altitude de 4000 pieds (1219m). Le vol d’une durée de dix minutes fut ponctué de montées et de descentes en parallèle du quadriréacté géant.
Le pilote Suisse voulut conclure en soulignant devant ce parterre majoritairement constitué d’étudiants qu’il faut s’accrocher à ses rêves ‘Une idée, un rêve, il faut essayer et faire tout ce qu’on peut pour le réaliser. On n’a rien à perdre. Il faut y croire et surtout persévérer car il y a du travail derrière un succès. C’est normal de ne pas y arriver du premier coup’
Communicateur hors-pair, Yves Rossy confia que ‘Pour ma part, devenir un Jetman est ce que j’ai fait de plus gratifiant dans ma vie’.
Après sa forte intéressante présentation, monsieur Rossy fut invité par Carl Garneau à rester sur l’estrade alors que le premier invita Robert Piché, commandant de l’Airbus A330-200 C-GITS du vol 236 d’Air Transat posé d’urgence aux Açores après une panne séche, à se joindre à eux.
En qualité de premier récipiendaire du trophée du ‘Siège des héros’, le pilote d’Air Transat remis la seconde édition du prix à Yves Rossy.
À son tour, le directeur de l’ÉNA, Sylvain Lambert, en poste depuis le 3 août 2015, remit au commandant Piché, le trophée qui ne lui avait jamais été présenté.
Pour clore, l’évènement, Yves Rossy fut invité à prendre les commandes du Van’s Aircraft RV-6A de l’École, un monomoteur à piston à ailes basses deux places côte à côte réalisé de toutes pièces par les étudiants de l’ÉNA dans le cadre de leur formation collégiale.
Rappelons que bien que l’École ait acheté du constructeur d’avions en kits d’Aurora, en Oregon, les plans du RV-6A, ses étudiants ont revu tous les dessins et la conception de chaque pièce, améliorant même certains composants non critiques. Ainsi, les étudiants n’ont pas simplement assemblé l’appareil, mais bien qu’ils en ont fabriqué chaque pièce une à une, avec toutes les inspections et les tests de qualité que cela exige. Le RV-6A qui a effectué son vol inaugural le 22 janvier 2010, a obtenu de Transports Canada son certificat spécial de navigabilité pour une construction amateur.
Jet Man Jet Powered Wing | |
Envergure: | 2,00m |
Masse avec carburant et fumée | 70kg |
Masse à vide | 40kg |
Motorisation | 4 Jet-Cat P400 |
Poussée | 395N
88,7 livres |
Type de carburant | Kérosène Fuel J-A1 avec 5% d’huile à turbine Aero Shell 500 ou BP 2380 |
Capacité de carburant | 15 à 30 litres |
Vitesse moyenne: | 220km/h |
Vitesse en montée: | 200km/h |
Vitesse en descente: | 350km/h |
Taux de montée: | 3000pieds/minute |
Temps de vol: | 6 Ã 13 minutes |
Parachute: | Parachutes de France Legend R |
Harnais: | Système de séparation automatique avec arrêt des gazs et ouverture automatique du parachute de l’aile |
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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