En ce mercredi 15 avril 2014 sur le coup de midi, le président de l’Agence spatiale canadienne (ASC) depuis le 6 aout 2013, Walter Natynczyk, invité du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) est venu exposé une vision stratégique pour l’avenir du Canada dans l’espace devant près de 150 personnes après avoir été présenté par madame Lucie Boily, vice présidente, politiques et compétitivité à l’Association des industries aérospatiales du Canada (AIAC).
Natif de Winnipeg au Manitoba, le général Natynczyk s’est joint aux Forces armées canadiennes après cinq ans au sein des Cadets de l’Air. Durant sa carrière qui s’étalera sur 37 ans, il servira aussi au Canada qu’à Chypre, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, à Fort Hood au Texas qu’en Irak. Étudiant au Collège militaire Royal Roads à Victoria en Colombie-Britannique, au Collège militaire royal de Saint-Jean, il est diplômé du Collège d’état-major et de commandement des Forces canadiennes, du cours de tactique toutes armes du Royaume-Uni et de l’US Army War College. Sa carrière militaire culminera à titre de chef d’état-major de la Défense du 2 juillet 2008 à sa retraite des Forces, le 29 octobre 2012.
Il a saisi toute l’importance du dossier de l’espace.
Après avoir blagué sur les raisons de la brièveté de sa retraite au départ des Forces armée canadiennes, monsieur Natynczyk d’entrée de jeu affirma que que l’’espace est essentielle pour les Canadiens…l’espace est dans le quotidien de chacun’.
L’espace dépends de la coopération, de la confiance et nécessite des investissements non seulement en argent mais aussi en capital humain, ici la jeunesse qui verra aux destinées des programmes spatiaux dans les années à venir. La mission de l’Agence spatiale canadienne est de nous assurer du succès de ces chercheurs et de ces ingénieurs.
Néanmoins beaucoup de défis se posent comme a su bien le cerner l’ancien ministre David Emerson dans son rapport ‘Au-delà de l’horizon : les intérêts et l’avenir du Canada dans l’aérospatiale’ déposé en novembre 2012. Il y est écrit que la politique spatiale du Canada lors des dix dernières années, a sombré par le manque de priorités claires, des performances inégales et un financement imprévisible. Monsieur Emerson dans son rapport prévient que la situation ne peut continuer ainsi car les intérêts du Canada exigent de faire une utilisation optimale de l’espace pour générer de la richesse, sécurité les frontières et les cotes du pays, protéger la population et l’environnement et donner des services. La compétition internationale et la monté de puissances émergentes et la sophistication grandissante sont des menaces à l’industrie aérospatiale canadienne.
Le contenu du rapport a su mettre en relief à quel point, les gouvernements, les universités, l’industrie, les communautés et les citoyens dépendent de la technologie spatiale dans le quotidien.
L’industrie spatiale au Canada emploie environ 8000 personnes et génèrent des ventes de l’ordre de 3,3 milliards de dollars annuellement dont 340 millions au Québec soit 10% de l’ensemble canadien en hausse de 98% sur cinq ans. Dans la province, 73% de la main d’œuvre œuvrant dans le secteur spatiale est hautement qualifiée appelant à des salaires élevés.
Dans la région de Québec, l’Institut national d’optique (INO), ABB Bomen et l’Université Laval sont reconnues pour leur expertise en photonique, en optique, en robotique, mécatronique, astronomie et astrophysique.
En Estrie, l’université Bishop se spécialise en astrophysique alors que l’université de Sherbrooke possède de nombreuses capacités allant de la télédétection et la géomatique a la mobilité de la surface, en passant par la science des matériaux et la recherche sur le vieillissement.
Pour sa part, Montréal abrite l’Agence spatiale canadienne, des gros joueurs comme MDA mais aussi de plus petits comme Effigis mais surtout des centres d’Excellence universitaires de renommée mondiale.
Le professeur René Doyon de l’Université de Montréal contribue grandement au télescope spatial James Webb, le plus puissant jamais construit et successeur de Hubble.
McGill a fêté le 50ième anniversaire de son Institute of Air and Space Law ce qui ne l’empêche pas d’exceller en génie spatial, en sciences du climat et de l’atmosphère, en sciences de la vie et en physique des particules. L’Université Concordia, l’UQAM et l’Institut national de recherches scientifiques (INRS) ne sont pas en reste.
L’espace est partout autour de nous répéta le général. Les canadiens utilisent tous les jours des milliers de produits et services créés, améliorés ou appuyés par la recherche et la technologie spatiales.
L’espace a rendu possible dans la vie de tous les jours des canadiens, la télévision par satellite, la navigation GPS, les guichets automatiques, les communications téléphoniques intercontinentales et l’enseignement à distance.
Le gouvernement du Canada utilise les données spatiales pour prévoir le temps qu’il fera, surveiller la qualité de l’air, de la glace et de l’environnement, étudier les changements climatiques et améliorer les prévisions météorologiques et environnementales. Il l’utilise aussi pour cartographier la masse continentale du Canada, gérer les ressources naturelles, évaluer les dangers naturels et faire de l’agriculture de précision.
En février dernier, le ministre fédéral de l’industrie, l’honorable James Moore a dévoilé le Cadre de la politique spatiale canadienne du gouvernement qui trace une nouvelle voie à suivre pour l’avenir du Canada dans l’espace. Il encourage encore plus les partenariats entre le gouvernement, le secteur privé et les organismes de recherche et met l’accent sur le lancement de la prochaine génération de scientifiques, d’ingénieurs et d’astronautes.
La compétition devient de plus en plus féroce dans le spatial. À l’heure actuelle, tous les pays du G20 possèdent leur propre réseau de satellites alors que plus de 1100 satellites sillonnent l’espace. Les pays émergents ne veulent plus rester en plan et investissent massivement dans leur programme spatial national.
Ainsi le Canada se retrouve face à de nouveaux concurrents mais aussi à de nouveaux clients et marchés à conquérir.
Dans ce contexte, le Canada doit tirer son épingle du jeu et la Politique canadienne de l’espace repose sur cinq principes.
Le premier principe est que la sécurité nationale du Canada a besoin de l’espace du fait de l’immensité de son territoire, de la longueur de ses rivages et d’une population éparse. Ainsi furent développés Radarsat, un des meilleurs imageurs au monde qui donnera bientôt naissance à la Mission de la Constellation Radarsat ou RCM. Ce dernier permettra une couverture complète des continents et des océans dans l’obscurité mais aussi dans toutes les conditions météorologiques : nuages, brouillard et fumée. Les images saisies par RCM aideront à la gestion et au développement des ressources naturelles, amélioreront la sécurité de la navigation et le suivi du trafic maritime, permettront le respect des lois sur la pêche et l’environnement et soutiendront la gestion des catastrophes naturelles et de l’aide humanitaire.
Le second principe reconnaît l’apport économique de l’industrie spatiale. Avec un soutien non-équivoque, l’industrie spatiale canadienne pourra engager du personnel hautement qualifié dont le talent et l’imagination permettront le développement de technologies d’avant-garde pour le marché mondial. De cette manière, il s’agit de tirer profit des technologies spatiales dans de nombreux autres secteurs comme celui de l’automobile, des mines, de l’aérospatial ou de la médecine.
Le troisième principe reflète du besoin de collaborer au niveau mondial en établissant des partenariats avec d’autres pays pour de grands projets spatiaux. La Station spatiales internationale (ISS) en est l’exemple le plus probant où œuvrent ensemble américains, européens, japonais, russes et canadiens.
L’Agence spatiale canadienne coopère avec 30 universités et quelques 1300 de leurs chercheurs ainsi qu’avec 200 compagnies et leurs 8000 employés hautement qualifiés.
Le quatrième principe est de promouvoir l’innovation canadienne en investissant dans les forces du Canada qui sont entre autres les communications par satellite, la technologie radar, l’optique et la robotique spatiale. Soulignons ici le Canadarm2, un modèle de succès qui se perpétue avec Dextre, un robot bricoleur à deux bras essentiel à la construction de l’ISS et maintenant, de son entretien.
La robotique spatiale à la base du développement de Canadarm2 est maintenant utilisée sur terre pour l’entretien des centrales nucléaires, la soudure et la réparation des oléoducs sous-marins, l’entretien des lignes électriques et le nettoyage des déchets toxiques.
Par exemple, neuroArm, un outil chirurgical développé par le Dr Garnette Sutherland et son équipe de l’Université de Calgary a été développé en collaboration avec MDA. Une version pour enfant, KidsArm a vu le jour grâce le soutien du gouvernement du Canada.
Dans le secteur des satellites de navigation, seule l’industrie américaine surpasse la canadienne qui comprend 80 entreprises qui fabriquent et entretiennent des produits électroniques pour la navigation aérienne et spatiale
Le cinquième principe vise la relève en inspirant la jeunesse à s’intéresser à l’espace et par conséquent à se diriger vers des carrières scientifiques. Les exploits de Chris Hadfield ont attiré l’attention des jeunes vers l’espace. L’astronaute canadien a transporté l’espace dans des millions de maisons et des milliers de salles de classes d’un océan à l’autre. Les deux nouveaux astronautes de l’agence spatiale canadienne, David Saint-Jacques et Jeremy Hansen, sont venus lui prêter main forte lors de 70 évènements l’an dernier.
Du 9 juin au 8 août prochain, se tiendra pour la première fois au Canada, l’International Space University à Montréal à l’École des Hautes études commerciales de Montréal (HEC-Montréal) et l’École de technologie supérieure (ÉTS) qui regroupera 110 participants de 25 pays.
Monsieur Natynczyk conclut que l’Agence spatiale canadienne fera tout afin que les jeunes soient au fait des réalisations canadiennes dans le domaine mais encore plus de les informer des possibilités que leur offre l’espace.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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