De toutes évidence, Bombardier est à la croisée des chemins.
Comme le soulignait Daniel Bordeleau dans son pertinent éditorial publié le 30 avril dernier ‘la véritable valeur de Bombardier Transport http://infoaeroquebec.net/la-veritable-valeur-de-bombardier-transport/# , le marché mondial du ferroviaire connaît de grands chamboulements
La question de fonds est de savoir si ‘Bombardier peut se maintenir sur deux marchés comptant de moins en moins de joueurs, des marchés toujours plus gros et qui demandent des investissements de plus en plus importants et pointus technologiquement.
Dans ce monde économique de plus en plus complexe et technologique, il est ardu pour une entreprise d’exceller sur deux marchés différents : ici dans le cas de Bombardier, l’aéronautique et le ferroviaire.
Une fois, délesté des activités ferroviaires, si cela se réalise jamais, Bombardier devra affronter les défis de sa division ‘Avions commerciaux’ et plus particulièrement ceux du CSeries. D’ailleurs, les CRJ ou Canadair Regional Jet de Bombardier qui créèrent le marché des jets de transport régional, ne connaissent plus le succès d’antan face aux Embraer E-Jet et bientôt aux E-Jet E2 équipés de PW1000 PurePower de la même famille que ceux du CSeries
Il y a des années, le Québec a voulu se trouver un programme phare, un avion porte-étendard sur le modèle de l’Airbus A380 en France et en Europe, au tour duquel, se fédérerait l’industrie aérospatiale québécoise. Ce fut le BRJ-X ou Bombardier Regional Jet eXpansion qui deviendra en juillet 2004 durant Farnborough International, le CSeries.
Peu de pays peuvent se permettre un tel luxe.
Le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon n’ont plus de programme phare.
Des usines britanniques ne sortent plus que deux seuls avions : le Hawk, un jet d’entraînement entré en service en 1976 et le chasseur biréacté Typhoon, au succès mitigé, lancé en 1986 sous le nom d’Eurofighter et dont le vol inaugural remonte à 1994. En Italie, il reste l’avion d’entraînement biracté Aeromacchi MB-346 Master acquis par l’Italie, la Pologne, Singapour et récemment Israël. Le Japon a bien essayé dans les années 1990 avec son chasseur monoréacté F-2A très fortement dérivé du F-16 Fighting Falcon américain et construit à 98 exemplaires. Le pays du Soleil Levant voudrait récidiver avec le Mitsubishi ATD-X Shinshin, un chasseur de cinquième génération, qui ne dépassera le stade du prototype et le Mitsubishi Regional Jet ou MRJ. Même en cas de succès de ce dernier, ses ventes représenteront peu par rapport à la sous-traitance effectuée au Japon pour le compte de Boeing, entre autres sur les Boeing 777 et 787 et d’une valeur totale annuelle de quatre milliards de dollars américains.
Le CSeries ne devrait pas faire oublier les autres forces de l’industrie aérospatiale du Québec: les avions d’affaires de Bombardier qui représentent un chiffre d’affaire de cinq milliards de dollars américains, les turbines de Pratt & Whitney Canada qui font travailler plus de 5000 personnes au Québec, les hélicoptères de Bell Helicopter Textron Canada, les simulateurs de CAE, les systèmes avioniques de Esterline CMC, sans oublier les fournisseurs.
Même si le CSeries remplit ses promesses en terme de ventes, ce programme soutiendra 2500 emplois chez Bombardier au Québec et autant chez les équipementiers et sous-traitants ou fournisseurs locaux. Pratt & Whitney Canada en emploie à lui seul déjà dans la grande région de Montréal.
Même le CSeries remplira toutes ses promesses au niveau des performances, il en est tout autrement au chapitre des ventes, tout au moins jusqu’à maintenant.
N’aurait-il pas fallu envisager à un Plan B au cas où ?
Le Royaume-Unis, l’Italie et le Japon sont d’importants constructeurs aéronautiques grâce à leurs équipementiers et fournisseurs Tier 2, Tier 3 et Tier 4.
Un plan B pourrait prendre la forme d’un consortium de PME aérospatiales québécoises pouvant fournir un groupe de sous-ensembles pour, par exemple, le successeur du Boeing 737 qui sera certainement lancé avant la fin de la décennie pour une entrée en service au milieu des années 2020.
Peut-être même que cette entité pourrait être chapeautée par Bombardier Aérostructures qui réunirait les compétences du constructeur en matière de conception et de fabrication dont la technologie de composite hors autoclave développée pour le Learjet 85, technologie prometteuse à plus long terme même si elle n’a put être certifiée par la F.A.A. pour le moment.
Actuellement 42 Boeing 737 sortent des ateliers de Renton dans l’état de Washington tous les mois, en 2017, ce chiffre sera porté à 47 et en 2018 à 52 soit 620 biréactés par mois. Son successeur pourra tabler sur des chiffres de livraisons du même ordre
Chaque million de dollars de contenu québécois placé sur cet appareil se traduira par des ventes annuelles d’au moins 500 millions
Cinq millions par appareil se traduirait par des revenus annuels pour le Québec de l’ordre de près de trois milliards de dollars américains.
Avec un prix catalogue de 87 à 113 millions de dollars américains l’exemplaire de la famille du 737MAX, un tel plan B est à envisager pour son successeur.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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