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Par la plume de Sylvain Larocque du Journal de Montréal, le Québec apprenait, le 7 octobre 2020 qu’Airbus avait sélectionné une entreprise localisée aux États-Unis pour assurer l’aménagement intérieur de la version VIP de l’A220, anciennement CSeries, annoncé en grandes pompes au siège social d’Airbus à Toulouse.
Baptisé avec ‘grande imagination’ le TwoTwenty, la version VIP de l’A220 sera aménagée à Indianapolis, en Indiana aux ateliers américains de Comlux, une société de charter haut de gamme fondée en 2003, basée à Zurich, en Suisse. Faut-il préciser qu’elle est dirigée par l’ancien grand patron d’Airbus Corporate Jets, le coloré Richard Gaona. À la tête de la division des avions VIP d’Airbus de 1999 à 2007, il fit le saut chez Comlux, un important client d’Airbus Corporate Jets.
Dans le petit monde de l’aérospatiale française, tout le monde se connaît, ils ont étudié dans les mêmes grandes écoles, œuvré dans les mêmes ministères, puis entreprises et tous et chacun ont navigué d’une entreprise à une autre, d’un cabinet de ministre à la direction d’un avionneur à celle d’une agence gouvernementale pour revenir chez un équipementier.
Il faut être vraiment naïf pour croire un instant qu’Airbus aurait confié à Bombardier, la seule entreprise au Québec d’entreprendre de tels travaux d’aménagement, la finition des TwoTwenty. De surcroît, l’avionneur Bombardier avec son Global 7500 est en quelque sorte concurrent du Two Twenty.
Offrir des versions VIP d’avions de ligne fut, une fois encore, l’idée de Boeing, qui lança au Salon de la National Business Aviation Association (NBAA) de 1999 auquel j’assista, le concept de Bizliners en offrant une version d’affaires du Boeing 737-700. Était nés les Boeing Business Jets (BBJ) et le BBJ1 suivi du BBJ2, BBJ3, BBJ MAX8, BBJ MAX9. Plus de 150 seront livrés lors des vingt premières années d’existence de cette nouvelle entité de Boeing. Sans surprise, Airbus suivra l’année suivante en créant Airbus Corporate Jets (ACJ).
Les années d’euphorie du marché des Bizliners sont passées. Beaucoup d’acheteurs de jets d’affaires haut de gamme préfèrent les Dassault 8X, Gulfstream G650 et bientôt G700 et Bombardier 7500, plus discrets, moins couteux à l’achat et à l’usage et ayant accès à plus d’aéroports.
Airbus et ses fournisseurs ont su berner le Canada et le Québec depuis longtemps.
Airbus promis la lune dans les années 1980 pour déloger les américaines Boeing et McDonnell Douglas de chez Air Canada qui avec comme pdg, un français de naissance, Pierre Janniot, à la tête de l’entreprise opta pour l’Airbus A320. La porte était ouverte et Airbus s’y engouffra fournissant plus de 150 avions de ligne au transporteur canadien : A319, A330, A340 et certains hurluberlus voyaient déjà Air Canada commander des A380. Des promesses, il ne reste qu’une usine de trains d’atterrissage de Safran, originalement Messier Dowty, à Mirabel, au Québec.
Puis, il y Sextant Avionique devenu Thales, qui avait des plans grandioses pour le Québec. Je suis d’ailleurs le premier journaliste à couvrir cette entreprise à son arrivée à Saint-Laurent. Peu fut livré mais Thales réussit à s’installer comme fournisseur de Bombardier.
Turbomeca, devenu Safran Engines claironna lors de son arrivée à Mirabel dans les années 1990 qu’elle avait choisi le Québec pour ses grands projets de développement. Nous connaissons la suite.
Le summum fut atteint par Airbus en octobre 2017 lors du Love-In avec Bombardier, le Premier ministre du Québec du temps, Philippe Couillard et tout le Québec si reconnaissant face à ce chevalier blanc qui avait sauvé le CSeries des affres de Boeing. Le prix pour le contribuable québécois fut important en donnant à Airbus ce qui devait être le fleuron de l’industrie aérospatiale du Québec, le CSeries.
Airbus ne s’arrêta pas là en se faisant payer par Bombardier, l’aménagement de la ligne d’assemblage de l’A220 dans le hall d’assemblage de l’avionneur européen à Mobile, en Alabama.
L’envoi à Indianapolis pour l’aménagement intérieur des A220 VIP n’a rien d’étonnant. Le passé d’Airbus est garant de son futur.
Aéro Montréal pourra bien aboyer, Airbus poursuivra dans sa lancée. Ni le Québec, ni le Canada n’ont les moyens de poser quelle condition que cela soit à Airbus.
Le patron d’Airbus Canada est devenu le porte-parole informel de l’industrie aérospatiale québécois quand il prend la parole et demande des sous d’Ottawa pour l’industrie mais surtout pour son projet de version rallongée de l’A220.
Les motivations des dirigeants d’Airbus à Toulouse sont évidentes :
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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