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Les activités d’espionnage du Centre de la sécurité des télécommunications du Canada (CSTC) au Brésil pourraient avoir des conséquences très négatives pour l’industrie aérospatiale québécoise. Au cours des derniers jours, les médias canadiens ont souvent présenté les échanges commerciaux entre le Canada et le Brésil comme peu importants. En 2012, les exportations canadiennes au Brésil ne se chiffraient qu’à 2,5 milliards $ alors que nos importations en provenance de ce pays atteignaient 3,9 milliards $. Certains commentateurs ont également insisté sur le fait que les deux pays sont en concurrence dans de nombreux domaines, mais sans préciser par contre qu’il y a également des secteurs où la collaboration est importante, dont l’aérospatiale.
Il est tout à fait exact que le minerai de fer brésilien, très peu coûteux à extraire, mène une dure concurrence au minerai de fer québécois dont le coût de production est beaucoup plus élevé; le pétrole de l’ouest canadien est en concurrence avec le pétrole brésilien dans le sud des États-Unis et les avions de Bombardier sont malmenés par la concurrence de ceux d’Embraer. Par contre plusieurs entreprises canadiennes du secteur aérospatial effectuent d’excellentes ventes au Brésil et plusieurs autres espèrent y effectuer une percée prochainement.
Les ventes des compagnies CAE, Pratt & Withney Canada et HérouxDevtek constituent de bons exemples d’une percé brésilienne réussie. La compagnie CAE est devenue un important fournisseur d’Embraer à qui elle vend des simulateurs pour les avions d’affaires Phenom 100 et 300 ainsi que pour les Legacy 450, 500, 600 et 1000 Lineage. Elle fournit également les simulateurs des avions régionaux E170, 175, 190, 195 ainsi que pour les ERJ-135 et 145. CAE possède également une importante école de pilotage d’avions et d’hélicoptères près de l’aéroport international de Guarulhos à Sao Paulo; cette école comporte 8 simulateurs de vol.
Pratt & Whitney Canada constitue un autre exemple intéressant. L’entreprise de Longueuil fournit à Embraer les turbines des avions d’entraînement militaire Tucanos et celles des avions d’affaire Phenom 100 et 300. La compagnie HérouxDevtek pour sa part a conçu et fabrique le train d’atterrissage des avions d’affaire Legacy 450 et 500. Quant à Bombardier, la concurrence d’Embraer dans le secteur de l’aviation ne l’a pas empêché d’obtenir, avec deux partenaires locaux, le contrat de construction d’une nouvelle ligne de monorail à Sao Paulo. Il s’agit d’un contrat de 1,4 milliards $ dont 816 millions iront à Bombardier. Ce monorail sera conçu, développé et testé par l’usine de Bombardier transport à Kingston en Ontario.
Jusqu’à ces derniers jours, la percée des entreprises canadiennes du secteur aérospatial au Brésil semblait d’autant plus possible que les relations politiques entre ce pays et les États-Unis se sont détériorées considérablement au cours des derniers mois. Ce refroidissement diplomatique amène plusieurs entreprises brésiliennes à chercher des partenaires commerciaux dans d’autres pays que les États-Unis, d’où une ouverture plus grande à l’endroit de pays comme le canada. Mais ce qui était vrai la semaine dernière le sera-t-il encore la semaine prochaine? La chose est loin d’être certaine.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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