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Dans un long communiqué émis en fin de journée le mardi 10 novembre 2013 par Bell Helicopter Textron de Fort Worth au Texas conjointement avec la Louisiana Economic Developement, il fut rendu public que le dernier né de la famille des hélicoptères Bell, le monoturbine de cinq places Short Light Single ou SLS serait assemblé au Lafayette Regional Airport à Acadiana en Louisiane.
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La nouvelle fut annoncée par le gouvernement de la Louisiane, Bobby Jindal, et le président de Bell Helicopter Textron, John Garrison.
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La Louisiane, qui compte sur son territoire de nombreux industriels comme Lockheed et Boeing ainsi que le Michoud Assembly Facility de la NASA à la Nouvelle-Orléans, abrite trois des plus importants opérateurs d’hélicoptères au monde, PHI, ERA Helicopters et Bristow Group, grâce à l’exploitation pétrolière au large de ses côtes.
Les discussions entre les autorités économiques de la Louisiane commencèrent en juillet dernier suite à une visite en mai au siège du constructeur à Fort Worth.
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Selon les termes de l’accord, Bell louera un immeuble de 82300 pieds carrés construit au coût de $26,3 millions par l’État de Louisiane, au Lafayette Regional Airport. Bell investira $11,4 millions en équipement et outillage dans cette usine dont la construction débutera au premier semestre 2014 pour une entrée en service prévue en 2016 au moment de la certification du SLS.
Ainsi 115 emplois permanents directs seront créés chez Bell au salaire annuel moyen de $55000 et quelque 136 indirects pour un total de 250.
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Incorporée en janvier 1984, son usine de Mirabel inaugurée en septembre 1986, Bell Helicopter Textron Canada avait, depuis la fin des années 1980, le mandat exclusif de la conception et de la fabrication de tous les hélicoptères civils du constructeur texan. La décision d’assembler le SLS en Louisiane jumelée à celle de février 2012 envoyant la production du tout nouvel hélicoptère de 16 passagers de la catégorie des 8 tonnes, le Bell 525 Relentless à Amarillo au Texas, lieu d’assemblage des convertibles de transport militaire V-22 Osprey, souligne un changement de stratégie de la direction de l’entreprise. Le SLS comme le 525 est de conception entièrement nouvelle et non pas une déclinaison de modèles existants.
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En juin dernier, lors du Salon du Bourget, dans une petite salle de conférence, John Garrison dévoilait l’existence du SLS par l’annonce du contrat de motorisation du nouvel hélicoptère à la française Turbomeca, une première pour l’hélicoptériste texan. À la question que je posai alors à monsieur Garrison quant au lieu d’assemblage du nouvel hélicoptère, il répondit que le choix se porterait sur un pays ‘à bas coût’, sans plus de précision. Fallait-il comprendre que l’usine de Mirabel ne serait pas considérée.
Le SLS se pose en successeur du Bell 206 par l’introduction de nouvelles technologies dans le marché du monoturbine tout en offrant un compétiteur au Robinson R66 dévoilé en février 2009 à Heli Expo, un nouveau venu redoutable sur ce marché.
Bell Helicopter décidait de revenir dans le marché du monoturbine léger après en être sorti par l’arrêt de la production du Bell 206B en 2010 avec la livraison du dernier 206B3 JetRanger, aux installations de Bell à Mirabel au nord de Montréal. Le 206 remonte au début des années 1960, conçu pour répondre à un appel d’offres de l’US Army pour 4000 hélicoptères légers d’attaque et de reconnaissance, qui perdu face au Hughes 500 qui deviendra le OH-6 Cayuse. En 1966, Bell en offrait une version civile sous le nom de Jet Ranger au prix de $89000 dont les livraisons débutèrent l’année suivante.
Au fil du temps, le 206 conserva la même apparence. En 1977, l’avènement du JetRanger III ou Model 206B3 constitua l’étape la plus significative par l’introduction d’une version 25% plus puissante de la turbine Allison 250, la -20J.
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Plus de 7500 Bell 206 furent livrés à des clients civils dont 4400 sont encore en service.
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Le succès du Robinson R66 dont plus de 500 exemplaires du premier monoturbine du constructeur de Torrance en Californie depuis l’amorce des livraisons en novembre 2010 a réveillé les responsables de Bell Helicopter qui travailleraient sur le projet depuis deux ans. Robinson a livré 191 R66 en 2012 et compte dépasser les 200 en 2013.
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Le Bell SLS dont le nom et la désignation seront annoncés au mondial de l’hélicoptère, Heli Expo 2014 en février prochain à Anaheim en Californie, affichera une vitesse de croisière de 125 nœuds, un rayon d’action de 360 à 420NM, une charge utile de 1500 livres et un plafond de 11000 pieds.
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La fabrication de son fuselage fera appel aussi bien d’aluminium que de composite alors que l’assemblage du SLS sera modulaire, réduisant ainsi le temps d’exécution et le nombre d’outils.
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Pour la première fois, un hélicoptère Bell ne sera propulsé ni par une turbine Rolls Royce, anciennement Allison, ni par une turbine Pratt & Whitney Canada.
Turbomeca, le spécialiste français des turbines légères et filiale de SAFRAN, y a placé sa nouvelle turbine Arius 2R de 504 chevaux-vapeur. Depuis son implantation à Mirabel en 2003, l’entreprise française avait essayé sans succès à plusieurs reprises de monter dans un programme de Bell Helicopter.
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Toutefois le prix de vente du SLS représentera un facteur déterminant du fait que le leader sur le marché, le R66, coûte moins d’un million de dollars contre l’offre d’Eurocopter, l’EC120 dont le prix tourne autour de deux millions. Aussi seulement neuf EC120 trouvèrent preneur en 2012.
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Par une conception et un assemblage simples, Bell souhaite rapprocher le prix du SLS de celui du R66 tout en proposant des performances supérieures et des caractéristiques uniques. Conçu en partie à Mirabel, le SLS offrira les meilleures performances en terme de vitesse et de capacité de charge de sa catégorie, cinq places faisant toutes face à l’avant, un plancher plat, un FADEC, une grande surface vitrée assurant une visibilité exceptionnelle, un niveau sonore bas rencontrant les normes Stage 4 de l’IATA, des portes ‘clamshell’ à l’arrière s’ouvrant sur une soute à bagages de 18 pieds carrés ainsi qu’une planche de bord Garmin 1000H semblable à celle du Bell 407GX.
Le SLS reprend des composantes dynamiques du Bell 206L-4 Long Ranger, toujours en production à Mirabel.
Le dernier-né de Bell Helicopter visera principalement le marché de l’exportation aux services du transport privé, de l’utilitaire, des forces policières et militaires et de la formation en vol.
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Avec plus de 4400 Bell 206 encore en service dont nombre ayant dépassé l’âge vénérable de 30 ans, les responsables de Bell tablent sur plusieurs centaines de ventes par année.
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Une version allongée du SLS pourrait, à terme, venir remplacer le 206L4.
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Son vol inaugural est prévu pour le quatrième trimestre de 2014 bien qu’aucune date d’entrée en service n’est avancée par Bell. Au Salon du Bourget, John Garrison affirma que ‘la certification surviendra le plus rapidement possible’.
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Avec le SLS, Bell Helicopter répond en retard au défi posé par le Robinson R66 dont la venue était très attendue depuis des années par un marché en quête d’un successeur au Bell 206, une machine simple, économique et fiable. Le succès du monoturbine du constructeur californien repose, certes, sur les qualités intrinsèques de la machine et sur son prix mais aussi sur l’absence de concurrence depuis l’arrêt de la production du Bell 206B3 en 2010.
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Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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