Par Philippe CAUCHI
Salon du Bourget – Après les trombes d’eau de la veille, le second jour fut sous le signe du soleil et de la grande chaleur.
Ce mardi n’allait pas voir les annonces de commandes se ralentir. Bien au contraire !
Boeing volera la vedette avec le lancement de la version à forte capacité du 787, le 787-10.
D’ailleurs, une grande murale du 787-10 installée à l’entrée du chalet Boeing aurait du mettre la puce à l’oreille.
Fort de 102 commandes d’une valeur au catalogue de 30 milliards de dollars : 30 d’Air Lease Corp., 20 d’United Airlines, 12 de British Airways, 30 de Singapore Airlines et 10 de GECAS, l’avionneur de Seattle lance cette version allongée de 18 pieds et accueillant 40 passagers de plus que le 787-9. A un prix catalogue de 290 millions de dollars américains, le 787-10 se positionne sur le même créneau que l’A350-900 qui a réussi vendredi dernier son premier vol d’essai.
D’une capacité de 300 à 330 passagers et d’un rayon d’action de 7000 miles nautiques, le 787-10 sera aux dires du président de Boeing Commercial Airplane Group, ‘l’avion de ligne le plus efficace de l’histoire’. Des couts d’opérations par siège de 25% inférieurs à ceux des avions qu’il remplacera et de 10% de ceux de nouvelle génération de la concurrence selon les chiffres du constructeur. L’assemblage du premier 787-10 puis son vol inaugural auront lieu en 2017 pour une entrée en service en 2018.
Suite au lancement du 787-10, Boeing déclinera d’ici 2018 trois versions du Dreamliner. Le 787-9, grand frère du 787-8 en service depuis 2011, est annoncé pour le début de l’année prochaine. Quant à la concurrence, le premier A350 n’entrera en service qu’a la fin de 2014.
 Boeing conforte ainsi sa domination dans le secteur des gros porteurs, lui qui propose, en plus du 787-8, déjà deux versions modernisées du 777, les 777-200LR et 777-300ER, les ‘best sellers’ du créneau et lancera au Salon de Dubaï en novembre prochain, le 777X, remotorisé et équipé d’ailes en matière composite entre autres améliorations.
L’européenne Airbus, renforça son avance dans le créneau des monocouloirs de prochaine génération avec l’annonce par la low-cost britannique EasyJet de 100 A320Neo et 35 A320, accompagnée d’options pour 100 A320NEO.
La valeur au catalogue des commandes fermes atteindrait le 12 milliards de dollars mais avoisinerait plutôt les 6 milliards suite à des rabais conséquents. Il faut rappeler qu’après avoir été un important utilisateur de Boeing 737, EasyJet se tourna vers l’A320 pour n’aligner, à l’heure actuelle, au sein de sa flotte que le monocouloir européen.
Ainsi 85 des 135 aéronefs en commande ferme serviraient au remplacement d’avions existants vieillissants. EasyJet vise une flotte forte de 276 à l’horizon 2020.
La ‘Low Costy’ anglaise’ remplacera ses A319 de 156 places par des A320NEO de 180.
Les 35 A320 qui sont la confirmation d’une option d’achat existante, seront livrés entre 2015 et 2017 et les A320NEO entre 2017 et 2022. Le transporteur n’a pas encore porté son choix sur le fournisseur des moteurs soit Pratt & Whitney et son PW 1000G Pure Power ou CFM et son Leap 1-A.
EasyJet aurait considéré avant d’opter pour l’A320, non seulement le Boeing 737MAX mais aussi la version ‘haute densité’ du CS300 de Bombardier.
Coté aviation commercial, l’édition 2013 du Salon fut la confirmation de la résurrection des turbopropulsés de transport régional.
L’italo-européenne ATR, enregistra une commande historique de 90 de ses biturbopropulsés avec le loueur danois Nordic Aviation Capital (NAC) dont 30 ATR 72-600 et 5 ATR 42-600 fermes. Les livraisons commenceront des cet automne au rythme de sept aéronefs par an.
La flotte de NAC comptera de près de deux cents avions à l’horizon 2016 dont 150 ATR.
Comme les dirigeants d’autres transporteurs, le président de NAC, Martin Moller, afficha son intérêt pour le développement d’un turbopropulsé de transport régional de 90 places.
D’ailleurs, le président d’ATR, Filippo Bagnato, réitéra qu’il n’y avait pas de divergence d’opinion sur la question entre les deux actionnaires du consortium. Néanmoins, lundi en conférence de presse, les représentants d’Alenia Aemacchi reconnurent qu’ils essayaient de convaincre leurs partenaires, EADS, du bien-fondé de lancer ce programme.
ATR étudie depuis des années la faisabilité d’un 90 places et dévoila en janvier dernier, une esquisse d’un avion biturbopropulsé à ailes hautes équipés de winglets et de moteurs à hélices à huit pales.
Bombardier, de son coté, songe à apporter des amélioration à son biturbopropulsé Q400 dont l’offre de sièges plus larges. Le Q400 s’adresse aux clients privilégiant la vitesse et le rayon d’action car il est 15% plus gros et 40% plus rapide que l’ATR.
La française Safran, par le biais de sa filiale spécialisée dans les turbopropulseurs Turbomeca, étudie le développement d’une turbine de plus de 5000 c.v. destinée aux turbopropulsés de 90 places. Elle rejoint ainsi les deux motoristes nord-américains qui y réfléchissent aussi : Pratt & Whitney Canada avec son ‘Next Generation Regional Turboprop (NGRT) et General Electric avec un dérivé de la GE38, sa nouvelle turbine militaire destinée à l’hélicoptère de transport lourd Sikorsky CH-53K commandé par l’US Marine Corps.
Coté militaire, Boeing, constructeur des C-17 Globemaster II et bientôt du KC-46, passait un accord avec Embraer portant sur l’avion de transport militaire et ravitailleur en vol brésilien de moyen gabarit, le KC-390.
Par cet accord, le géant américain de la défense se chargera des campagnes de ventes et, le cas échéant, de l’entrainement des équipages et du soutien des aéronefs aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans deux pays du Moyen-Orient non identifiés.
Le vol inaugural de ce biréacté propulsé par des IAE V2500 à aile haute muni d’une rampe arrière et propulsé par des IAE V2500, est prévu pour la fin de cette année et l’annonce des premières commandes fermes, en 2014. Boeing et Embraer évaluent son marché a 700 appareils et misent sur une baisse d’attrait pour le LockheedMartin Hercules construit a plus de deux milles exemplaires depuis son premier vol en 1955.
L’américaine LockheedMartin ne cesse de trouver de nouveaux usages à son C-130J Hercules. Le constructeur de Marietta en Georgie fit part de son intention de lancer unversion civile de son quadriturbopropulsé a rampe d’accès arrière ainsi qu’une version de patrouille maritime.
Les quelque 289 C-130J en service dont 16 au sein des Forces armées canadiennes, ont accumulé plus d’un million d’heures de vol depuis le vol inaugural du 5 avril 1996.
Il faut se souvenir qu’entre les années 1960 et 1992, Lockheed livra 114 L-100 version civile de l’Hercules. L’avionneur estime à 70 exemplaires, le marché d’une version civile du C-130J.
Quant a sa version maritime, le SC-130J, elle serait offert en trois versions : une première de patrouille maritime similaire a celle des US Coast Guard, une seconde permettant l’armement et une troisième équipée d’une suite de lutte anti-sous-marine complète. Un marché potentiel de 60 appareils est estimé principalement parmi les utilisateurs de P-3 Orion dont les appareils n’ont pas été modernisés et munis de nouvelles ailes. A la fin juin, par la réception de son premier appareil, Israël rejoindra le groupe des utilisateurs de C-130J qui compte l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Inde, l’Iraq, l’Italie, la Norvège, Oman, le Qatar, la Tunisie et le Royaume-Uni sans oublier l’US Air Force, l’Air National Guard et l’US Marine Corps. En 2014, se joindront le Koweït et la Corée du sud.
Ce Salon marqua la montée inexorable des drones. Comme nous le rappelions précédemment, Dassault Aviation arbora pour la première fois son démonstrateur, Neuron et de son coté, General Atomics, son Predator. Nombre d’avions sans pilote ou drone, de toutes tailles et de toutes origines, furent en exposition à l’intérieur sur les stands ou a l’extérieur au statique.
L’Aerospace Industries Association des États-Unis en plus d’exposer plusieurs drones devant son chalet, organisa un panel sur l’acceptation toujours croissante par le public américain de l’utilisation civile des avions sans pilote.
Les italiennes Piaggio et Selex présentèrent en première mondiale, leur avion sans pilote, le Piaggio P-1HH HammerHead dont l’armée de l’air italienne a passé commande de dix exemplaires afin de combler ses besoins en matière de drone MALE (Medium Altitude Long Endurance). Construit autour d’un l’avion d’affaires biturbopropulsé P-180 Avanti II, le prototype du HammerHead qui a effectué ses premiers tests de roulement le 14 février dernier, veut se placer au niveau supérieur de la gamme des MALE. Il devrait effectuer son premier vol avant la fin de l’année tandis que le premier avion de production devrait s’envoler l’an prochain. Il sera muni d’une aile plus large, d’une suite complète de capteurs, d’une baie ventrale accueillant le radar SeaSpray 7300E de Selex. A pleine charge de carburant, il pourra voler 16 heures a 135 nÅ“uds avec une charge utile de 500 livres. Avec une charge utile de 2000 livres incluant des munitions sous les ailes, il peut voler à 45000 pieds.Â
Le HammerHead devrait être opérationnel au sein des forces armées italiennes à l’horizon 2016-2017. Il est né des délais dans l’autorisation par les autorités américaines d’armer les Predator B de l’Aeronautica Militare.
Il faut rappeler qu’ à la veille du Salon, Dassault, EADS Cassidian et Finmeccanica Alenia Aermacchi se déclarèrent en faveur d’un programme MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance), un drone de reconnaissance et de surveillance et qu’ils sont prêts à se coordonner autour d’un tel programme qui répondrait aux besoins en matière de sécurité des gouvernements et des forces armées européennes.
Coté du Québec, deux ententes inédites furent signées par la ville d’Alma dans le domaine des drones.
Par la première, l’entreprise Fly-n-Sense, de Mérignac, en banlieue de Bordeaux, viendra s’installer à l’aéroport d’Alma pour l’assemblage et la distribution de ses appareils, des petits drones servant à la lutte contre les feux de forêt.
Par la seconde, les clients du Centre d’essais et de services sur les systèmes autonomes (CESA) de Bordeaux, un organisme similaire au Centre d’excellence des drones d’Alma, pourront effectuer des essais à l’un et l’autre centre de chaque côté de l’Atlantique.
Aéroports de Montréal a convenu de construire au cout de 9,5 millions de dollars, une usine dans le parc industriel de l’aéroport de Mirabel qu’il louera à la compagnie française Aerolia pour y assembler le fuselage central des avions d’affaires Global 7000 et Global 8000 de Bombardier.
Construite selon les besoins spécifiques d’Aerolia, cette unité de production de 7300 m2 sera couverte par un bail d’une durée initiale de 15 ans. En juin 2012, cette filiale du groupe EADS avait annoncé son arrivée au Québec et prévoit créer 150 emplois dans le cadre d’un engagement financier d’environ 75 millions de dollars d’ici 2018. Le siège social canadien d’Aerolia s’y installera dès janvier 2014. Une centaine d’ingénieurs œuvrent déjà à la conception du fuselage central des Global 7000 et 8000 dans des bureaux à ville Saint-Laurent
Le gouvernement du Québec octroiera à Aerolia, une contribution non remboursable de 5 millions de dollars ainsi qu’un prêt sans intérêt de 10 millions
Finalement AéroMontréal, la grappe aérospatiale du Québec, signa deux ententes.
La première, signée au stand du Québec au Salon du Bourget, est un accord-cadre de collaboration avec ‘Aerospace cluster in Rhône-Alpes’ qui vise à entamer des relations privilégiées entre les deux grappes aérospatiales, à accroître les échanges d’information en matière d’innovation et d’optimisation de la chaîne d’approvisionnement et à favoriser la vigie internationale. La région Rhône-Alpes est considérée comme la 4e région européenne en matière de recherche aéronautique.
Il s’agit de la troisième entente contractée par AéroMontréal avec un pôle de compétitivité aéronautique français après celle d’Aerospace Valley en 2007 et de Pégase en 2012.
La deuxième, signée en soirée à la Délégation générale du Québec dans le 16ieme arrondissement de Paris, réside en un troisième accord-cadre de collaboration avec le Pôle de compétitivité aéronautique et spatial Skywin Wallonie. À la suite de cette signature, les deux organisations procèderont à la mise en œuvre immédiate d’une étude de faisabilité en vue de l’implantation de l’Initiative MACH en Wallonie. Cette entente est basée sur un projet commun approuvé, fin mai 2013, par la Commission mixte entre Wallonie-Bruxelles et le Québec, soutenant et valorisant la coopération entre les deux entités.
Aux dires de madame Suzanne Benoit, présidente-directrice générale d’AéroMontréal, cette entente est le premier jalon pour émuler l’Initiative MACH en dehors des frontières du Québec. Cette nouvelle reconnaissance internationale de l’initiative favorisera l’établissement du label de performance MACH comme un gage de qualité auprès des donneurs d’ordres mondiaux.
Nicolas Marceau, ministre des Finances et de l’Économie du Québec, présent à l’évènement, conclut en déclarant que ‘La signature de cet accord de collaboration démontre nettement la notoriété de l’Initiative MACH d’AéroMontréal à l’échelle internationale’.
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Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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