MONTRÉAL – Nombre mots : 1558 – Temps de lecture : 12 minutes. Après avoir décidé de l’entrée en vigueur de la prise de contrôle par Airbus, du programme C Series, le 1erjuillet, comme par hasard date de la Fête du Canada, le second grand Love In Airbus – Bombardier fut tenu aux installations de Mirabel, au nord de Montréal, le 4 juillet, jour de l’Independence Day des États-Unis, peut-être un pied-de-nez à Boeing.
Pour la deuxième fois depuis l’annonce de la reprise du programme C Series par l’avionneur franco-germano-espagnol Airbus le 16 octobre 2017, plus de mille employés furent réunis dans une section du hall de finition des C Series aux installations de Mirabel, une quarantaine de kilomètres au nord de Montréal, au Québec.
Sur l’estrade, paradèrent Alain Bellemare, pdg de Bombardier et Tom Enders, pdg d’Airbus mais surtout les membres de la haute direction de la Société en commandite Avions C Series, le tout orchestrée par la directrice des communications de la nouvelle entité, Marcella Cortellazzi,encore récemment, de chef des communications avec les employés, Avions militaires, défense et aérospatiale chez Airbus :
Les élus ne manquèrent pas une occasion de se montrer surtout du côté provincial en cette année d’élections, le prochain scrutin fédéral devant se tenir en octobre 2019.
Du gouvernement fédéral, le Premier ministre Libéral Justin Trudeau avait envoyé David Lametti, député de la circonscription de LaSalle-Émard-Verdun et secrétaire parlementaire du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains.
Pour sa part, le Premier ministre du Québec, le Libéral Philippe Couillard, qui fera face au vote populaire le 1eroctobre prochain et dont le parti est en deuxième place dans les sondages, délégua un gros canon du cabinet en la personne de Christine Saint-Pierre, députée de l’Acadie Parti libéral du Québec, ministre des Relations internationales et de la Francophonie et ministre responsable de la région des Laurentides où se trouvent les installations de Mirabel.
La présentation de près de 45 minutes au moins 1000 employés de Mirabel, ponctuée d’une vidéo corporative, avait pour but de souligner l’entrée en vigueur de l’entente entre Airbus et Bombardier annoncée à Montréal le 16 octobre 2017 qui se traduit par la création de la Société en commandite Avions C Series détenue à 50,1% par Airbus sans que celle-ci ait versé un sou. Qui plus est, Bombardier a émis le 1erjuillet au bénéfice d’Airbus SAS des bons de souscription pouvant être exercés pour un nombre total de 100 000 000 d’actions classe B au montant de US$1,74 (CAN$2,29). Rappelons que Bombardier et Investissement Québec conservent respectivement 34 % et 16 % de la nouvelle entité chapeautant le programme du C Series.
En bras de chemise, Tom Enders, pdg d’Airbus rappela à son imposant auditoire que le partenariat annoncé l’automne dernier est l’une des plus importantes transactions de l’histoire de l’avionneur européen.
Néanmoins, Philippe Balducchi, le pdg de la Société en commandite Avion C Series, anciennement chef de la gestion de la performance chez Airbus Avions commerciaux ne put s’empêcher de passer aux employés réunis dans le hangar, un message important que ne cessent de répéter les responsables d’Airbus depuis avoir mis la main sur le programme d’avions de cent place de Bombardier : ‘réduire les coûts’.
Le message du nouveau patron du C Series aux employés fut sans équivoque : ‘augmenter la cadence’ et ‘réduire les coûts’ dans le contexte d’une toute prochaine alliance entre le géant américain Boeing et le brésilien Embraer sur le marché des avions de moins de 150 places dont, ironiquement, l’accord final a été rendu public deux jours plus tard.
D’ailleurs en mêlée de presse à l’extérieur du hangar devant un CS300 aux couleurs d’Air Baltic, monsieur Balducchi précisa sa pensée. Le détenteur d’un MBA d’HEC paris et diplômé de l’École nationale de l’aviation civile (ÉNAC) affirma que sa première manÅ“uvre sera de fixer les objectifs ‘avec une direction de ce qui se fait de mieux chez Airbus et Bombardier’. Il souligna l’expertised’Airbus pour la partie commerciale et les achats, sans oublier sa force de frappe d’Airbus mais n’oublia pas de souligner ‘l’expertisede Bombardier sur l’avion’ qui se traduira par la présence de Rod Dewar au poste de chef du soutien à la clientèle et chef de l’ingénierie, lui qui occupait jusqu’alors celui de vice-président, Programme d’avions C Series.
Monsieur Balducchi, sur la question de la réduction des coûts, ne cacha pas ses objectifs : ‘le pourcentage doit être clairement à deux chiffres’. Il rappela que le C Series étant au début de sa production, des réductions de coûts résulteront de la courbe d’apprentissage. Mais cela ne suffira pas. Il prononça même la phrase: ‘Reduce cost drastically…we can do it.
Dans un deuxième temps, à ses dires, il faudra ‘réduireles coûts d’achat, effort demandé aux fournisseurs des réductions de prix, l’arrivée d’Airbus assurant un volume de ventes supérieur’. Mais dans un troisième temps, il sera impératif selon lui de ‘reregarder toutes les parties de l’avion,redesigner l’avion dans une approche de design to cost’, en bref ‘améliorer l’avion pour qu’il soit moins cher.
Le nouveau patron du C Series profita de l’occasion pour souligner que les vendeurs de Bombardier avait passé le relais aux équipes d’Airbus et que depuis l’annonce de l’entente entre les deux avionneurs en octobre dernier, un regain d’intérêt avait été constaté pour le bireacté québécois. Depuis le 1 er juillet 20018, selon monsieur Balducchi, les équipes d’Airbus sont très actives sur le C Series dont les prochaines positions de livraisons sont disponibles dès 2019 alors que ‘la ligne des A320 est overbooké jusqu’en 2023-2024’.
Monsieur Balducchi confirma la capacité de montée en cadence de la chaine d’assemblage des C Series à Mirabel puis l’entrée en production en 2019 de celle de Mobile, en Alabama ‘pour adresser le marché US’ pour l’amorce des livraisons en 2020.
Finalement, sur l’épineuse question du changement de nom du C Series, Philippe Balducchi resta vague se qualifiant d’’agnostique sur les noms’. Néanmoins, il s’échappa en déclarant qu’il peut y avoir un avantage au changement de nom s’il permet de ‘marketer mieux l’avion’.
Tom Enders sur cette question resta vague lors d’une de ses interventions durant la mêlée de presse. Néanmoins nul n’est dupe du thème du grand évènement médiatique convoqué aux installations d’Airbus à Toulouse, le mardi 10 juillet 2018, à une semaine de l’ouverture du Salon aérospatiale Farnborough International, à 40 km au nord de Londres. Seront très probablement rendues publiques les nouvelles identités des CS100 et CS300 qui, selon les journalistes de l’agence newyorkaise Bloomberg, deviendraient les A210 et A230 afin de s’intégrer à la nomenclature du constructeur franco-germano-espagnol.
Le grand patron d’Airbus déclara que ‘the top priority is selling the aircraft 7000 aircraft on that market on the next 20 years ‘.
Quant à Alain Bellemare, il assura que son entreprise travaillait déjà à la question des réductions des coûts en déclarant sous un soleil de plomb que la direction de Bombardier avait déjà présenté des ‘engagements très spécifiques dans la réduction des prix des éléments que nous fournissons’.
Mis à part les effets spéciaux et les ballons de l’évènement du 4 juillet à Mirabel, le C Series est officiellement dans les mains d’Airbus comme en témoigne de façon si évidente la composition de la haute direction de la Société en commandite avions C Series et l’intégration toute prochaine des deux modèles C Series à la nomenclature Airbus qui se concrétisera lors de l’événement du 10 juillet 2018 sur les terres d’Airbus, à Blagnac, en banlieue de Toulouse.
Maintenant, l’euphorie va faire place à la réalité d’un avion qui ne vendait presque pas jusqu’à maintenant alors qu’Airbus, tout en faisant miroiter la production de milliers de C Series a annoncé sans aucun équivoque, son intention de réduire les coûts de façon ‘significative’ comme ne s’en sont nullement cachés messieurs Balducchi et Enders.
À la Bourse de Toronto, le mercredi 4 juillet 2018, l’action de Bombardier (TSE-Bbd-B) a clôturé à $5,01, en recul de six cents, ou 1,18 pour cent.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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