Le dimanche le 29 mars, un Airbus A320 d’Air Canada s’écrasait à l’Aéroport International de Stanfield à Halifax. Air Canada préfère parler d’un «incident à l’atterrissage», mais comme cet avion est trop endommagé pour pouvoir être réparé, le terme écrasement semble plus approprié. Heureusement, il n’y a pas eu de décès. Le bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a ouvert une enquête, mais il lui faudra plusieurs semaines avant de pouvoir annoncer la cause exacte de l’accident. Par contre il ne sera pas nécessaire d’attendre aussi longtemps avant de juger de l’incompétence scandaleuse des dirigeants de l’aéroport.
Que faire des survivants ?
Vers minuit quarante, les pilotes ont tenté de se poser, mais leur avion a touché terre 335 mètres avant le début de la piste, brisant le train d’atterrissage, perdant un moteur et endommageant lourdement le fuselage et les ailes. L’Airbus semble avoir accroché une ligne électrique au passage, ce qui a plongé l’aéroport dans le noir. Les génératrices d’urgence n’ont fonctionné que 8 minutes avant de tomber en panne.
La neige et des vents de 40 km/h ont certainement rendu l’atterrissage difficile. Fort heureusement la température était de 3 degrés, ce qui se traduisait par un -7 en tenant compte du facteur éolien. Cette température était néanmoins très froide pour des passagers à qui on n’avait pas laissé le temps d’enfiler bottes et manteaux.
L’évacuation de l’avion s’est déroulée en 60 secondes et les pompiers sont arrivés en 90 secondes, deux temps excellents. Plusieurs passagers ont d’ailleurs félicité le personnel de cabine et les pompiers pour leur efficacité. C’est par la suite que les choses se sont gâtées.
Les pompiers combattent le feu et secourent les personnes en difficulté, mais ils ne sont pas équipés pour transporter les survivants. Peut-être devraient-ils l’être ? En ce froid dimanche matin, il a fallu 50 longues minutes avant qu’un petit autobus ne se montre le bout du nez. Était-ce parce qu’on ne trouvait pas les clés ou parce qu’il n’y avait personne pour conduire le véhicule ? Le BST va enquêter.
Après cette longue attente, les survivants auraient dû avoir droit, en théorie, à un café ou à une soupe bien chaude. Malheureusement, ils n’ont pas été amenés à l’aérogare où ils auraient à tout le moins pu trouver des distributrices automatiques, mais plutôt dans un froid hangar, privé lui aussi d’électricité par la panne de courant. C’est une autre décision surprenante.
Évidemment les aérogares modernes sont des immeubles biens particuliers. Toutes les portes y sont verrouillées et surveillées en permanence. Est-ce la panne d’électricité qui a empêché qu’on amène les survivants à l’aérogare ou est-ce le manque de personnel en service la nuit. Voulait-on éviter que 133 personnes se promènent à gauche et à droite dans une aérogare déserte ? Le BST fera enquête.
La direction de l’aéroport Stanfield a tout prévu pour les morts et les blessés, mais elle semble avoir oublié de prévoir qu’il pourrait y avoir des survivants. Mais, évidemment, c’était la nuit…
YUL, juillet 2006
Une telle désorganisation est-elle particulière à l’Aéroport International Stanfield d’Halifax ? Malheureusement, il y a eu des précédents dans d’autres aéroports canadiens, dont celui de Pierre-Eliott Trudeau à Montréal.
J’ai vécu un de ces épisodes pénibles en 2006. Le vendredi 14 juillet, une belle soirée d’été sans nuages, je m’embarquais sur un Boeing 767 à destination de Londres où je devais couvrir le salon de l’aviation de Farnborough. Plusieurs dirigeants d’entreprises du secteur aérospatial et quelques journalistes avaient également choisi ce vol régulier qui transportait plus de 200 passagers.
L’avion a quitté la porte d’embarquement à 10h30 comme prévu. Arrivé en bout de piste, la longue attente a commencée. Une heure plus tard, le commandant nous a annoncé qu’il y avait un problème avec les douanes pour obtenir l’autorisation de décoller. Ce n’est que le lendemain qu’on a appris, par les médias, que la police avait reçu un appel à la bombe. L’avion s’est ensuite déplacé dans une zone très éloignée de toute construction, sans doute pour éviter d’endommager la nouvelle aérogare en cas d’explosion ; mais jamais il n’a été question d’évacuer les passagers.
Vers 2 heures du matin, on nous a appris qu’on allait nous faire descendre de l’avion, mais sans nous donner d’autres explications. Sauf qu’il a fallu une heure de plus avant que les gros transporteurs hérités de Mirabel viennent nous chercher ; pas question de ramener l’avion à sa porte d’embarquement. À défaut de s’inquiéter des vies humaines qui pourraient être menacées par une explosion de l’avion, on protège les édifices.
On peut penser qu’il était nécessaire de rappeler au travail des employés pouvant piloter ces mastodontes. On a également rappelé au travail des douaniers qui ont scrupuleusement scruté l’identité de chacun des voyageurs, en cherchant sans doute un terroriste caché parmi les passagers. Air Canada a par la suite annoncé que le vol était reporté de 24 heures et que tout le monde aurait droit à une chambre gratuite dans un hôtel voisin ainsi qu’à un coupon de réduction pour un prochain vol. Quelle aubaine…
Dans la mesure où l’avion n’a pas explosé, l’appel à la bombe n’étant qu’un canular, l’incident de 2006 est moins grave que celui d’Halifax. Le message envoyé aux voyageurs est toutefois le même. Si vous devez vous écraser sur un aéroport canadien, arrangez-vous pour que ce soit durant les heures de bureau. Si vous négligez ce conseil amical, les risques que vous pourriez devoir affronter pourraient augmenter. De plus, soyez informés que les administrations aéroportuaires déclinent toute responsabilité en cas de basse température, de neige, de pluie, de vent, etc. Bon voyage !
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
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