MONTRÉAL – Moins d’un an après deux annonces de mises à pieds aux installations de Bell Helicopter Textron à Mirabel, au nord de Montréal, le couperet tombe à nouveau.
Cette fois-ci, il s’agit de 300 suppressions de postes qui s’ajoutent aux 150 annoncées en juin 2014 et aux 200 rendues public en août 2014. Ayant déjà employé plus 2000 personnes, les installations de Mirabel qui ne sont pas syndiquées, n’en comptaient plus que 1450 à la veille de cette toute dernière annonce. Au terme de cette nouvelle phase de réduction d’effectifs, au milieu de l’été 2015, il en restera environ 1150. Un programme de départ volontaire réduira le nombre de mises à pieds qui seront permanentes et non cycliques comme cela fut souvent le cas dans le passé chez Bell Helicopter à Mirabel.
L’hélicoptèriste de Fort Worth au Texas annonçait par un courrier électronique son de président John Garrison destinés aux employés, annonça ce plan de restructuration se traduisant par l’élimination de 1100 postes à travers ses installations non seulement au Québec mais aussi au Texas, en Alabama et au Mexique.
Le Texas sera le plus durement touché, en terme absolu, avec 700 abolitions de postes aussi bien parmi les cadres que les syndiqués aux installations de Fort Worth et d’Amarillo. À Fort Worth, qui compte 4600 employés dont 1100 au tout nouveau siège social construit au coût de 235 millions de dollars américains inauguré l’an dernier, 315 licenciements ont été annoncés il y a à peine un mois qui s’ajoutent aux 320 d’octobre dernier. À Amarillo, 800 employés veillent à l’assemblage des convertible militaire Bell/Boeing MV-22 Osprey destinés à l’US Marine Corps et des CV-22 Osprey utilisés par l’US Air Force, dont la production annuelle est passée de 40 exemplaires en 2012 à 22 actuellement. Avec la baisse programmée des livraisons au gouvernement américain, le maintien des cadences de production dépend maintenant des ventes internationales. Israël et le Japon en seraient les premiers clients internationaux tandis que la Corée du sud et les Émirats Arabes Unis parmi d’autres, auraient manifesté un intérêt pour cet aéronef exceptionnel. L’US Navy aurait porté son choix sur le V-22 pour remplacer les biturbopropulsés Grumman C-2 Greyhound assurant le transport aérien de personnes et de matériel aux porte-avions en mer. Leur acquisition serait budgétée de 2018 à 2020.
Avec 360 exemplaires commandés par l’US Marine Corps y compris 12 pour l’escadron HMX-1 ‘Marine One’ et 32 par l’US Air Force, les responsables du programme misaient en 2013 sur une centaine de commandes internationales.
Dans le cas des mises à pieds à Mirabel, les causes sont différentes.
Bien que vendant des versions militarisés des hélicoptères civils produits à Mirabel, le mandat de Bell Helicopter Textron Canada est de concevoir et produire des aéronefs destinés aux marchés publics et parapublics.
Plusieurs facteurs ont mené aux dernières réductions de personnel à Mirabel.
En tout premier lieu, il faut reconnaitre l’impact de la baisse marquée des activités pétrolières offshore conséquentes à la chute des cours du pétrole depuis plus d’un an. Une situation qui a prit par surprise non seulement la direction de Bell Helicopter alors qu’il y a encore pas si longtemps, avec des cours du pétrole brut à plus de cent dollars américains le baril, les activités pétrolières offshore étaient fébriles.
En second lieu, la faiblesse de l’économie dans plusieurs pays dont les puissances émergentes qui s’est traduite par une demande moindre d’hélicoptères de gabarit moyen utilisés pour le transport sanitaire et VIP.
Mais aussi, la décision de l’US Army pour la formation de tous ses pilotes de voilures tournantes et de ceux de l’US Air Force de remplacer les près de 200 Bell TH-67 Creek, construits a Fort Worth et dérivés du Bell 206B, par des Airbus Helicopters (anciennement Eurocopter) UH-72A Lakota version légèrement militarisée de l’EC-145.
En plus de ne pas fournir près de 200 Bell 407 qui auraient remplacé les TH-67, le retrait programmé de ces derniers signifie aussi la fin des ventes de pièces de rechange et de soutien technique pour Bell Helicopter.
Reste le remplacement des TH-57B et TH-57C de l’US Navy, eux aussi des versions du Bell 206B, cette fois-ci, construits à Mirabel dont les remplaçants n’a pas encore été choisis.
De plus, il ne faut sous-estimer les conséquences sur les installations de Mirabel et son personnel, de la décision de Fort Worth de construire les deux prochains hélicoptères civils de Bell Helicopter aux États-Unis et non plus à Mirabel. Un impact certain est à craindre sur l’emploi chez les fournisseurs de Bell Helicopter à Mirabel dont les dirigeants, il y a quelques années, rappelaient que chaque emploi chez eux en générait deux à trois chez les sous-traitants.
Ces réductions de personnel s’inscrivent dans la divulgation des états financiers du premier trimestre 2015 de Textron, le consortium basé à Providence au Rhode Island, la maison-mère de Bell Helicopter mais aussi de Textron Aviation qui chapote Cessna Aircraft et Beechcraft.
Les profits de Textron ont augmenté de 40 millions de dollars américains soit une hausse de 20% pour franchir les 259 millions tandis que les ventes ont progressé de 7,9% à 3.1 milliards de dollars américains
À l’opposé, les profits de Bell Helicopter Textron ont reculé de 21% à 76 millions de dollars américains et les ventes ont glissé de 7% pour se chiffrer à 813 millions. Le carnet de commande de l’hélicoptériste a reculé de 237 millions de dollars américains pour s’établir à 5,3 milliards.
Cette détérioration du bilan de Bell Helicopters au premier trimestre 2015 est dû à la baisse des livraisons d’hélicoptères militaires, 6 V-22 et 4 H-1 contre 8 V-22 et 5 H-1 lors du premier trimestre 2014 et à une plus grande proportion d’hélicoptères légers parmi les livraisons d’hélicoptères civils qui s’élevèrent à 35 contre 34 lors de la même période l’an dernier.
En fin de journée du 28 avril 2015, à la bourse de New York, l’action de Textron (NYSE :TXT) grimpa de 0.69 dollar américain passant de 43,67 à 44,36 dollars américains.
Même si la ville de Mirabel compte toujours aux dires de son maire, Jean Bouchard, ‘4000 emplois consacrés à l’industrie aéronautique’, son enthousiasme semble déplacé.
Bell Helicopter Textron Canada ne sera plus jamais ce qu’elle a été, soit le centre de production d’hélicoptères civils du constructeur texan même si il est, certes évident, que les installations sont là pour rester. Mais la production aux États-Unis, des deux derniers nés des hélicoptères civils de Bell Helicopter est significative. Le Bell 525 Relentless sera assemblé à Amarillo au Texas dans l’espace laissé par la baisse des livraisons des V-22 et le 505 Jet Ranger X aLafayette Regional Airport en Louisiane dans une usine flambant neuve sortie de terre avec l’aide financière des autorités locales.
La direction de Bell Helicopter a fait un choix délibéré et bien pesé, bien avant les annonces d’hier de décentraliser la production de ses voilures tournantes civiles.
Presque trois décennies de présence à Mirabel pour Bell Helicopter Textron Canada.
Le Canada représentant le deuxième plus important parc d’hélicoptères civils au monde, le gouvernement fédéral canadien décida au début des années 80 d’attirer un des grands de l’industrie à implanter une usine d’assemblage au Canada. La firme Bell Helicopter Textron de Fort Worth au Texas, qui compte actuellement 8000 employés, dix usines et produit plus de 35 000 hélicoptères depuis 1946 dont 14 000 encore en service, fut choisie. L’implantation au Québec décidée en 1983, Bell Helicopter Textron Canada formée la première semaine de 1984, l’usine de Mirabel fut inaugurée le 26 septembre 1986. De 550 00 pieds carrés sur un terrain de 152 acres, elle était destinée à la production d’un nouveau biturbine léger, le Bell 400, voué au transport du personnel sur les plate formes de forage pétroliers off shore. L’effondrement du prix du pétrole et le ralentissement de l’exploration au large en 1988–1989 porta un coup fatal au projet. La crise que traversa l’industrie au milieu des années 1980 ainsi que la volonté du Pentagone de voir ses fournisseurs séparer leurs activités militaires et civiles décidera les dirigeants de Bell de l’arrêt du développement du 400A et du transfert de la production d’hélicoptères civils du Texas au Québec. Ainsi l’année 1988 vit la livraison du tout premier Bell assemblé au Québec, un 206B. La production du 206L suivra tandis que l’usine de Mirabel se verra confier le mandat d’améliorer le 222 qui deviendra le 230. En 1991, toute la production civile de Bell se voyait assurer par l’usine québécoise avec le transfert de la production du 212.
L’octroi en septembre 1992, par le gouvernement canadien, de la commande de cent CH146 Griffon, version militaire du 412, allait devenir un point tournant pour Bell Helicopter à Mirabel. Pour la première fois, elle s’engageait dans la production en grande série, cent machines allaient être livrées entre 1994 et 1998. L’US Army opta en 1993 pour le 206 Jet Ranger qui deviendra sous les drapeaux le TH67A Creek commandé à plus de 200 exemplaires et qui assure la formation des équipages de l’armée de terre et de l’armée de l’air des Etats-Unis de voilures tournantes à Fort Rucker, en Alabama. En 1997, en plein boom du marché des hélicoptères, Bell Helicopter produira 297 hélicoptères
Au milieu des années 2000, les effectifs de Bell Helicopter à Mirabel dépassaient les 2000 personnes dont 350 ingénieurs et mille employés de production.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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