L’annonce de la démolition de l’aérogare de Mirabel n’est que l’aboutissement logique d’une utopie et d’une obsession mais elle n’est pas inéluctable.
En 1969, le gouvernement Libéral de Pierre Elliot Trudeau, par idéologie, décidait d’établir un gigantesque aéroport en plein milieu de nulle part à Mirabel contre l’avis des intervenants et des experts qui proposaient vingt emplacements potentiels dont Drummondville, Vaudreuil-Dorion, Saint-Jean-sur-Richelieu, Joliette et Saint-Amable.
La Rive Sud de Montréal semblait le lieu idéal de ‘cet aéroport du futur’. Mais il fut choisi symboliquement un lieu à mi-chemin entre Montréal et Ottawa et loin de la Rive Sud car le gouvernement Trudeau ne voulait pas devoir demander les autorisations de survol aux autorités américaines et particulièrement aux militaires de la base aérienne de Plattsburgh fermée en septembre 1995.
Mirabel fut alors choisi, l’aéroport construit en cinq ans au cout de 500 millions de dollars de l’époque et les erreurs s’accumulèrent :
Opter pour les transbordeurs dans un pays froid et enneigé ;
Ne pas relier l’aéroport avec une autoroute directe et un lien ferroviaire rapide non seulement avec Montréal mais aussi avec Ottawa ;
Mais par dessus tout, ne pas avoir détruit les pistes de l’aéroport de Dorval, le lendemain du transfert de tous les vols à Mirabel, transfert qui d’ailleurs n’eut jamais lieu. Lors du passage des vols de Stapleton International Airport au nouvel Denver International Airport, en 1995, les pistes de l’aéroport furent mises hors d’usage et la transformation de l’aéroport en zone commerciale amorcée immédiatement pour couper court aux manœuvres des ‘nostalgiques’ de Stapleton. Il ne reste de l’aéroport que la tour de contrôle. Le maire de Chicago, Richard M. Daley, le 30 mars 2003, fit détruire, à coups de bennes de bulldozers, les pistes de l’aéroport de Meigs Field sis sur une péninsule artificielle, face au centre-ville de la ‘Ville des vents’, dans le Lac Michigan, par les équipes de cols bleus de la ville en plein milieu de la nuit.
Rendre inutilisables les pistes est la façon incontournable d’aller de l’avant et de tuer toutes velléités de retour à l’ancien aéroport.
Dix ans après l’arrêt des vols commerciaux de passagers, Montréal-Mirabel est devenu un aéroport industriel dotés de nombreux atouts et qui connaît un succès retentissant avec la présence des transporteurs cargo comme FedEx et UPS mais aussi des industriels de l’aérospatial que sont Bombardier, Pratt & Whitney Canada, L3Com, Turbomeca, Aérolia qui emploient directement 3700 personnes. Pour renforcer la vocation aérospatiale de Mirabel, pourquoi ne pas installer un musée de l’aviation dans l’aérogare comme le suggère Daniel Bordeleau d’Info Aéro Québec.
L’aéroport Montréal-Trudeau est en position d’absorber les éventuelles hausses de trafic pour plusieurs décennies et en cas de besoin, pourquoi ne pas déménager les ateliers de Bombardier et de l’ancienne Aveos à Mirabel pour y ajouter pistes et aérogares. Reste à améliorer impérativement les accès à l’aéroport, désenclaver le secteur en ouvrant le boulevard Cavendish vers Cote Saint-Luc au sud et à totalement réaménager les rampes de débarquement et d’embarquement devant l’aérogare qui font penser à un aéroport du Tiers-monde.
Quant à l’aéroport de Saint-Hubert, il serait souhaitable d’en faire un centre de formation en pilotage tout en respectant le droit à la quiétude des riverains, ce qui est tout à fait possible et d’y aménager des terminaux d’aviation d’affaires de classe mondiale car une partie de cette clientèle vit en Montérégie ainsi qu’une aérogare destinée au transport régional.
Quant à la proposition du maire actuel de Mirabel, Jean Bouchard, d’installer sur l’aéroport de Mirabel, un salon aéronautique de classe mondiale du type du Salon du Bourget, elle est vouée à l’échec.
Les années impaires, l’industrie aérospatiale mondiale se retrouve en banlieue de Paris au Salon du Bourget et les années paires, au nord de Londres, à Farnborough International. Au fil des ans des salons naguères régionaux ont pris une grande importance : le Salon de Dubaï, les années impaires, en novembre en et le Salon de Singapour, les années paires, en février.
Il y a plusieurs années, plusieurs grands joueurs du secteur se plaignaient de la multiplication des salons aéronautiques et des coûts engendrés. À titre d’exemple, le coût d’une participation de Boeing au Salon de Bourget est évalué entre 5 et 10 millions de dollars.
Lancer un autre salon aéronautique surtout en Amérique du nord serait utopique. Les États-Unis ont essayé au lieu des années 1990 à Dayton en Ohio sans succès. Il y a quelques années encore, a resurgit l’idée d’un salon aéronautique à Las Vegas avec le soutien logistique et financier de l’US Air Force. Plus personne n’en parle.
En tenant compte que 50% des achats d’avions de ligne en valeur sont réalisés en Asie-Pacifique contre 18% en Amérique du nord, Mirabel ne serait pas l’endroit pour établir un nouveau salon aéronautique.
Néanmoins avant de démolir cette aérogare, réfléchissons sérieusement à la possibilité d’y établir enfin le musée aéronautique du Québec.
L’aérogare en dépit de ses faiblesses, la non-isolation des surfaces vitrées et la présence d’amiante, est vaste, offre des mezzanines et des plafonds très hauts essentiels à un musée aéronautique.
Il est temps de passer à l’action car ce musée, espéré depuis si longtemps, abriterait aussi un centre d’interprétation qui, tous deux, inspireraient les générations futures aux métiers de l’aérospatiale, de machinistes à pilote, des carrières passionnantes, pleines d’avenir, rémunératrices et en pénurie de relève.
Ce troisième pôle aéronautique le plus important au monde qu’est Montréal et le sixième qu’est le Québec méritent un musée. L’occasion de lui trouver un toit est là .
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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