L’action de catégorie «B» de Bombardier a terminé la semaine à 1,98 $, son plus bas niveau depuis une vingtaine d’années. Depuis l’ouverture du Salon de l’aviation du Bourget, le 15 juin, ce titre a perdu 64 cents, le tiers de sa valeur. Que s’est-il passé au salon et par la suite pour expliquer cette dégringolade ?
BBD.B Ã la Bourse de Toronto
Un salon catastrophique
Dans les jours qui ont précédés l’ouverture du Salon de l’aviation du Bourget, les nouveaux dirigeants de Bombardier ont fait tout ce qui était possible pour diminuer les attentes. Le mot d’ordre était : il faut donner une chance à la nouvelle direction de prendre les choses en main et on ne peut pas espérer de miracles au Bourget.
Malheureusement, les annonces faites dans les premiers jours du salon ont été bien en deçà des attentes, mêmes les plus modestes. Swiss qui convertit l’achat de dix appareils CS100 en CS300 et Westjet qui exerce six options pour des Q400 ne pouvaient que décevoir les investisseurs. La chute du prix de l’action de Bombardier a été immédiate. Le 17 juin, l’action terminait la journée à 2,40 $.
Le 25 juin, après une petite remontée à 2,49 $, c’est le début d’une nouvelle dégringolade. L’action se retrouve à 2,25 $ le 30 juin. Puis, à compter du 7 juillet, la chute s’est poursuivie. Cette nouvelle baisse a été attribuée à deux rumeurs voulant que l’entrée en service des avions Global 7000 et 8000 soit retardée d’un à deux ans et qu’en plus, Bombardier aurait perdu un important contrat de vente de CSeries en Chine. La première rumeur n’a pas été confirmée et la seconde provient d’une erreur commise par un analyste. Il n’en demeure pas moins que les investisseurs semblent avoir perdu confiance : l’action «B» ne vaut plus que 1,98 $.
La déception du Bourget
Le CSeries a fait une arrivée spectaculaire au Bourget le dimanche 14 juin. Bombardier a alors fièrement annoncé que les performances de l’avion dépassaient ses prévisions de 10% et que d’autres améliorations étaient prévues au cours des prochaines années. Le CS300 a impressionné tous les spectateurs par ses décollages courts et très silencieux. Même John Leahy, le directeur commercial d’Airbus, n’avait que de bons mots pour l’avion de Bombardier, ce qui, en soi, constitue un exploit. Au Bourget, le CSeries a démontré brillamment qu’il était l’avion le plus moderne au monde dans sa catégorie.
Toutefois les annonces de ventes tant espérées par les investisseurs ne se sont jamais concrétisées. Contrairement aux années passées, il n’y a même pas eu un obscur transporteur aérien pour s’étirer le cou et dire : «Peut-être que j’en prendrais une petite dizaine…» Pourquoi ? Les dossiers laissés par l’ancienne équipe de vente étaient-ils vides à ce point ? Ou bien, les politiques commerciales de Bombardier auraient-elles changé avec l’arrivée d’Alain Bellemare à la tête de l’entreprise ? M. Bellemare aurait-il décrété, par exemple, qu’il était temps de cesser de vendre des CSeries à perte ?
Le mur du prix
Le CSeries semble avoir deux problèmes. Le premier, c’est la taille de l’avion. Bombardier aurait peut-être besoin d’une version plus grosse du CSeries qui correspondrait mieux aux besoins des transporteurs, un CS500 par exemple. Alain Bellemare et ses adjoints, dont Fred Cromer, le nouveau président de Bombardier Avions commerciaux, ont tous dit en substance que «Tout le monde aimait les familles d’avions». Mais est-ce qu’une famille élargie de trois CSeries se vendrait mieux qu’une famille de deux ? Est-ce une idée que la nouvelle équipe de vente devait tester lors du salon du Bourget ?
Le prix pourrait être le deuxième problème du CSeries. Le prix officiel du CS300 est de 72 millions de dollars américains, mais personne ne paie ce montant. Le prix réel est bien inférieur dès qu’on commande plus d’un avion. Chez Airbus, le prix officiel d’un A319 néo est de 94 millions $, mais c’est un secret de polichinelle que les escomptes peuvent atteindre les 55 %. Chez Boeing, le prix officiel d’un B737-Max 7 est de 90 millions $ mais les escomptes seraient légèrement moins importants que chez Airbus.
Bombardier ne peux se battre sur ce terrain. Le premier Boeing 737 est entré en service en 1967 et le premier Airbus A320 en 1988. Le coût de développement de ces avions et des usines qui les produisent sont amortis depuis longtemps. De plus, les deux avionneurs produisent chacun plus de 40 de ces monocouloirs par mois, et ce sera bientôt 50 et peut-être même 60. De telles cadences de productions permettent évidemment de réaliser d’importantes économies d’échelle.
Bombardier, par contre, doit amortir un investissement de cinq milliards et demi de dollars américains avec une production de seulement 10 avions par mois. La question fondamentale devient donc : quel est le facteur déterminant dans la vente des avions monocouloirs, la technologie, les délais de livraison ou le prix ?
Un sauveur ou un magicien ?
En février dernier, Alain Bellemare a été accueilli en sauveur. Il a rapidement complété le refinancement de la compagnie, mis en marche une réorganisation de Bombardier Transport et lancé un vaste programme de réduction de coûts. Ces décisions étaient urgentes et nécessaires, mais elles n’ont pas été suffisantes pour régler le principal problème de Bombardier : la mévente du CSeries.
Les investisseurs, comme les travailleurs de Bombardier, espéraient un miracle qui ne s’est pas produit lors du Salon de l’aviation du Bourget. Tout le monde attend maintenant avec impatience qu’Alain Bellemare présente son analyse de la situation. Ces explications, et les perspectives qui s’en dégageront, devraient accompagner les résultats financiers du deuxième trimestre, le 30 juillet prochain.
Il est possible qu’Alain Bellemare ne soit qu’un homme ordinaire et qu’il ne puisse pas faire de miracle. Toutefois, il devra apprendre rapidement à sortir un lapin de son chapeau s’il veut éviter que les investisseurs transforment le titre de Bombardier en action de pacotille.
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
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