Un mariage entre Bombardier Transport et Siemens Mobility pourrait être logique, mais il devra d’abord surmonter de nombreux obstacles. Et beaucoup de choses dépendront du type de mariage. L’agence Bloomberg qui a lancé cette nouvelle ne semble pas avoir obtenue beaucoup d’informations sur le sujet. Les options vont d’un achat pur et simple de Bombardier Transport par Siemens Mobility à un simple partenariat de marketing en passant par l’option la plus probable qui est la création d’une co-entreprise.
Un rapprochement logique
La rumeur d’un rapprochement entre Bombardier et Alstom d’abord, puis Siemens ensuite ont pris naissance il y a deux ans. Simultanément, l’administration française du président Hollande s’est mise à rêver d’un «Airbus ferroviaire» constitué de ces trois entreprises mais dirigé par Alstom. Il y a en effet une logique implacable derrière ces manœuvres.
L’Europe est le plus important marché au monde pour le matériel ferroviaire. Bombardier Transport y effectue 65% de ses ventes comparativement à 16% en Amérique du Nord et 12% dans la région de l’Asie-Pacifique. Malheureusement l’Europe est un marché mature où les compagnies remplacent et modernisent leurs vieux équipements mais sans que la croissance des réseaux soit très importante.
L’Europe compte trois grands manufacturiers, Siemens Mobility, Bombardier Transport et Alsthom ainsi que quelques petits fabricants comme l’espagnol CAF. Le problème, c’est que la capacité de production de ces entreprises est largement supérieure à la demande. La solution serait évidemment d’exporter plus, sauf que les marchés internationaux sont extrêmement concurrentiels. Le chinois CRRC, le coréen Rotem-Hyundai et le japonais Hitachi y laissent de moins en moins de place aux manufacturiers européen. Surtout que ceux-ci ont des coûts de production plus élevés que leurs concurrents asiatiques.
La conclusion logique, c’est qu’il y a trop de joueurs et que certains doivent fusionner, être vendus ou bien faire faillite. Une fusion, une acquisition, ou même un partenariat entre Bombardier Transport et un ou deux de ses concurrents constiturait donc un début de rationalisation de ce secteur industriel. Le problème est que cette réorganisation ne peut se faire qu’au prix de milliers de mises à pied.
L’emploi la concurrence et la politique
Les trois grands manufacturiers ont des gammes de produits relativement semblables et qui se font concurrence. Toute fusion ou acquisition visera à réduire ces dédoublements. Siemens Mobility emploie 27,000 personnes, Bombardier Transport 37,000 et Alstom 31,000. Toute opération de rationalisation pourrait donc se traduire par des milliers que les mises à pied. C’est évidemment la dernière chose que les politiciens souhaitent. Rappelons-nous que Madame Merkel est sur le point d’aller en élection et que l’élection présidentielle française sera rapidement suivie par des élections législatives.
Il y a aussi la question de la concurrence que la Commission européenne suit de près. Ce genre de transaction ne peut que réduire la concurrence. Par contre en permettant aux entreprises à asiatique de soumissionner pour des contrats européens, on rétablirait un certain équilibre, mais en s’exposant à des opérations de dumping dangereuses pour les entreprises locales.
La Caisse et Bombardier
Il est difficile d’évaluer la probabilité qu’une entente se réalise. Et à quel type d’entente peut-on s’attendre ?
Chaque fois qu’Alain Bellemare, le président de Bombardier, a abordé la question avec les journalistes, il a affirmé qu’il cherchait à conclure des partenariats avec d’autres entreprises du secteur. Il a toujours nié vouloir vendre Bombardier Transport. On peut donc penser que cette option est exclue. Il reste donc la création d’une co-entreprise avec Siemens Mobility. Un grand nombre d’autres questions demeurent sans réponse. Est-il question d’un partenariat 50-50 ? Qui dirigera ce partenariat ? Combien de mises-à -pied accompagneront cette restructuration ?
Est-il question uniquement de Bombardier Transport et de Siemens Mobility ou va-t-on tenter d’inclure également Alstom. L’entreprise française est en effet dans une position délicate. Un de ses actionnaires important, le groupe Bouygues veut vendre la participation de 28% qu’il y détient.
Finalement, on peut s’interroger sur le rôle de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans cette négociation. Bombardier ne peut conclure une transaction de ce type sans obtenir au préalable l’autorisation de la Caisse. On peut même penser que celle-ci participe aux négociations actuelles. La Caisse détient en effet 540,000 actions de Siemens AG qui ont une valeur de 73,3 millions de dollars et cette position lui permet de servir d’intermédiaire. (La Caisse possède également 137,000 actions d’Alstom, pour une valeur de 5,8 millions$).
L’avenir de Bombardier Transport sera certainement un élément important de l’assemblée annuelle du 11 mai prochain. Si la direction est en mesure d’y annoncer des développements positifs, elle pourra peut-être même arriver à faire oublier le cafouillage des primes versées à ses dirigeants.
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
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