La saga du remplacement des six CC-115 Buffalo dont l’âge moyen est de 48 ans et des 11 C-130H, légèrement plus jeunes avec 27 ans, des Forces armées canadiennes dédiés aux missions de recherche et de sauvetage, a commencé il y a plus de dix ans. Je me souviens d’avoir interviewé le représentant du C-27J de l’époque à Ottawa en 2005.
Finalement, après plus de dix ans de tergiversations, le gouvernement canadien a émis une demande de propositions (Request For Proposal ou RFP) le 31 mars dernier pour l’achat de 18 appareils au coût de 3,1 milliards de dollars canadiens dans le cadre du Projet de remplacement des aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe (ARSVF) ou Fixed-Wing Search and Rescue Aircraft Replacement (FWSAR). Les propositions devront être déposées au plus tard le 28 septembre 2015 à 14h00, heure de l’est alors que la gagnante devrait être connue au printemps suivant. Le premier des 18 exemplaires de l’aéronef choisi devra entré en service dès 2018 même si aucune exigence n’est posée à ce sujet. Néanmoins tous les avions devront être en service d’ici 2023.
Hormis les acquisitions récentes des Boeing C-17 et CH-47F et des Lockheed Martin C-130J qui se sont réalisées rapidement et sans problème, le processus de remplacement des aéronefs militaires canadiens se caractérise par sa lenteur légendaire. Ainsi celui des Sikorsky CH-124 Sea King qui s’est amorcé en 1985 a finalement mené à la livraison des premiers six Sikorsky CH-148 Cyclone en juin 2015. Quant au remplacement des McDonnell Douglas CF-18 Hornet, alors qu’en 2010, le gouvernement canadien semblait avoir opté pour le Lockheed Martin F-35 Lighting II Joint Strike Fighter, cinq ans plus tard, aucun contrat n’a encore été signé.
Dès le début, je veux dire ici en 2005, deux candidats se démarquèrent. D’une côté, le C-27J, une version améliorée du G222, construit en Italie par la division Alenia de Finmeccanica mais alors mis en marché en partenariat avec Lockheed Martin, le C-27J partageant avec le C-130J, ses moteurs Rolls Royce AE2100, ses hélices Dowty et sa suite avionique. De l’autre, le C-295 assemblé en Espagne par CASA Construcciones Aeronauticas Sociedad Anonima maintenant Airbus Military. À cette époque, les militaires canadiens semblaient préférer le C-27J.
Suite à une étude du Centre national de recherches Canada (CNRC) commandée par le gouvernement canadien en 2010, de nouveaux énoncés des besoins opérationnels du Canada furent édictés qui amenèrent d’autres appareils à se mettre en ligne : le Lockheed Martin C-130J, le Boeing/Bell V-22 Osprey et l’Embraer KC-390. Il fut même question de la reprise de la production du Buffalo par Viking Air de Sidney, en Colombie-Britannique qui détient maintenant les certificats de tous les avions à hélices de De Havilland Canada et Bombardier hormis le Q400 et même aussi de l’intérêt de Bombardier à proposer son Q400. Dans le cas de ce dernier, il aurait fallu lui ajouter une rampe arrière, une des exigences du programme ARSVF -FWSAR.
Actuellement, il est entendu que l’italienne Alenia Aermacchi North America offrira le C-27J Spartan autour de l’équipe Team Spartan qui réunit IMP Aerospace d’Halifax, General Dynamics Canada d’Ottawa, DRS Technologies d’Ottawa, Esterline CMC Electronics de Saint-Laurent, Flyht Aerospace Solutions de Calgary et Kelowna Flightcraft de Kelowna.Pour sa part, la franco-germano-espagnole Airbus Defense & Space entourée de Provincial Aerospace de Saint-Jean de Terre-Neuve, Pratt & Whitney Canada de Longueuil, CAE de Montréal, Vector Aerospace de Richmond et L3 Wescam de Richmond devrait proposer le C-295.
De son côté, l’américaine Lockheed Martin reste discrète sur l’éventualité d’offrir son HC-130J Hercules en association avec Cascade Aerospace d’Abbotsford, un des deux seuls centres de maintenance lourde au monde du C-130J certifié par l’avionneur.
Ni Viking Air avec une version moderne de son Caribou, ni Bell/Boeing avec son V-22 ne sembleront répondre à l’appel d’offre du fait semble-t-il, dans le cas de ce dernier, du manque d’intérêt des décideurs au Ministère de la défense nationale.
Néanmoins un seul de ces aéronefs est capable d’effectuer dans la même mission les opérations de recherche et de sauvetage.
Il faut comprendre que les missions de recherche et de sauvetage au Canada sont très particulières du fait de la grandeur du territoire mais aussi que l’essentiel des zones habitées soient le long de la frontière des États-Unis laissant d’immenses territoires inhabités et par la rigueur du climat, la grande majorité de l’année.
Dans la plupart des autres pays même si un avion s’écrase, l’épave et les occupants ne seront pas à grande distance d’une zone habitée. Dans ce contexte, aux États-Unis, les recherches seront effectuées depuis des Cessna 172 de la Civil Air Patrol, un corps de volontaires sous charte fédérale, qui servent d’auxiliaires à l’USAF.
Au Canada, la situation est généralement plus complexe du fait des grandes distances, des vastes régions inhabitées du pays et du climat inhospitalier. Dès la déclaration de la disparition d’un aéronef sont envoyés les Caribou et les Hercules des Forces armées pour repérer l’épave, évaluer la situation et parachuter une équipe de sauveteurs. Comme cela me l’a été expliqué, ces sauveteurs peuvent rester auprès des survivants d’un à quatre jours, le temps qu’un hélicoptère Cormorant puisse se rendre jusqu’au lieu de l’écrasement et soit capable de retourner avec les victimes et l’équipe de sauvetage.
L’atout inimitable du convertible Bell/Boeing V-22 Osprey réside dans le fait qu’il réunit en un seul aéronef, la vitesse et la capacité d’emport d’un avion turbopropulsé et la faculté de décoller et de se poser à la verticale d’un hélicoptère.
C-27J | C-295 | C-130J | CH-149 | V-22 | |
Vitesse maximale | 602km/h374mph326knt | 576km/h358mph311knt | 671km/h417mph362knt | 278km/h173mph150knt | 509km/h316mph275knt |
Vitesse de croisière | 583 km/h363mph315knt | 480 km/h358mph311knt | 643 km/h417mph362knt | 446 km/h277mph241knt | |
Rayon d’action | 4600-3700km2875-2300mi2500-2000nm | 4200-1852km2650-1151mi2300-1000nm | 5250km3262mi2835nm | 1018km 636mi 550nm | 1627km1011mi 879nm |
Sources : Ministère de la défense nationale – Alenia – Airbus Military – Lockheed Martin – AgustaWestland – Bell/Boeing.
Le V-22 est marginalement moins rapide que deux des trois types de turbopropulsés candidats potentiels à l’AVRSF. Avec une vitesse maximale de 509km/h ou 275knt, le V-22 se compare bien au C-295 avec 576km/h ou 311knt et même au C-27J avec 602km/h ou 326knt. Il est en de même au chapitre de la vitesse de croisière.
Par rapport à l’hélicoptère triturbine AgustaWestland CH-149 Cormorant, le V-22 Osprey affiche une vitesse maximale pratiquement deux fois plus élevée avec 509km/h ou 275knt contre 278km/h ou 150knt.
Même si le V-22 n’offre pas un rayon d’action aussi grand que celui des C-27J, C-295 et HC-130J, contrairement à eux, il est néanmoins ravitaillable en vol.Et même sans ravitaillement en vol, la distance franchissable du V-22 est de 60% supérieure à celle du Cormorant, 1627km ou 879nm contre 1018km ou 550nm.En service depuis 2006 au sein de plusieurs escadrons de l’US Marine Corps et de la 58th Special Operations Wing de l’US Air Force, plus de 458 V-22 ont été commandés par le Pentagon : 360 destinés à l’USMC, 48 à l’US Navy et 50 à l’USAF. Au sein de l’escadron HMX-1, 14 MV-22A ‘Green Top’ servent en soutien aux Sikorsky VH-3D et VH-60 ‘White Tops’ Marine One.
Le V-22 a été aussi sélectionné par deux clients très sélectifs et hautement rigoureux dans leur processus d’acquisition : Heyl Ha’Avir, l’armée de l’air d’Israël pour douze machines et les Japan Self Defence Forces pour 17.L’Osprey a vu le combat en Iraq, en Afghanistan, en Lybie et se retrouve sur tous les foyers d’opérations en Afrique et au Moyen-Orient.
Il est dommage que le V-22 qui représente un bond technologique en matière de vol vertical, ne sera surement pas offert aux Forces armées canadiennes dans le cadre du Projet de remplacement des aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe (ARSVF). Le V-22 aurait permis par l’usage d’un seul aéronef soutenu par un ravitailleur en vol selon le besoin, d’effectuer d’un seul jet la recherche et le sauvetage d’équipages et de passagers tombés dans des régions lointaines et hostiles par leur relief, leur végétation et leur climat, leur réduisant d’autant un attente dans des conditions très souvent difficiles.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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