Nous nous souviendrons qu’il résulta du ridicule ‘Love-In’ Airbus-Bombardier qui allait culminer dans une mise en scène d’opérette qui dura deux jours menée par le pdg de Bombardier, Alain Bellemare, et celui d’Airbus, Tom Enders, comportant une soirée de la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain à l’hôtel Sheraton Centre-ville et un spectacle aux ateliers du CSeries à Mirabel. Le consortium hautement subventionné franco-germanique-espagnol, Airbus, obtiendra gratuitement le programme du biréacté de 100 places de Bombardier, le CSeries, pour pas un sou alors qu’il aura coûté au bas mot six milliards de dollars américains à développer y compris trois milliards de dollars canadiens d’argent public provenant des contribuables québécois.
En décembre 2017, soit à peine trois mois après le rapprochement Airbus – Bombardier, il est révélé dans un article du journal quotidien financier new yorkais ‘The Wall Street Journal’ que Boeing et Embraer avaient entamé des négociations afin que l’avionneur américain prenne 80% du capital de l’avionneur brésilien.
Le gouvernement brésilien de l’époque, celui du président Michel Temer, s’opposera à tout rachat d’Embraer mais restera ouvert à des coopérations. Le 5 juillet 2018 sera annoncé, un accord qui prévoyait une prise de participation de 80% de Boeing dans la division Embraer Commercial Airplanes. Seront ainsi excluses de l’accord les divisions Embraer Executive Jets et Embraer Defense & Security. L’avion de transport tactique Embraer KC-390 dans lequel Boeing était déjà impliqué fera l’objet d’un second joint-venture détenu à 51% par l’avionneur de Sao José dos Campos et à 49% par celui de Seattle.
Toutefois, il est sûr que Boeing se remettra de ce renversement de situation mais il n’en sera de même pour Embraer.
Certes, il est évident que Boeing aurait profité de ce rapprochement de plusieurs façons
Embraer aurait amené au constructeur de Seattle, un afflux d’ingénieurs plus jeunes alors que Boeing se serait assuré un sous-traitant à coût moindre mais à qualité assurée qui se situe dans le même fuseau horaire et non pas à l’autre bout du monde, en Asie.
De plus, Boeing pouvait ajouter à son catalogue militaire, le KC-390 un bi-réacté à aile haute de transport tactique afin de concurrencer le quadroturbopropulsé Lockheed Martin C-130J Super Hercules mais surtout l’autre quadriturbopropulsé militaire, l’Airbus A400M, dont les premières années de service sont marquées par de nombreux problèmes techniques et un surcoût énorme. Depuis la livraison, le 29 novembre 2015 du 279ième et dernier C-17 Globemaster III de ses installations maintenant fermées de Long Beach, en Californie, Boeing n’a malheureusement plus d’avions de transport militaire à offrir.
Avec l’intégration de la famille des E-Jet E2, les E175-E2, E190-E2 et E195-E2, en complétant sa gamme vers le bas, au-dessous du 737MAX7, Boeing pouvait offrir une famille complète de jets commerciaux de 80passagers avec l’E175-E2 à 426 avec le 777-9. Finalement, Boeing avec le E2-Jet195 obtenait un concurrent direct et éprouvé au CSeries de Bombardier devenu l’Airbus A220.
Pour Embraer, ce rapprochement avec le numéro un mondial, assurait sa survie. L’avionneur brésilien aurait pu participer aussi bien au niveau conception que fabrication aux deux projets que Boeing souhaitait alors lancer le Future Small Aircraft ou FSA visant au remplacement du Boeing 737 vendus à plus de 14983 exemplaires et dont 10576 ont été livrés et le New Midsize Aircraft ou NMA, visant le marché occupé par les best sellers que furent les formidables 757 et 767.
Dans l’échec malheureux de ces deux joint-ventures entre Boeing et Embraer, il ne faut surtout pas sous-estimer le rôle insidieux et malsain de la Commission européenne dont l’approbation de la transaction traînait en longueur.
Les refus systématiques des autorités de la compétition de la Communauté Européenne sont des plus suspects alors que neuf autres autorités nationales de contrôle de la compétition avaient déjà approuvé la transaction. Par conséquent, il n’est pas déraisonnable de penser que cette Commission se soit retrouvée à devoir suivre les desiderata de l’Élysée et de Matignon dictés par la direction du ‘fleuron’ aérospatial français, Airbus.
Il est bon de souligner qu’en 1998, la même commission ne voyait pas d’un bon œil la fusion des américaines Lockheed Martin et Northrop Grumman qui sera finalement abandonnée pour d’autres raisons. En 2001, elle s’opposa carrément à la fusion de General Electric et d’Honeywell et la fera dérailler. Mais dans le fonds de quel droit l’Europe se mêle-t-elle d’affaires américaines?
Mais Airbus n’attendrait-il pas à l’orée du bois de mettre la main sur Embraer pour rien comme ce fut le cas avec Bombardier et son CSeries avec la bénédiction des gouvernements Libéraux, celui de Justin Trudeau à Ottawa et celui de Philippe Couillard à Québec.
La France a eu longtemps des visées sur le marché brésilien et sur Embraer alors que des rumeurs de reprise du constructeur brésilien impliquaient tour à tour, EADS, Airbus et Dassault Aviation.
Ainsi à la fin des années 1990, Dassault, Snecma rebaptisé depuis Safran, Thomson-CSF devenu Thales et Aerospatiale Matra maintenant Airbus avaient acquis 20 % du capital de l’avionneur brésilien.
En 2010, des bruits parlaient de rapprochement entre Embraer et Airbus afin de concurrencer Bombardier sur le marché des avions commerciaux de moins de 100 places.
Il est à souhaiter que Boeing se reprenne et trouve finalement un terrain d’entente avec Embraer pour en prendre le contrôle.
Il aurait été tellement mieux que Boeing, en 2017, conclut sa querelle avec Bombardier sur la question tout à fait légitime des énormes subventions gouvernementales versées au CSeries, reprenne le CSeries. Airbus ne serait pas installé en terre québécoise dans l’espoir malheureusement d’obtenir les prochains gros contrats militaires aérospatiaux du Ministère de la défense nationale du Canada.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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