Le 26 octobre 2014 eut la toute dernière liaison en service commercial passager d’un McDonnell Douglas MD-11. Il s’agissait du vol KL672 de la KLM, entre Montréal-Dorval (YUL) et Amsterdam-Schiphol (AMS), effectué par le MD-11, PH-KCE (MSN 48559) ‘Audrey Hepburn’, sorti d’usine le 1er octobre 1994 et livré à KLM, le 18 novembre suivant. Il s’était posé la veille vers 17h00, par le vol KLM671 en provenance de Schiphol.
Pour ce dernier vol, l’équipage fut composé des capitaines Erwin Gabel et Nico Verdose et du co-pilote Michiel De Bruyn.
Ce fut en 1934 que KLM prit livraison d’un premier avion de la Douglas Aircraft de Long Beach en Californie, un DC-2. En décembre 1993, KLM réceptionnait le dernier aéronef du constructeur devenu McDonnell Douglas, un MD-11, PH-KCA Amy Johnson.
Ainsi l’ultime vol du MD-11 de KLM marque non seulement le retrait au sein du transporteur néerlandais du dernier tri-réacté mais aussi de tout aéronef du constructeur californien fusionné avec Boeing en 1997.
Le 11 novembre prochain, trois vols locaux seront organisés au départ de l’aéroport d’Amsterdam Schiphol au-dessus des Pays-Bas d’une durée d’une heure au coût de 139 dollars.
KLM dessert Montréal depuis 65 ans et la liaison Montréal-Amsterdam Schiphol sera dorénavant assurée par un Airbus A330-300.
Le transporteur néerlandais, fusionné à Air France en avril 2004, a opéré dix MD-11 de 285 places portant chacun le nom de femmes notoires : Marie Curie, Annie Romein, Maria Callas, Anna Pavlova, Ingrid Bergman, Mère Teresa de Calcutta, Amy Johnson et encore en service, Florence Nightingale, Maria Montessori et Andrey Hepburn.
Le MD-11 était le tout dernier jet commercial de grande capacité, encore en service, construit hors du duopole Airbus-Boeing.
Bien que McDonnell Douglas chercha depuis 1976, un remplaçant au DC-10, le MD-11 lancé le 30 décembre 1986 par la commande ferme de 52 appareils accompagnée de 40 options en version passagers, frêt et combi, s’envola pour la première fois, le 10 janvier 1990. Sa certification par les autorités aéronautiques américaines fut obtenue le 8 novembre 1990 ce qui permit la première livraison le 7 décembre suivant à la finlandaise Finnair. Pour sa part, la certification européenne ne fut obtenue que presqu’un an plus tard, le 17 octobre 1991, quelques 200 problèmes ayant dus être réglés.
Version modernisée, remotorisée et rallongée de 18 pieds et 8 pouces du DC-10-30 dont la carrière commerciale s’est terminée en février cette année, le MD-11 fut construit en cinq versions : le MD-11 (131 exemplaires), le MD-11CF Convertible Freighter (6 exemplaires), le MD-11F Freighter (53 exemplaires), le MD-11C Combi (5 exemplaires) et le MD-11ER Extended Range (5 exemplaires) à deux cents exemplaires aux installations de Douglas Commercial de Long Beach, en Californie, de 1988 à 2000. Au moment de son lancement, le constructeur en espérait vendre plus de 300.
Dès la fusion de McDonnell Douglas et de Boeing, il fut décidé de ne conserver au catalogue que la version cargo du MD-11. Le dernier exemplaire ‘passager’ fut livré à la belge Sabena en avril 1998 et les deux derniers en configuration tout cargo à l’allemande Lufthansa, les 25 janvier et 22 février 2001.
Le MD-11 fut handicapé à ses débuts par une consommation en carburant plus importante que prévue, réduisant d’autant son rayon d’action ce qui poussa Singapore Airlines à annuler sa commande de vingt appareils.
En version passager, le MD-11 pouvait transporter de 293 à 410 passagers selon l’aménagement intérieur et 32 containers LD3 en soute sur 6840 miles nautiques et 7240 pour le MD-11ER ; en version frêt, MD-11CF et MD-11F, 26 palettes sur le pont principal et 32 containers LD3 en soute sur 3950 miles nautiques ; en version combi, MD-11C, de 181 à 290 passagers et 6 palettes selon l’aménagement intérieur et 32 containers LD3 en soute sur 6720 miles nautiques.
De plus, le MD-11 n’était pas facile à poser surtout par vent de travers et cinq des neufs accidents avec perte de l’appareil eurent lieu à l’atterrissage. Le tri-réacté de McDonnell Douglas, affligé d’un centre de gravité trop à l’arrière et de mouvements de tangage inattendus et violents, afficha un taux d’accidents avec perte de l’appareil de 3,62 par million de départs soit quatre fois plus que pour le Boeing 747-400.
En 1995, l’entrée en service du Boeing 777 lui porta un coup fatal. Propulsé par deux réacteurs de nouvelle génération, volant plus vite, plus loin avec plus de passagers, le dernier-né de Boeing, conçu à partir de zéro au début des années 1990 contrairement au MD-11, un dérivé du DC-10 concocté au milieu des années 1960, ouvrira une nouvelle ère en terme d’efficacité et de réduction des coûts d’exploitation.
D’ailleurs, le MD-11 ainsi que l’échec de l’avion de combat McDonnell Douglas Northrop YF-23 dans le cadre de la compétition ‘Advanced Tactical Fighter‘ (ATF) visant au remplacement des chasseurs de supériorité aérienne McDonnell Douglas F-15 Eagle, précipitèrent la chute du géant de Saint-Louis et menèrent à la fusion en juin 1997, avec son grand concurrent de Seattle, Boeing.
Dès 2004, le MD-11 a disparu presque complètement des lignes aériennes. Finnair retira ses derniers MD-11 en février 2010 laissant KLM l’unique utilisateur de la version passager du triréacté.
Les MD-11 en version cargo, d’origine ou convertis, continueront à sillonner le ciel pour de nombreuses années notamment avec FedEx qui aligne la plus importante flotte au monde avec 64 exemplaires accompagnés de 45 MD-10-10 et 16 MD-10-30 des conversions cargo de DC-10.
Les versions passagers du MD-11 ont perdu toute valeur résiduelle et leur conversion en avion de frêt n’est plus de mise. Par conséquent, ils se dirigeront pour la plupart vers les déserts de Californie ou d’Arizona où ils seront démantelés pour la revente de leur systèmes et de leurs pièces.
Avec ce dernier vol passager d’un MD-11, une époque tranquillement s’estompe, douce époque où le ciel était traversé d’une diversité de modèles d’avions de ligne émanant de plusieurs constructeurs et de nombreux transporteurs aériens aux décorations plus originales et différentes les unes que les autres.  La départ du MD-11 marque aussi la disparition des triréactés en service commercial passager, les Trident, Boeing 727 et Lockheed TriStar étaient une histoire du passé.
Pour moi, c’est un pas de plus vers la totale disparition des jets de McDonnell Douglas des aéroports après ceux des Convair et des Lockheed. Heureusement qu’il me reste les Boeing.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
Commentaires