MIRABEL – En fin d’après-midi jeudi, Bombardier a convoqué les membres de la presse pour une conférence de presse le jour suivant, soit vendredi à 9h00, aux installations de Mirabel situées à 50 km au nord de Montréal.
En ce vendredi matin, exceptionnellement doux, Bombardier avait aménagé l’extrémité de la chaîne d’assemblage des CRJ avec un CS100 blanc et bleu aux couleurs du constructeur sous les feux de la rampe entouré de deux CS300 participant aux essais en vol et un troisième en construction.
Une estrade, un lutrin, trois drapeaux, un fonds de fumée, des projecteurs et un aéropage d’invités d’honneur, d’élus, d’employés et de journalistes constituaient le décor de cet événement dont le thème était deviné de tous ou presque : l’annonce de la certification du CS100 de 108 à 133 places par Transport Canada au terme d’une campagne de tests en vol de plus de 2400 heures lors de plus de 1000 vols étalés sur 27 mois depuis le vol inaugural du premier exemplaire, le 16 septembre 2013 des pistes de l’aéroport de Montréal – Mirabel.
Se trouvaient au premier rang Alain Bellemare, pdg de Bombardier, Fred Cromer, président, Avions commerciaux chez Bombardier, Jean-François Casa, vice-président du développement de produits et ingénieur en chef de Bombardier et chef de l’organisme d’approbation de conception de Bombardier, le consul du Royaume-Uni à Montréal, le ministre fédéral canadien des Transports, Marc Garneau, et le ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations du Québec et député de Verdun, Jacques Daoust.
Le CSeries est en fait le premier monocouloir totalement nouveau depuis l’Airbus A320 dont le premier vol remonte au 22 février 1987 et l’entrée en service le 18 avril 1988 au sein d’Air France.
Le suspens ne dura pas longtemps alors que Marc Garneau, nouveau ministre fédéral des transports depuis le 4 novembre suite aux élections du 19 octobre dernier qui a porté au pouvoir le Libéral Justin Trudeau. Député de Notre-Dame-de-Grâce – Westmount depuis 2008, ancien officier de la Marine canadienne, premier astronaute canadien et ancien président de l’Agence spatiale canadienne (ASC), Marc Garneau monta sur l’estrade et prit la parole pour annoncer la certification par Transports Canada du premier membre de la famille CSeries, le CS100 propulsé par une paire de réacteurs Pratt & Whitney PW1500G Pure Power qui entraîna un éclatement d’applaudissements. ‘La certification de la CSeries de Bombardier marque un tournant historique pour le secteur aérospatial canadien’ souligna le Ministre en ajoutant qu’‘il s’agit de la certification du plus gros avion passager jamais approuvée par Transport Canada’. Rappelons que le 17 novembre dernier, Bombardier avait annoncé que la campagne des tests en vol du CS100 en vue de la certification avait prit fin.
Monsieur Garneau rappela que la certification par les autorités aéronautiques canadiennes sera suivie sous peu de celles de la Federal Aviation Administration (FAA) et de l’European Aviation Safety Agency (EASA).
Signe des temps, le ministre fit allusion à l’environnement en affirmant que le CSeries par sa consommation de 20% inférieure à celle de ses concurrents sera ‘un atout précieux pour le domaine du transport aérien dans le monde entier’ et qu’il va ‘contribuer à atteindre les objectifs environnementaux que le Canada s’est fixés récemment à Paris’. Pour lui ‘Il aura une forte influence dans la place qu’occupe le Canada dans le monde de l’aérospatial’.
Pour conclure sa présentation, Marc Garneau s’embarqua dans une envolée oratoire en criant presque que ‘Nous souhaitons tous que nous allons exporter des centaines et des centaines de CSeries’.
Jean-François Caza, vice président, développement de produits et ingénieur en chef et chef du groupe d’approbation des produits chez Bombardier, enchaîna en déclariant d’entrée de jeu que ‘la journée en était une très importante pour l’ensemble de Bombardier lui qui a conçu, développé et testé ce grand avion qu’est le CSeries’.
Selon lui, la certification de type est une étape très importante car elle permet le début des livraisons de cet avion ‘né d’une vision de Bombardier qui a cerné un besoin qui n’était pas satisfait’.
À son tour à la tribune, le ministre Daoust lança que ‘le CSeries de Bombardier est emblématique du travail, de la détermination, de l’expertise, du talent et de la créativité des 2300 employés de Bombardier…vraiment un avion du 21ième siècle…ses caractéristiques le rendant unique par son économie en carburant et son silence’.
Ensuite, ce fut au tour de Fred Cromer, président, Avions commerciaux chez Bombardier qui a reconnu que cela faisait longtemps que le CSeries n’avait enregistré une seule commande mais que sa certification allait changer la situation ‘It has been a long time since the last order but this milestone is changing the way airlines is thinking about the CSeries program…and we are getting more and more interest certification is a strategic move for our potential customers…they are looking at their fleet plans they are very interested in the 100-150 seat segment’.
Monsieur Cromer fit état des prévisions de livraisons du CSeries : de 15 à 35 en 2017, de 45 à 55 en 2018, 75 à 85 en 2019 et de 90 à 120 en 2020. À terme, Bombardier compte livrer de 120 à 150 CSeries par an de ses deux chaines d’assemblage de Mirabel.
Rob Dewar, vice président du programme CSeries présenta une vidéo rappelant l’histoire et toutes les étapes du programme.
Il conclut de façon prophétique par ‘It (The CSeries) is new reality for the single-aisle market’.
Alain Bellemare monta à la tribune et souligna entre autres lors de son longue intervention que ‘la certification est un point tournant’ et que ‘le CSeries a le potentiel de porter notre industrie à un nouveau niveau’. Il ajouta que ‘Grâce à nos 2300 employés et nos 200 fournisseurs, nous avons réussi au-delà de nos espérances’ pour réaliser ‘Le meilleur avion dans le segment des 100 à 150 places’.
Enthousiaste, il ne s’arrêta pas là  : ‘Nous avons la meilleur équipe d’ingénieurs au monde et nous sommes capables de développer, de certifier et de soutenir des avions partout dans le monde’.
Il conclut avec enthousiasme que Bombardier ‘est maintenant extrêmement bien positionné’ pour l’avenir. ‘Nous avons un appareil certifié, un appareil super performant, on est bien positionné, on a un créneau où il y a vraiment un marché intéressant de 5000 à 7000 appareils sur 20 ans …ce qui me rend confiant que nous attirerons des partenaires…ce qui nous donne un momentum pour parler avec les clients’.
Lors de la mêlée de presse qui suivit, le ministre Garneau, en réponse aux questions des journalistes portant sur une éventuelle aide d’Ottawa, se borna à déclarer que le dossier progressait.
Un peu plus loin, Alain Bellemare, réitéra que ‘Nous avons une excellente plateforme et les gens vont commencer à réaliser les avantages du CS100 et du CS300’ en ajoutant que ‘les doutes des clients potentiels, ne serait-ce que d’être capable de rencontrer le calendrier de certification avant la fin de l’année, sont maintenant du passé’.
Quant au soutien du fédéral, Alain Bellemare indiqua qu’il serait un gage de reconnaissance envers le programme CSeries, un vote de confiance, une aide financière additionnelle et quant à sa venue, il répondit ‘The soonner, the better’.
Interrogé sur la possibilité d’un CS500, Alain Bellemare répondit tout en s’éloignant que ‘If someone needs a bigger aircraft, we have the CS300’. Une déclaration qui contraste avec les propos tenus par Rob Dewar au journaliste d’Air Transport World, Graham Warwick d’Air Transport World, à qui il confia que le CSeries est ‘A platform with room to grow’.
La campagne d’essais en vol du CS100 s’est avérée plus longue et plus coûteuse que prévue, la plus chère de l‘histoire de Bombardier. Le CSeries affiche plusieurs premières dont l’usage des commandes de vol électriques Parker Aerospace, des panneaux d’ailes en transfert de résine composite infusé et des panneaux de fuselage en aluminium-lithium de Constellium, anciennement Alcan Engineered Products. Le CSeries représente aussi la plus importante application commerciale de la suite avionique intégrée ProLine Fusion de Rockwell Collins.
Actuellement, la famille CSeries compte 603 commandes, options et promesses d’achat dont 243 commandes fermes et Swiss Airlines devrait mettre en service le tout premier CS100 au second trimestre de 2016.
Quant au CS300 d’une capacité de 130 à 160 places en ‘haute densité’, il devrait être certifié d’ici six mois car le taux de communauté des systèmes avec le CS100 est de 95%. Deux CS300 font partie de la campagne de certification. Son entrée en service devrait survenir au second semestre 2016 au sein du transporteur Air Baltic.
Le programme CSeries, ponctué comme la plupart des programmes d’aéronefs civils de transport, de retards dont une pause de cinq mois de la campagne de tests en vol suite à l’incident survenu à un moteur Pure Power en juin 2014, a coûté 5,4 milliards de dollars américains contre 3,2 milliards initialement prévus en 2008.
Il reste maintenant à Bombardier d’accomplir la première livraison à Swiss, réussir la mise en service, réaliser la montée en cadence de la production et de convaincre un grand transporteur américain d’opter pour le CSeries.
Le CS100 permet une économie de 20% par rapport aux monocouloirs en service et même de 10% par rapport à leur version remotorisée ce qui se traduit par une économie de 7 à 12 millions de dollars par avion sur sa durée de vie. Ses émissions en NOx sont aussi de 50% inférieures aux normes CAEP 6 selon le constructeur.
L’autonomie maximale du CS100 atteint maintenant 3300NM ou 6112km soit 350NM ou 648km de plus que prévu.
Vendredi, le titre de Bombardier (BBD-B.TO) a gagné 19 cents ou 16,24% pour clôturer à 1,36 dollar canadien. Quelques 31 millions d’actions ont été transigées soit six fois plus qu’en temps normal.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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