MONTRÉAL – Nombre de mots : 784 – Temps de lecture : 5 minutes.  Tel est le message qu’a voulu faire passer Alain Bellemare lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de Bombardier (TSE : Bbd-D) convoquée ce jeudi 3 mai 2018 sur le coup de 10h30 dans une magnifique salle entièrement vitrée, sise sur une jetée du Port de Montréal qui servait naguère de gare maritime.
Devant plus de 400 personnes, actionnaires, analystes, journalistes et invités dont Suzanne Benoit, pdg d’Aéro Montréal, Alain Bellemare, président et chef de la direction ; Pierre Beaudoin, président du conseil d’administration ; Daniel Desjardins, vice-président principal, Affaires juridiques et secrétaire et John Di Bert, vice-président principal et chef de la direction financière ont pris la tribune.
En tout premier lieu fut réalisée l’élection pour la prochaine année des administrateurs de la Société. À l’issue d’un scrutin, chacun des quatorze candidats suivants proposés par la direction de Bombardier a été élu administrateur de Bombardier :
Pierre Beaudoin | |
Alain Bellemare | |
Joanne Bissonnette | |
J. R. André Bombardier | |
Martha Finn Brooks | |
Jean-Louis Fontaine | |
Diane Giard | |
August W. Henningsen | |
Pierre Marcouiller | |
Douglas R. Oberhelman | |
Vikram Pandit (administrateur principal) | |
Carlos E. Represas | |
Antony N. Tyler | |
Beatrice Weder di Mauro
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La direction de Bombardier marqua le départ du conseil d’administration de Laurent Beaudoin qui, après 55 ans au sein de l’entreprise, a décidé de ne pas se représenter, par la diffusion d’une vidéo rétrospective sur sa contribution au constructeur québécois. Sous son leadership, à titre de président et chef de la direction et, plus tard, à titre de président du conseil, Bombardier a été inscrite en bourse et s’est diversifiée dans les secteurs du transport sur rail et de l’aéronautique.
L’homme de 80 ans, entré chez Bombardier alors que l’entreprise n’était encore qu’un fabricant de motoneiges basé à Valcourt, un petit village des Cantons de l’Est, à mi-chemin entre Montréal et Québec, rappela vers la fin de la vidéo que ‘C’est quand t’es en crise que tu prends les meilleures décisions’ et lança, le message qui devrait encore guider les équipes de Bombardier dans le futur tout comme dans le passé : ‘que faire de plus?’.
Rappelons que pendant le mandat de monsieur Beaudoin, gendre de Joseph-Armand Bombardier, l’entreprise a reçu en 1974, le contrat du métro de Montréal; a décroché en 1982, celui du métro de New York, a lancé en 1989, le programme Canadair Regional Jet (CRJ), une version rallongée du bizjet Challenger développé alors que Canadair appartenait au gouvernement fédéral canadien et, en 1993, celui de la gamme d’avions d’affaires à large cabine et long rayon d’action Global Express. Coté acquisition d’entreprises, Laurent Beaudoin fut très actif avec le rachat, souvent pour des sommes dérisoires et avec garantie de l’état, d’ANF-Industrie, de Canadair, de Short Brothers, de Learjet, d’Adtranz et de de Havilland.
En mêlée de presse, après l’assemblée, Laurent Beaudoin ne put se retenir de reconnaître qu’il avait un pincement au cÅ“ur à la veille de la prise de contrôle du programme C Series par l’avionneur franco-germano-espagnol Airbus : ‘Définitivement, dans le meilleur des mondes, il aurait été préférable de garder la C Series parce qu’on l’a développée nous-mêmes’.
Ironiquement, monsieur Beaudoin, a justifié, une fois encore, la nécessité des actions à droit de vote multiples, ce qui, à son avis, a permis de protéger l’entreprise lorsqu’elle était plus vulnérable, comprenez ici, d’éviter la prise de contrôle par des intérêts étrangers pour ne pas dire américains.
Un premier trimestre en progression par rapport à l’an dernier.
Alain Bellemare prit alors la parole et voulut partager les progrès importants du plan de transformation mis sur pieds afin ‘de créer de la valeur à long terme pour les actionnaires’. Son message fut ‘clair, simple et positif : Bombardier est sur la bonne voie pour regagner sa position de leader industriel mondial’ grâce au plan de redressement de la Compagnie. Selon le pdg, maintenant que la santé financière a été rétablie et que les fondations de la Société ont été solidifiées, ‘il faut se concentrer sur l’exécution et la croissance’. Il renchérit ‘notre stratégie est solide, notre plan est clair et notre avenir est prometteur’.
Monsieur Bellemare rappela qu’un avion de Bombardier décolle toutes les trois secondes et que chaque jour, 500 millions de personnes étaient transportés dans un métro ou un train de Bombardier, les produits de la société se retrouvant dans une centaine de pays. Pour lui, Bombardier est ‘un champion mondial avec des revenus de 16 milliards de dollars américains avec un centre décisionnel, notre siège social ici à Montréal…fier de représenter le Québec et le Canada sur la scène internationale’.
Le pdg de Bombardier présenta alors les chiffres encourageants du premier trimestre 2018.
Alain Bellemare annonça que les résultats de Bombardier au premier trimestre de 2018, furent marqués par une forte croissance des revenus. Il en fut de même pour les bénéficesnets qui ont grimpé à 44 millions de dollars américains, un saut de 633%par rapport au premier trimestre 2017. Il s’agit là d’une hausse de 12 %, conséquence de l’accélération de grands projets au sein de la division Transport et de l’amélioration des conditions de marché de la division Avions d’affaires.
Les revenus de la division Avions d’affaires ont augmenté de 9%, ceux d’Aérostructures et Services d’ingénierie de 12% et ceux de Transport de 21%. Les revenus de la division Avions commerciaux ont toutefois reculé de 12%.
Le carnet de commandes de la division Avions d’affaires a également augmenté pour atteindre 14,3 milliards de dollars américains au cours du premier trimestre 2018. Après la fin du trimestre, les responsables de la division Avions commerciaux ont annoncé la signature d’une entente d’achat avec Ethiopian Airlines portant jusqu’à 15 biturbopropulsésQ400et une autre avec American Airlines visant jusqu’à 30 biréactés CRJ900, ce qui porte les carnets de commandes d’avions CRJ Serieset Q400à respectivement plus de 50 avions chacun.
Avions d’affaires
Au cours du premier trimestre de 2018, la division Avions d’affaires a renoué avec la croissance, ses revenus, en hausse de 9 % pour atteindre 1,1 milliard de dollars américains, reflétant la livraison de 31 avions contre 29 au trimestre correspondant en 2017 et l’augmentation des activités sur le marché de l’après-vente.
Avions commerciaux
Aérostructures et Services d’ingénierie
Bombardier quitte Downsview mais pas l’Ontario.
Comme le laissaient entendre les rumeurs depuis quelque temps, Bombardier va quitter les installations historiques de Downsview, sises à quatorze kilomètres du centre-ville de Toronto, occupées depuis 80 ans par De Havilland. Actuellement, y sont assemblés les jets d’affaires à cabine large et long rayon d’action Global 5000, Global 6000, Global 7000 ainsi que les turbopropulsés de transport régional de 68 à 78 places Q400.
Lors de son allocution, Alain Bellemare annonça qu’un accord avait été conclu avec l’Office d’investissement des régimes de pension du secteur public du Canada (Canada Public Sector Pension Investment Board) pour la vente au prix de 635 millions de dollars. Soulignant que ces terrains d’une surface de 148 hectares qui comprennent une piste opérationnelle de 7003 pieds (YZD) n’étaient exploités par Bombardier qu’à dix pour cent, monsieur Bellemare révéla que le constructeur y restera encore trois ans et peut-être deux années supplémentaires en vertu d‘options d’une année chacune. La transaction devrait être bouclée avant la fin du second trimestre 2018 et alimentera les liquidités de Bombardier d’un montant de 550 millions de dollars.
En parallèle, Bombardier a signé un bail à long terme avec l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (Greater Toronto Airports Authority GTAA) pour la location d’un terrain de quinze hectares à proximité de l’Aéroport international Pearson de Toronto (YYZ) afin d’y implanter une nouvelle usine d’assemblage pour ses bizjets Global qui devrait ouvrir ses portes en 2021. La capacité de production de ces nouvelles installations serait de cent appareils par année.
Par contre, rien n’est encore décidé quant à l’avenir du Q400 en dépit des paroles rassurantes d’Alain Bellemare et Fred Cromer en rencontre de presse après l’assemblée des actionnaires. Au fil des ans, les employés des installations de Bombardier à Downsview ne procédaient plus qu’à l’assemblage final des Q400 car même la fabrication des ailes, naguère effectuée sur place, l’est maintenant à l’externe tout comme celle du fuselage et de l’empennage. De plus, dans le cadre du rapprochement avec Airbus, actionnaire à 50% du concurrent du Q400, la toulousaine ATR qui s’est accaparée des trois quarts du marché en 2017, il est autorisé de se poser des questions sur l’avenir du Q400 au sein de Bombardier. Le carnet de commandes du Q400, bien que d’une capacité et d’une vitesse supérieures aux ATR-42-600 et ATR-72-600 se monte à 55 appareils contre plus de 250 pour ATR ou trois ans de production.
La prise de contrôle du C Series par Airbus pour très bientôt.
Lors de son discours, monsieur Bellemare, répéta tous les avantages que l’association avec l’avionneur Airbus allait procurer à la gamme C Series. Il annonça que le partenariat devrait être scellé avant la fin du présent trimestre et ‘devrait créer une valeur exceptionnelle’. ‘La C Series et ses clients profiteront de façon importante de la portée et de l’ampleur d’Airbus’ ajouta-t-il ‘une organisation de ventes et de marketing de classe mondiale qui accélérera le développement des ventes, une expertise exceptionnelle en matière de chaîne d’approvisionnent qui permettront d’augmenter l’avantage concurrentiel de la C Series et un réseau de service à la clientèle extrêmement vaste pour soutenir les clients de la C Series partout dans le monde’. ‘Avec Airbus, notre avion exceptionnel atteindra son plein potentiel’. ‘Les 2500 employés de la C Series connaitront un avenir radieux’.
Monsieur Bellemare répéta que le partenariat sécurise les 2500 emplois liés au C Series à Mirabel convaincu qu’il en résultera un bien plus grand nombre de ventes à en jugeant par le niveau d’intérêt actuel de la part des transporteurs.
À la clôture de l’opération avec Airbus, la participation de Bombardier dans la Société en commandite Avions C Series (SCACS) passera de 65% à 33%, abandonnant à Airbus 50,01% en échange d’aucune compensation monétaire. Par conséquent, Investissement Québec (IQ) détiendra alors 17 % du capital.
Quant à l’identité du C Series après sa prise de contrôle par Airbus, Alain Bellemare répondit à la question d’un actionnaire de façon évasive en signifiant que ‘Nous déciderons de la meilleure image de marque pour vendre le plus d’avions possible’.
Lors de la période de presse, la question fut posée à nouveau au pdg de Bombardier qui réitéra que ‘Le plus important est d’avoir le meilleur branding pour rendre la C Series la plus attractive’.
Au premier trimestre, Bombardier qui a livré cinq biréactés de cent places C Series au premier trimestre 2018 vise la livraison de 40 appareils lors de l’année financière 2018.
Bombardier Aéronautique mise ses avions de transport régional.
La direction de Bombardier, qui s’apprête à voir Airbus prendre les commandes de la C Series d’ici la fin du deuxième trimestre 2018, a l’intention de mettre davantage d’énergie dans des programmes comme ceux du Q400 assemblés pour l’instant à Downsview, en banlieue de Toronto et du CRJ, qui est assemblé à Mirabel, à 40 km au nord de Montréal. Aux dires de monsieur Bellemare, Bombardier table sur un marché de 3000 réactés de transport régional et de 2700 turbopropulsés pour les prochaines vingt ans.
Le grand patron de l’avionneur a répété à plus d’une reprise son engagement à l’endroit du Q400 dont le carnet de commandes s’établit à 55 appareils en date d’aujpurd’hui.
Pour sa part, Fred Cromer, promu récemment à la tête de la nouvelle division Avions régionaux, a estimé qu’il y avait un marché grandissant pour les Q400 et CRJ du fait de l’âge avancé des flottes en service. Alain Bellemare confirma que la demande pour les jets régionaux de 70 à 90 places est à la hausse ‘nous croyons que la famille CRJ est bien positionnée alors qu’un cycle de remplacement d’appareils était attendu aux États-Unis’.
Par ailleurs, Bombardier a confirmé une commande ferme pour 15 appareils CRJ900, assemblés à Mirabel, par le transporteur American Airlines dans le cadre d’un contrat d’une valeur de 719 millions au prix catalogue assortie de la prise de 15 options. Les livraisons devraient s’amorcer au début du deuxième trimestre de 2019.
En 2017, les cinq plus hauts dirigeants de Bombardier ont obtenu une rémunération globale de 30,8 millions de dollars américains, en progression de 12,3% par rapport à l’exercice précédent. En incluant, Pierre Beaudoin, président du conseil d’administration, la rémunération totale de la haute direction de l’entreprise québécoise grimpe à 33,4 millions de dollars.
À la Bourse de Toronto, l’action de Bombardier (TSE : Bbd-B) clôtura jeudi à $4.00, en hausse sept cents ou 1,78%, loin du plancher atteint le 5 février 2016 à $0.80.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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