La construction aéronautique de demain tirera parti non seulement de nouvelles technologies mais aussi de nouvelles méthodes de travail. Lors du colloque Aeromart Summit 2014, qui s’est tenu à Toulouse le 2 décembre dernier, le secteur est ainsi apparu en mutation. Au-delà de l’innovation technique, de nouvelles façons de s’organiser pourraient bien changer jusqu’à l’ambiance de l’entreprise. Les donneurs d’ordre cherchent aussi à réinventer les relations client-fournisseur.
Les systémiers comme Thales, Zodiac Aerospace et Safran considèrent que Boeing a pris une longueur d’avance en matière d’architecture « plus électrique », un thème majeur. L’Américain pourra ainsi utiliser l’expérience du 787 sur la prochaine génération d’avion et conserver l’avantage. Pour autant, les technologies électriques doivent encore progresser. Les gains de masse ne sont pas acquis, pas plus que la fiabilité.
Les avis sont partagés sur la place de l’hydraulique : elle pourrait garder quelques applications – comme l’extension/rétraction du train d’atterrissage – ou disparaître. L’énergie pneumatique, en revanche, apparaît condamnée. A fonction donnée, le rendement est très inférieur à celui de l’électricité.
L’avion plus électrique devrait profiter du programme Airbus E-Fan d’avion léger à propulsion électrique. L’E-Fan utilise des batteries très performantes qui pourraient embarquer sur de plus gros aéronefs.
Les techniques d’impression 3D mûrissent très vite. Chez Avio, on produit des pièces destinées à voler sur des moteurs de série. Avec la fusion par faisceau d’électrons, on peut fabriquer des aubes plus légères de moitié. On peut alors alléger aussi les disques et les carters.
Les donneurs d’ordre comme Airbus, ATR, Alenia Aermacchi, Latécoère, Safran, Avio et TAI assurent vouloir concilier, vis-à -vis de leurs fournisseurs, exigence et conditions acceptables. Ainsi, chez Latécoère, on insiste sur une réduction nécessaire du taux de rebut, on diminue le volume moyen des commandes mais on promet une visibilité accrue. Pourtant, de nombreuses petites entreprises se plaignent d’une pression perpétuelle et généralisée sur les prix.
Les thèmes de l’innovation et des relations clients-fournisseurs ont tendance à se rejoindre. Chez Safran, on implique les fournisseurs dans un « Fab Lab des services », où des scénarios de service sont coécrits. Le responsable de l’innovation est aussi celui des achats. Airbus a baptisé Protospace un outil de prototypage rapide, dont l’utilisation devrait être élargie aux fournisseurs.
Au sein des entreprises, on essaie des approches nouvelles. ProtoSpace n’est pas réservé aux ingénieurs : les ouvriers peuvent s’en servir pour améliorer les techniques de production. Et Airbus se montre prêt à remettre en cause d’autres méthodes : les jeunes doivent être écoutés, même s’ils ont tendance à donner leur avis sur tout, explique un cadre dirigeant
Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes, etc. Il collabore régulièrement à plusieurs publications françaises et américaines, notamment en couvrant l'actualité des constructeurs
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