MONTRÉAL – À la veille du dépôt du deuxième budget du gouvernement fédéral canadien Libéral, ce mercredi, en fin d’après-midi, les bruits de privatisation des aéroports canadiens se font entendre avec insistance en dépit des démentis des intéressés.  Selon une source au gouvernement, la privatisation des aéroports ne figurera pas au budget fédéral.
N’empêche que ce lundi, les débats au Parlement canadien se sont figés autour de la question de la privatisation des aéroports canadiens alors que le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau, mettait la touche finale à son budget.
Il faut dire que le gouvernement Trudeau n’a rien fait pour calmer les craintes et les soupçons du public, des partis d’opposition en Chambre, des gestionnaires d’aéroports et des responsables d’associations de consommateurs, de transporteurs et d’aéroports. Le gouvernement a même commandé à la firme Crédit Suisse, en septembre dernier, une étude visant à analyser les avantages et les inconvénients de privatiser les 26 grands aéroports du pays.
Finalement, le ministre des Transports, Marc Garneau, a en main depuis février 2016 un rapport sur la modernisation de la Loi sur les transports dans lequel il est suggéré au gouvernement d’étudier l’idée de privatiser les aéroports du Canada.  Il y est recommandé ‘la transition, d’ici trois ans, vers une structure à capital-actions pour les aéroports importants, avec un financement par capitaux propres d’investisseurs de grands établissements’.
Le mois dernier, l’Institut C.D. Howe, en se fondant sur les expériences néo-zélandaise, australienne et européennes au cours des dernières années, a affirmé dans une étude que la privatisation de ces actifs pourrait rapporter au trésor fédéral de sept à seize milliards de dollars.
Une telle somme permettrait au gouvernement fédéral de financer les opérations de la nouvelle Banque de l’infrastructure que veut lancer le ministre des Finances d’ici la fin de l’année mais surtout de renflouer, en partie, des finances publiques qu’il a mises à mal dès son élection, après des années de rigueur budgétaire du gouvernement Conservateur de Stephen Harper, par des dépenses décidées sur des considérations électoralistes dont l’allocation canadienne aux enfants.
Le gouvernement de Justin Trudeau a trouvé dans la vente des aéroports canadiens, une solution facile pour éponger une partie de sa folie dépensière dont encore aucun montant n’a encore été dévolu à son fameux programme d’infrastructures.
En termes crus, le présent gouvernement ‘vend le mobilier de la famille pour régler les factures d’épiceries’.
Mais la privatisation est loin d’être la panacée surtout s’il ‘agit de vendre des infrastructures de transport, à des intérêts commerciaux privés.
Des aéroports peuvent appartenir à des états, des villes, des entreprises publiques à but non-lucratif ou même à des chambres de commerce. La chose devient toute différente quand il s’agit d’entreprises privées à but lucratif. Le rendement sur l’investissement devient alors l’objectif numéro pour ne pas dire l’unique objectif et non plus le bien public.
Mais les aéroports tout comme les ports, les routes, les transports en commun urbains sont d’utilité publique.
Les aéroports sont des pôles de développement économique et non pas des pompes à argent pour l’état ou pire, pour des entrepreneurs privés.
Les aéroports sont des outils de développement économique majeurs. Cela n’est pas pour rien si des aéroports européens offrent des ponts d’or au transporteur aérien à rabais Ryanair afin de les desservir.
Des aéroports accessibles et abordables financièrement pour ses utilisateurs ne stimulent pas seulement le tourisme mais aussi les déplacements d’affaires. Ils facilitent le déplacement d’étudiants et de stagiaires et encouragent la tenue de congrès, séminaires, symposiums et salons à proximité.
Il n’y qu’à voir la privatisation de services dans les aéroports qui ont mené à des augmentations substantielles de tarifs. L’exemple de la hausse vertigineuse du coût du stationnement à l’aéroport Montréal-Trudeau depuis qu’il est dans les mains de la française Vinci en est une preuve patente.
D’ailleurs, les aéroports deviennent malheureusement de plus en plus souvent des centres commerciaux agrémentés de très nombreux comptoirs alimentaires et restaurants afin de vider le plus possible les poches des passagers. Dans bien des aérogares, la connexion WiFi et même les chariots à bagages sont payants.
D’ailleurs, un gestionnaire privé d’aéroport avaient déclaré récemment que son but était que chaque passager laisse en moyenne 50 dollars dans l’aéroport…..quel beau programme.
Il ne faut pas se faire d’illusions et les Libéraux prennent les gens pour des imbéciles : la privatisation des aéroports se traduira par une hausse significative des tarifs qui sera assumée exclusivement par l’utilisateur et par personne d’autre au détriment de l’intérêt general.
Le gouvernement fédéral peut céder ses 26 aéroports aux provinces, aux villes ou à des chambres de commerce qui en feront des outils de développement économiques.
Les vendre à des entreprises privées ne fera que gonfler les dividendes des actionnaires des nouveaux propriétaires, des entreprises commerciales souvent cotées en bourse.
Que le gouvernement Trudeau se souvienne que même si 60% des passagers à Montréal-Trudeau sont des voyageurs d’affaires, l’essentiel des autres 40% est issus de la ‘classe moyenne’ pour qui le Premier ministre et ses ministres nous serinent qu’ils souhaitent son bien.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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