La suspension du programme Lear 85 et les inquiétudes au sujet des liquidités de la compagnie ont fait plonger l’action de Bombardier à la bourse de Toronto de plus de 35%. Plusieurs questions reviennent constamment : Quels seront les prochaines mauvaises nouvelles? Faut-il s’inquiéter pour la survie même de Bombardier? Faut-il écouter les journalistes et les analystes qui ressortent l’épouvantail d’une prise de participation chinoise en affirmant que c’est maintenant la seule alternative de Bombardier?
Faillite en vue?
Nombreux sont ceux qui craignent que d’autres mauvaises nouvelles soient annoncées lors de la publication des résultats du quatrième trimestre de 2014, le 12 février prochain. L’histoire, qui n’est jamais garante du futur, peut nous donner des indices de ce qui pourrait se produire. Dans le passé, Bombardier a toujours annoncé ses mauvaises nouvelles avant la publication de ses résultats financiers. Ce fut le cas pour sa récente réorganisation, annoncée le 23 juillet dernier et qui a été suivie par la publication des résultats du deuxième trimestre, le 31 juillet. Il est arrivé fréquemment que les résultats financiers qui ont été précédés de mauvaises nouvelles soient moins décevants que ce qui était anticipé par les analystes. Ce scénario pourrait fort bien se reproduire le 12 février et cet événement pourrait même être précédé d’une bonne nouvelle : le premier vol du FTV5, le premier CSeries qui comportera un intérieur complet. L’avion est prêt et ce premier vol est imminent.
Pour ce qui est de ses liquidités, la direction de Bombardier affirme que, le 31 décembre dernier, elle disposait de sources de financement disponibles à court terme totalisant 3,8 milliards. Les prêteurs exigent toutefois que la compagnie conserve en tout temps un coussin de plus d’un milliard de dollars. Concrètement, l’analyste Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, estime que Bombardier dispose de 2,6 milliards pour compléter la mise au point du CSeries et poursuivre le développement des avions d’affaires Global 7000 et 8000. Si tout se passe bien, la compagnie pourrait même disposer d’un petit coussin de 800 millions.
Plusieurs personnes se demandent néanmoins si Bombardier pourrait faire faillite. Pour ceux qui suivent l’actualité économique, cette suggestion est tout simplement invraisemblable. Une compagnie dont les revenus ont atteint 18,2 milliards de dollars américains l’an dernier et qui a réalisé un profit net de 572 millions ne fait pas faillite même si ses investisseurs sont très insatisfaits du niveau de profits. Habituellement, dans ces cas-là , les actionnaires se révoltent et changent la direction de la compagnie. Parfois un grand fond d’investissement de type vautour lance une offre d’achat hostile qui a pour but de réorganiser la compagnie et souvent de la démanteler. Sans la présence d’un actionnaire principal à la main de fer, la famille Bombardier-Beaudoin qui exerce un contrôle absolu sur la compagnie au moyen de ses actions à 10 droits de votes chacune, ce scénario se serait déjà concrétisé depuis longtemps dans le cas de Bombardier.
Par ailleurs, tous les éléments de la dernière annonce n’étaient pas noirs. Bombardier pourra accroître le nombre d’ingénieurs et de techniciens assignés au développement du CSeries et des Global 7000 et 8000 sans augmenter ses coûts. En effet 1600 personnes travaillaient à la mise au point du Lear 85 à Wichita et à Querétaro. Un millier d’entre eux sont en voie d’être mis à pied, mais 600 autres seront transférés aux deux programmes restants, sans avoir à déménager à Montréal. Ils travailleront à partir de leurs bureaux actuels. Au besoin, ils effectueront de courts séjours dans la métropole. Bombardier a une grande expérience de ce genre de fonctionnement qui s’avère efficace et économique.
Un nouveau président pour Bombardier?
Le CSeries a maintenant accumulé 800 heures de vol et Pierre Beaudoin maintient que les premières livraisons pourront être effectuées au cours de la deuxième moitié de l’année. Le processus de certification progresse à un bon rythme, mais il reste peu de marge de manœuvre en cas d’imprévu. L’histoire nous rappelle les nombreux risques associés à ce processus. Deux exemples récents viennent à l’esprit. Le cas du Gulfstream 650 qui s’est écrasé en avril 2011 lors d’un de ses derniers vols d’essais, causant la mort de son équipage, et celui du Sukhoi Superjet 100 qui s’est écrasé à Reykjavik en Islande lors d’un essai d’atterrissage automatique, en juillet 2013.
En cas d’imprévu grave qui empêcherait le début des livraisons en 2015, Bombardier devra trouver des liquidités additionnelles. La compagnie ne peut plus émettre de nouvelles actions. Au prix actuel, pour lever un milliard de dollars, il faudrait émettre quelque 350 millions d’actions, ce qui entraînerait un effet de dilution important qui ferait chuter encore plus le prix de l’action. Aucun investisseur ne souhaite un tel scénario. Vendre une participation aux Chinois, comme on l’entend trop souvent, aurait le même effet. Emprunter demeure une possibilité mais les prêteurs vont exiger un taux d’intérêt très élevé et ils pourraient également exiger un changement de direction.
Si la compagnie Bombardier a le dos au mur, son président, Pierre Beaudoin, a la tête sur le billot. La chute récente du prix de l’action constitue un important vote de blâme à l’endroit de la direction de Pierre Beaudoin. S’il n’arrive pas à redresser la situation financière de la compagnie d’ici la fin de l’année, les prêteurs et les membres du groupe familial qu’il représente exigeront probablement son remplacement.
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
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