En bordure des pistes de l’aéroport de Bordeaux Mérignac, le bâtiment 2 de l’usine Dassault Aviation a vu passer au fil des ans la fabrication de plusieurs générations de chasseurs, depuis les Ouragan au début des années cinquante jusqu’aux Mirage 2000. La place est à présent exclusivement occupée par les Rafale. Onze avions sont construits chaque année pour satisfaire les seuls besoins français. Le cycle global de montage général est de six à sept mois et ne mobilise au final qu’un peu moins de 80 personnes, soit une toute petite minorité pour un site où les 1400 salariés sont avant tout tournés vers l’activité Falcon. Peu de monde donc, ce qui s’explique par les faibles cadences mais aussi l’organisation industrielle :
Mérignac, en banlieue de Bordeaux dans le sud-ouest de la France, n’accueille en fait que le montage général du Rafale, les essais sol et les essais vol en préalable à la remise de l’avion aux services de l’état. Tous les sous-ensembles proviennent des autres établissements de la maison Dassault, de ses sous-traitants et des partenaires du programme. Le fuselage est assemblé et aménagé à Argenteuil. Martignas, à proximité de Mérignac, se charge des voilures. Poitiers a la responsabilité plans canard et des pièces transparentes. Biarritz livre la dérive et les capots moteurs. Enfin, Seclin a la responsabilité des pièces mécaniques et Argonay des commandes de vol.
Une fois ces pièces rassemblées à Mérignac, deux semaines à peine de travail sont nécessaires pour le montage proprement dit de l’avion : les demi voilures sont éclissées (encastrées en position médiane sur le fuselage). Les circuits électriques, hydrauliques, carburant sont raccordés. En parallèle, des compagnons montent le radar installent l’avionique, les moteurs ou s’occupent de la dérive. Quinze jours après l’arrivée des pièces élémentaires, les essais sol peuvent commencer ! Cette phase, qui fait largement appel aux capacité d’auto test de la maintenance intégrée, est répartie en trois phases.
La première, qui ne dure qu’une semaine, porte sur le SNA (Système de Navigation et d’Armement). La deuxième partie concerne la génération hydraulique et la troisième les essais systèmes sur la cellule équipée. Tout au long de ces phases, l’avion est progressivement « fermé ». L’appareil est déplacé et quitte son hangar de montage pour certains travaux spécifiques tels que la mise en peinture et les points fixes.
L’avion étant peint, trois dernières visites sont lancées : la première, du département qualité dure deux jours. L’appareil est inspecté sous toutes les coutures pour s’assurer qu’il est apte au vol. Puis vient la visite contractuelle avec les services officiels et enfin, clôturant l’ensemble du processus, la visite de sécurité avec un inspecteur mécanicien qui va une fois de plus passer l’avion au peigne fin pendant trois jours avant de déclarer l’avion apte au vol. La phase des essais en vol commence par un « rouleur », avec une accélération-arrêt, afin de valider le démarrage de l’avion en autonome, sa dirigeabilité et le freinage dynamique. Viennent ensuite deux vols de mise au point avec le pilote Dassault, le premier consacré au domaine de vol de l’avion et le second à l’utilisation des capteurs. Après cette étape, l’avion est de nouveau ouvert et ausculté de toutes parts et confié à la DGA (Direction Général pour l’Armement) qui va prendre un mois pour réceptionner l’avion, ses propres pilotes réalisant à leur tour deux missions : la première pour vérifier le domaine de vol et l’autre pour le fonctionnement du SNA.
L’assemblage de l’avion et sa préparation au sol et en vol forme donc un ensemble bien rodé et Yves Robins, qui porte les intérêts du Rafale au Canada, le réaffirme sans détour : l’avionneur français est ouvert à toutes les demandes en matière d’exportation de ce savoir-faire et de cette charge de travail. « Nous ne sommes pas encore en phase d’appel d’offre, mais nous avons fait un premier un tour de piste sommaire de l’industrie canadienne explique Yves Robins. Il en resssort que le Canada et les entreprises canadiennes, du Quebec ou des autres provinces, ont le savoir-faire et l’outil industriel pour assembler le Rafale. Il serait également tout à fait possible de délocaliser au Canada une partie de la supply chain ». Dans ce cas là , ce serait au Canada de déterminer leur niveau d’implication dans la fabrication du Rafale. Car si toutes les options sont ouvertes selon Dassault, toutes ne présentent pas le même coût et un équilibre devrait être trouvé entre recherche d’autonomie, plan de charge industriel souhaité et intérêt économique réel. « Tout transfert à un coût rappelle Yves Robins, même si un volume de 65 avions permet bien des scénarios ». La fabrication transverses de certains éléments, pour l’ensemble des productions Rafale, fait également partie des hypothèses envisageables. « Nous ne mettons aucune restriction sur le transfert industriel et technologique » insiste bien Yves Robins. « Notre objectif est bien de donner une autonomie totale au Canada pour accompagner l’avion tout au long de sa vie opérationnelle, accéder à la totalité de ses équipements, adapter les armements qu’ils souhaiteront et même définir seuls ou avec l’armée de l’Air française ce que pourrait être une modernisation à mi-vie ».
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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