MIRABEL – Nombre de mots : 811  – Temps de lecture : 4 minutes.  En ce jeudi après-midi, au surlendemain de l’annonce par Washington de l’imposition de droits compensatoires sur les 75 CSeries achetés par le transporteur aérien américain Delta Air Lines, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, se rendit rencontrer les employés de chaîne d’assemblage du CSeries, aux installations de Bombardier Aéronautique, à Mirabel, à une cinquantaine kilomètres au nord de Montréal. Flanqué de deux des membres de son cabinet, Dominique Anglade, Ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation et Ministre responsable de la Stratégie numérique ainsi que de Christine St-Pierre, Ministre des Relations internationales et de la Francophonie, Ministre responsable de la région des Laurentides, le premier ministre souhaitait signifier son soutien total aux employés.
Rappelons que mardi soir vers 18h30, fut diffusée la décision de l’US Department of Commerce d’imposer suite à la requête d’enquête du géant aérospatial américain Boeing, de droits compensatoires préliminaires d’environ 220% sur les monocouloirs de 100 à 130 places de la gamme CSeries de Bombardier vendus au transporteur d’Atlanta, en Georgie.
Dès mercredi matin, dans le hall de l’édifice Honoré-Mercier, à l’Assemblée nationale à Québec, Philippe Couillard lança la charge contre Boeing : ‘Le Québec a été frappé de façon injuste et arrogante… Le Québec a été attaqué, le Québec va résister, le Québec va se rassembler. On va tous défendre ensemble nos travailleurs’. Sur sa lancée, il ajouta que ‘Boeing a peut-être gagné une bataille, mais croyez-moi, la guerre est loin d’être finie’.
La phrase la plus frappante, répété en boucle depuis sera ‘Pas un boulon, pas une pièce, pas un avion venant de Boeing vendu au Canada tant que ce conflit n’est pas réglé de façon juste’ visant l’intention du gouvernement fédéral canadien d’acquérir dix-huit Boeing F-18E/F Super Hornet pour l’Aviation royale canadienne.
Dans un élan digne des orateurs populistes, Philippe Couillard affirma qu’en cas d’achat de F-18E/F par Ottawa, ‘je serais furieux, le Québec serait furieux, le Québec tout entier serait furieux’. Il conclut en insinuant que ‘Boeing est une entreprise qui a été ‘nourrie par des décennies de soutien gouvernemental qui a décidé d’éliminer un concurrent qui fait un meilleur produit’.
Du côté d’Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau, dans un français approximatif, signifia mercredi, que son gouvernement était déçu et que néanmoins ‘On va se battre pour les emplois canadiens’ et ‘On va se tenir debout devant les actions irresponsables des gens de Boeing et les Américains’.
En ce jeudi après-midi devant des centaines d’employés de Bombardier réunis par la direction, Philippe Couillard sur une estrade, est venu les encourager en répétant son nouveau slogan ‘pas un boulon, pas une pièce, pas un avion (de chasse Super Hornet) de Boeing’. Du même coup, il les encouragea à ‘continuer à fabriquer le meilleur avion au monde dans sa catégorie’
En mêlée de presse, face à une horde de journalistes, monsieur Couillard a été interrogé sur les propos de son homologue manitobain, Brian Pallister ainsi que de ceux du maire de Winnipeg, Brian Bowman, où se trouve une usine de Boeing comptant deux milles employés, qui ont trouvé exagérés les propos du premier ministre du Québec. Il rétorqua en affirmant que ‘Ma réaction, c’était le minimum… Qu’ils s’occupent de leurs affaires, moi je vais m’occuper du Québec’.
Le premier ministre du Québec, chirurgien de formation, ne se gêna pas pour ajouter ‘Je ne me retiendrai pas pantoute quant à la possibilité que la position du Québec dans ce dossier puisse éroder les relations avec d’autres provinces. Je vais continuer’.
Inspiré certainement par les lieux, Philippe Couillard alla encore plus loin ‘Est-ce que j’aurais dû me taire ? Est-ce qu’il aurait fallu que je laisse l’arrogance gagner ? C’est totalement inacceptable ce qui est en train d’arriver. Ce n’est pas uniquement une attaque contre un avion, mais contre toute une industrie, c’est une attaque contre une province, une attaque contre un pays’. ‘Tout le système d’innovation est en jeu au Canada’ surenchérit-il.
Le premier ministre ne se gêna pas pour répéter en anglais, souhaitant certainement être entendu à Washington et au-delà  : ‘ It is an unacceptable attack against an industry, a province, a country’ ajoutant ‘We shall prevail’.
Monsieur Couillard qualifiera enfin le comportement des Américains d’’arrogant et inacceptable’. La table était mise.
Rappelons qu’en 2016, l’avionneur de Chicago se procura au Canada pour 2,1 milliards de dollars en biens et services auprès aussi bien de PME que d’entreprises d’envergure comme HerouxDevtek, CAE et L-3 MAS.
D’ailleurs, dans une lettre envoyée au premier ministre du Canada mais rendue publique par le quotidien de Toronto, The Globe and Mail, dix présidents de firmes aérospatiales canadiennes dont HerouxDevtek, CAE, L-3 MAS, GE Canada, se portaient à la défense du programme de chasseurs bombardiers Boeing F-18E/F Super Hornet.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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