MONTRÉAL – En entretien avec un journaliste du magazine spécialisé britannique Flightglobal, Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a reconnu que son tout nouveau jet d’affaires à cabine large et long rayon d’action accuse déjà deux ans de retard. Ainsi le biréacté n’effectuera son vol inaugural qu’en 2017 pour une entrée en service prévue en 2020.
D’ailleurs, le nouvel échéancier ne devrait pas être rendu public avant plusieurs semaines.
Chuchoté et attendu depuis le lancement des études par Dassault en 2006, ce nouveau Falcon, le 5X, fut désigné jusqu’alors le SMS pour Super Mid Size, un marché porteur avant la crise financière d’octobre 2008. Il devait entrer dans le marché alors bouillonnant des Challenger 300 remplacés depuis par le Challenger 350, Gulfstream G250, maintenant G280 et Legacy 600. Mais le marché ayant bien changé depuis 2008, le gabarit de ce nouveau Falcon changea aussi.
En grande pompe, au stand du statique de Dassault Falcon à l’Henderson Executive Airport au Salon de la NBAA d’octobre 2013 tenue à Las Vegas, au Nevada, la grande messe annuelle de l’aviation d’affaires, fut dévoilé la maquette grandeur nature de la cabine du Falcon 5X. Ce biréacté totalement nouveau arborant une cabine un peu plus courte mais plus large que celle du G650, la référence sur le marché, pourra franchir 5200NM à mach 0.80 ou 4750NM à mach 0.85. Étaient de la fête, en plus de ma personne, Éric Trappier, président de Dassault Aviation, John Rosanvallon, président de Falcon Jet et Olivier Villas, vice-président sénior des avions civils chez Dassault Aviation ainsi que Serge et Olivier Dassault et Charles Edelstenne, président sortant de Dassault Aviation.
Au prix promotionnel de 45 millions de dollars américains pour les trente premiers acheteurs, le Falcon 5X est un bizjet de gros gabarit dont la cabine est plus haute et plus large que celles de tous les autres avions d’affaires y compris le Gulfstream G650.
Ce dernier-né de la famille Falcon visait alors non seulement le marché du Gulfstream G450 capable de franchir 4200NM mais aussi celui du Bombardier Global 5000 qui peut parcourir 5400NM au prix d’une consommation en carburant élevée.
Le Falcon 5X représente le premier Falcon totalement nouveau depuis le 7X mis en service en 2007 en arborant un fuselage, des ailes et un moteur entièrement nouveaux.
Pour la première fois, le constructeur de Mérignac délaissa les motoristes américains qui ont toujours propulsés ses jets d’affaires, Honeywell et Pratt & Whitney Canada en optant pour un moteur sur papier, le Snecma Silvercrest de la française Safran.
D’une masse maximale au décollage de 69600 livres, le 5X sera propulsé par deux turbosoufflantes Snecam Silvercrest de 11450 livres de poussée.
Mais maintenant, c’est là où le bas blesse pour le constructeur de Mérignac qui est reconnu pour sa discipline en terme de développement de produits et de respect des calendriers.
La Snecma, division de Safran, bien que reconnue sur les marchés militaires en motorisant tous le Mirage ainsi que le Rafale de Dassault Aviation et sur le marché des avions de ligne grâce au CFM56 et LEAP, développés 50/50 avec l’américain General Electric, était absent du marché des business jets. Pour briser l’oligopole anglo-saxon détenu sur ce marché par Rolls-Royce, Pratt & Whitney Canada, General Electric et Honeywell, la française a lancé en octobre 2006 au Salon de la NBAA à Orlando, en Floride, la turbosoufflante Silvercrest.
Désormais, Safran vise une certification du Silvercrest au premier semestre 2018.
Au moment du lancement du Falcon 5X qui représente aux dires d’Éric Trappier ‘le plus important investissement des programmes Falcon à ce jour’, le vol inaugural de l’appareil était prévu au premier trimestre 2015. Un an plus tard, la date avait déjà glissé au deuxième trimestre de 2015. Finalement à la sortie d’usine de l’avion, en juin dernier, Dassault espérait encore un vol à la fin de l’été 2015, chose qui ne se réalisa malheureusement pas.
L’avionneur de Wichita, Cessna Aircraft, a aussi décidé de délaisser le Silvercrest pour la propulsion de son nouveau jet d’affaires biréacté SuperMidSize, Citation Longitude (Model 800) au profit du Honeywell HTF7000.
Dassault pourrait faire de même et se tourner vers le PW800 ou le GE Passport mais Éric Trappier aurait déclaré conserver le Silvercrest pour propulser son dernier-né.
Il est à espérer que le choix du Silvercrest ne fut pas basé sur des conditions nationalistes comme ce fut le cas de l’avion de transport militaire tactique Airbus A400M où fut rejetée une offre de Pratt & Whitney Canada au profit d’une turbine européenne encore à l’étape du dessin au moment de sa sélection, le Europrop International TP-400-D6, fruit de la collaboration de la britannique Rolls-Royce, l’allemande MTU, l’espagnole ITP et de la française Safran.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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