Du 6 au 10 octobre 2014, Novespace a organisé pour le compte du CNES, la 112ème campagne de vols paraboliques de l’A300 ZERO-G.
AÉROPORT DE BORDEAUX-MÉRIGNAC- L’émotion était palpable la semaine dernière, à Novespace, sur l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. S’il s’agissait de la 112ème campagne de vols paraboliques, la 34ème à bord de l’A300 ZERO-G, on décollait aussi pour la dernière fois à bord de cet Airbus, après 17 ans de « carrière Novespace » et près de 13 000 paraboles !
En avril 2015, un A310 ZERO-G lui succèdera.
Novespace, filiale du CNES, l’agence spatiale française, créée en 1986, exploite l’A300 ZERO-G dont elle est propriétaire, au profit de clients du monde entier tels que l’ESA et le DLR (agence spatiale allemande), pour des activités d’essais et de recherche.
Les vols paraboliques permettent un large éventail d’expérimentations scientifiques et d’essais technologiques, de façon plus accessible, plus pratique et moins onéreuse que les autres moyens d’accès à l’apesanteur.
Le vol Zéro Gravité
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Le vol Zéro-G, ou vol Zéro Gravité, consiste à reproduire de courtes périodes d’apesanteur à bord d’un avion qui répète plusieurs fois une manœuvre aérienne particulière, à savoir une parabole. Ce vol se déroule bien évidemment non pas dans le milieu spatial, mais dans l’espace aérien.
« Pour qu’un objet soit en état d’apesanteur (ou impesanteur) au voisinage de la Terre, il doit être en chute libre, c’est-à -dire soumis uniquement à une force, celle de l’attraction terrestre », explique Jean-François Clervoy, Astronaute, Président de Novespace et initiateur des vols paraboliques en Europe.
Le principe du vol parabolique en avion est de faire comme si celui-ci était un projectile lancé vers le ciel à une vitesse initiale. Il faut donc d’abord l’accélérer pour lui communiquer une vitesse maximale et lui faire suivre une trajectoire ascendante.
On supprime alors les autres forces auxquelles il est soumis habituellement en vol (portance, trainée, poussée) pour qu’il ne soit plus livré qu’à la seule force de gravitation (poids). Il est alors en chute libre sur sa trajectoire parabolique.
L’appareil et ses occupants sont ainsi en apesanteur pendant une vingtaine de secondes.
Avant la manÅ“uvre parabolique, l’avion est en vol horizontal à une altitude de 20 000 ft (6 000 m). L’équipage le prépare à la parabole en augmentant progressivement sa vitesse jusqu’à environ 810 km/h, vitesse maximale autorisée pour ce type d’appareil.
Puis l’appareil est cabré Au cours de cette phase dite de « ressource d’entrée en parabole », apparait une force centrifuge qui plaque les passagers au plancher de la cabine. Il règne un état d’hypergravité (ou hyperpesanteur) et les passagers sont soumis à une force de 1,8 g (ils pèsent 1,8 fois leur poids terrestre). Pendant ce temps, l’avion gagne de l’altitude alors que sa vitesse diminue. Cette phase d’hypergravité dure environ vingt secondes.
Une fois atteinte l’assiette de 47° (angle variable selon le type d’avion), le régime des moteurs est réduit et le pilote relâche son effort sur le manche. Ce moment est appelé « injection », l’avion entre en phase parabolique, et donc en apesanteur.
« La transition entre l’excès de pesanteur et la disparition totale de sensation de poids, reste pour moi un moment magique, incompréhensible par le corps », confie Jean-François Clervoy.
En début de phase d’apesanteur, l’avion continue à monter jusqu’à atteindre une altitude de 28 000 ft (8 500 m), puis il redescend.
A bord de l’A300 ZERO-G, la parabole ou phase d’apesanteur dure 22 secondes, pendant lesquelles les passagers flottent dans la cabine de l’avion !
Lorsque l’avion atteint une assiette à piquer de 42°, à une altitude d’environ 25 000 ft (7 600 m), le pilote tire de nouveau progressivement sur le manche de façon à sortir de la parabole et retrouver le niveau de vol initial.
Durant cette phase appelée « ressource de sortie », une hypergravité d’1,8 g s’instaure de nouveau, pendant vingt secondes. Puis, l’avion retrouve un vol en palier pendant environ deux minutes avant d’entamer la parabole suivante.
A bord de l’A300 ZERO-G et pendant les 3h30 de vol, 31 paraboles sont exécutées, séparées par des périodes de vol en palier d’une à trois minutes.
Lors de ces manœuvres, le pilotage de l’avion s’effectue à trois. Un pilote contrôle le tangage, le second le roulis et le troisième, la poussée des moteurs. A bord de l’A300 ZERO-G, Stephane Pichené, Jean-Claude Bordenave, Eric Delesalle, Loïc Bernard et Hervé Poulin se relaient aux commandes.
Les paraboles sont réalisées dans des zones spécifiques. En France, deux grandes zones aériennes sont dédiées aux essais en vol ; le trafic y est peu dense et les avions sont suivis par un contrôleur aérien de la DGA. La première est située au-dessus de l’Atlantique, au sud de la Bretagne et la seconde, au-dessus de la Méditerranée. En fonction de la météo, l’équipage va opter pour l’une ou l’autre.
Quarante passagers peuvent prendre place dans l’A300 qui dispose de 49 sièges répartis à l’avant et à l’arrière de la cabine.
Il s’agit en effet de la principale spécificité de l’avion ZERO-G. Un segment de cabine est dégagé de tout aménagement (sièges, coffres à bagages, toilette, galleys…) afin d’accueillir une zone d’expérimentation pour l’installation des expériences scientifiques, dite aussi zone de « free-floating » dédiée à l’évolution libre et ludique des passagers.
Au niveau de l’instrumentation, un accéléromètre a été ajouté. Sinon, aucune modification concernant la structure du fuselage, des ailes ou encore des gouvernes. En effet, lors des manœuvres paraboliques, les contraintes physiques exercées sur l’appareil restent inférieures aux valeurs maximales tolérées.
Sur le plan médical, le vol parabolique ne présente aucun danger particulier. Novespace demande toutefois aux candidats d’effectuer un examen médical et un électrocardiogramme. Ce vol reste susceptible de provoquer un mal des transports. Il est donc conseillé de respecter certaines recommandations comme la prise d’un repas léger la veille, d’un petit déjeuner normal le matin du vol, et avant l’embarquement, une injection de Scopolamine est proposée par le médecin de Novespace. Et en principe… tout se déroule merveilleusement bien !
Les expériences scientifiques
« Novespace réalise cinq à six campagnes de vols scientifiques par an. Chacune d’entre elles demande environ six mois de préparation et son coût avoisine les 1,3 M€ (préparation + vol) », précise Sébastien Roquette, Chef de projet Vols paraboliques -CNES.
Au cours de cette dernière campagne de vols avec l’A300 ZERO-G, le CNES a sélectionné douze expériences scientifiques (dont deux réalisées par des étudiants) pour participer aux trois vols de 31 paraboles, comme : le fonctionnement d’une horloge atomique en environnement 0 g, les caractéristiques de la mobilité en apesanteur, l’évaluation de l’anxiété en situation de microgravité de courte durée, l’influence de la gravité sur le taux d’évaporation d’une goutte d’eau, les interactions auditives et vestibulaires pour la perception du corps propre et du sentiment de soi,…
Les avions ZERO-G
De nombreux avions sont utilisés depuis les années 50 pour la recherche en apesanteur. Durant leur vol, ils effectuent à plusieurs reprises la manœuvre parabolique restituant une durée d’apesanteur de 10 à 30 secondes selon le type d’appareil.
Novespace a organisé plus d’une centaine de campagnes de vols paraboliques depuis sa création, successivement à bord du KC-135 de la NASA, de la Caravelle ZERO-G (jusqu’en 1995 après plus de quarante campagnes de vols), de l’A300 ZERO-G, puis dès l’an prochain de l’A310 ZERO-G.
Mais en France, les vols paraboliques ont débuté en 1946 à bord d’un Martinet NC-702, un bimoteur à hélices. Un Fouga Magister sera également utilisé.
Ailleurs en Europe, d’autres recherches en microgravité sont effectuées, mais de façon plus « modestes ». Aux Pays-Bas, le laboratoire national d’aéronautique utilise un Cessna Citation, bimoteur d’affaires pouvant embarquer jusqu’à huit observateurs. Et en Belgique, c’est avec deux Fouga Magister de la Force aérienne belge que l’on réalise quelques expériences.
C’est aux Etats-Unis qu’a véritablement commencé la recherche en microgravité et la Nasa débutera en 1959 un programme exploitant successivement des Convair, un Douglas C-47, puis le célèbre KC-135. A partir de 2008, la Nasa sous-traite ce programme à la société ZeroG Corporation qui utilise deux Boeing 727.
Bien sûr, en URSS et en Russie, dès les années 50, on se familiarise aussi avec l’état d’apesanteur via la pratique de vols paraboliques…
L’accès à ce type de vols était jusqu’alors réservé aux scientifiques et aux astronautes pour leur entrainement. Mais depuis quelques années le « grand » public a la possibilité de prendre place à bord et découvrir ces sensations exceptionnelles, uniques et magiques !
Des souvenirs inoubliables, une expérience fantastique, exaltante, fascinante… tels sont les mots et les sentiments qui surgissent au retour sur terre.
Actuellement, quatre opérateurs à travers le monde proposent cela : Novespace en France, ZeroG Corporation et Aurora Aerospace aux Etats-Unis, ainsi que le Gagarin Cosmonaut Training center en Russie.
Cette expérience a certes un coût, variable selon les opérateurs et la prestation. Avec Novespace, pour environ 3h30 de vol et 31 paraboles, soit un peu plus de 11 minutesd’apesanteur cumulée, il faudra compter 6 000 €.
Le prix du rêve… !
Un livre référence : « Voler en apesanteur » de Frank Lehot, médecin aéronautique et instructeur lors des vols publics de découverte de l’apesanteur (Préface de Jean-François Clervoy), Edition Vuibert.
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Pilote privée avion, diplômée en aéronautique, Magali travaille depuis une quinzaine d’années dans ce secteur, associé à celui de la communication : Guide-conférencier au Musée de l'Air et de l'Espace ; journaliste pour les magazines Air&Cosmos, Volez, Info Pilote, Science&Vie ; chargée
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