Bombardier, s’est engagé dans un combat sans merci contre deux immenses dragons sans pitié : Boeing et Airbus. Le combat est très inégal ; la première passe d’arme vient de se terminer et le preux chevalier montréalais est déjà sérieusement amoché. Des tribunes fusent les critiques.
Les gérants d’estrades de Toronto, et même certains de Montréal, spécialistes en toutes choses, ne se gênent pas pour dénoncer le champion québécois qu’ils acclamaient il n’y a pas si longtemps. Il est très facile de critiquer Bombardier lorsqu’on se contente d’observer le combat à partir d’un siège de spectateur. Il est certain que la direction de Bombardier, Pierre et Laurent Beaudoin en tête, ont commis des erreurs. Mais était-ce aussi facile qu’on nous le laisse entendre de les éviter ? Doit-on exiger leurs têtes, et celles de la famille Bombardier, sur un plateau d’argent ?
La grenouille et le boeuf
La première erreur a peut-être été de développer le C Series. Bombardier a connu un succès phénoménal avec ses avions régionaux. C’est toutefois un marché étroit qui ne se développe plus à la vitesse prévue par les stratèges en aéronautique. L’alternative choisie par Bombardier a été de viser un petit créneau intermédiaire entre les avions régionaux et les avions de ligne monocouloirs comme les Boeing 737 et les Airbus A320. L’avionneur montréalais a donc opté pour des avions de 110 et de 135 places en configuration régulières, les C Series.
Ces avions comportent des rangées de cinq sièges, soit trois d’un côté de l’allée centrale et deux de l’autre. L’utilisation de rangées de 5 sièges permet d’obtenir une cabine plus large et plus haute tout en laissant suffisamment d’espace sous le plancher pour y loger les bagages. Ce sont ces rangées de cinq sièges et le diamètre important du fuselage qui constituent véritablement la première erreur de Bombardier.
Embraer et Mitsubishi se sont attaqués au même créneau, mais en évitant d’utiliser un fuselage large, susceptible de provoquer la colère des géants. Embraer s’est contenté d’allonger ses avions régionaux existants pour créer les E190-E2 et E195-E2. Mitsubishi a créé un avion régional qui utilise la même famille de moteurs que le C Series, mais avec des rangées de quatre sièges seulement. Ces avions n’ont pas soulevé la colère des deux poids lourds de l’aéronautique parce que ces appareils ne pourront jamais être allongés suffisamment pour concurrencer les Boeing 737 et les Airbus A320. Bombardier, par contre, est un expert de l’allongement des avions. Ses avions régionaux ont vu leur capacité passer de 50 à 100 sièges en vingt ans. En concevant un avion haut et large, Bombardier s’est donné la possibilité d’allonger son C Series à plus de 150 places par la suite. Or les avions de cette taille constituent la portion la plus lucrative du marché des monocouloirs de Boeing et d’Airbus.
Bombardier a tenté de voler sous le radar des géants endormis depuis très longtemps sur leurs lauriers. L’idée était de lancer un avion concurrent sans que la chose apparaisse clairement à leurs yeux myopes. John Leahy, le vendeur en chef d’Airbus ne s’y est pas laissé prendre et il s’est empressé d’élever la voix, ce qui a réveillé son collègue Randy Thynset de Boeing. Ces deux-là n’ont pas eu à se voir ou à se consulter, ce genre de collusion aurait pu être déclarée illégale par les tribunaux. Mais rapidement chacun d’eux a compris que Bombardier menaçait la tranquillité de leur duopole.
L’erreur de Bombardier a été de sous-estimer la férocité de ces géants. Il suffit de constater que les ventes de Boeing se chiffraient l’an dernier à 96 milliards de dollars américains, ceux d’Airbus à 64 milliards d’euros (72 G $us) et celles de Bombardier à seulement 18 milliards de dollars américains. La première leçon de cette aventure est qu’un nouveau joueur ne peut pas briser un duopole dont les joueurs sont quatre à cinq fois plus gros. Si le David de la bible a vaincu Goliath, et si dans les jeux vidéo, les preux chevaliers battent les dragons, dans la vraie vie, par contre…
La riposte des géants s’est faite en deux temps. La première étape : le lancement de versions modernisées de leurs vieux avions, une opération peu coûteuse et facile. Au début les géants espéraient également que Bombardier n’arriverait pas à fabriquer un avion exceptionnel. Une fois cet espoir déçu, la deuxième étape a été de couper temporairement le prix de leurs vieux produits à des niveaux insoutenables pour Bombardier.
Le prix officiel du Boeing 737-700 est de 80 millions ; celui du Airbus A-319, de 88 millions et celui du Bombardier CS300, de 71 millions. Des escomptes pouvant aller jusqu’à 50% dans le cas de très grosses commandes sont habituels. Au cours des dernières années, il semble toutefois que les escomptes accordés par Boeing et Airbus ont largement dépassé les 50 %, même pour les petites commandes. Selon des rumeurs ayant circulé sur Wall Street, les 25 Boeing 737-700 vendus à United Airlines au début du mois de mars, l’auraient été pour à peine 22 millions chacun. À ce prix, la plus optimiste des grenouilles ne pouvait que se dégonfler…
Chevalier ou porteur d’eau ?
La question qui se pose maintenant est de savoir si Bombardier peut encore espérer devenir le preux chevalier qui mettra fin à la tyrannie des deux dragons ou s’il doit plutôt se contenter de devenir le porteur d’eau qui les abreuvera. À moins que la rotation de la terre ne s’inverse, il y a tout lieu de craindre que Boeing et Airbus bloqueront la route de Bombardier chaque fois qu’une vente importante se profilera à l’horizon.
La compagnie montréalaise doit donc changer de stratégie pour se concentrer sur l’obtention d’un grand nombre de commandes trop petites pour attirer l’attention des géants. Il faut une dizaine de ces petites commandes par année pour faire tourner l’usine de Mirabel et sauver les 2500 emplois directs qui en dépendent. Ce ne sera pas la gloire et les profits seront minces, mais le C Series survivra pendant une vingtaine d’années.
Très rapidement Bombardier devra également s’interroger sur son avenir à plus long terme. Si la compagnie doit renoncer à devenir le troisième avionneur au monde, doit-elle se limiter à fabriquer des avions régionaux ? Doit-elle se contenter de devenir un sous-traitant d’un des deux géants ? C’est la voie que Mitsubishi a suivi avec profit depuis un demi-siècle.
L’énorme conglomérat Mitsubishi fabriquait le chasseur Zéro durant le second conflit mondial et plusieurs autres appareils. Après la guerre, il est devenu un important fournisseur de pièces pour Boeing. L’entreprise fabrique également sous licence des avions de combat d’origine américaine qui sont vendus exclusivement au gouvernement japonais ainsi que son avion régional MRJ.
Les gérants d’estrades de Toronto estiment que Bombardier devrait plier l’échine et se contenter d’abreuver les dragons. C’est d’ailleurs ce qu’eux-mêmes ont accepté de faire dans le secteur de l’automobile, et dans bien d’autres domaines d’ailleurs. Au cours du dernier siècle, l’Ontario est devenue un important manufacturier et un exportateur d’automobiles, sans en avoir jamais conçu une seule. Faut-il nécessairement que le Québec suive la même voie dans le secteur de l’aérospatial ?
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
Les commandes totales pour les avions de dernière génération (737MAX, A320neo et CSeries) dans le créneau des moins de 150 places totalisent moins de 600 appareils, contre plus de 5000 avions pour ceux de 170 passagers. Si Bombardier a échoué a passer sous le radar en se concentrant sur le CS100 et CS300, aussi bien entrer dans le marché de la classe au dessus et lancer un CS500 ou CS700; sauf qu’on a annoncé l’intention d’éliminer nombre d’emploi justement dans les services de développement de produits. Faudrait peut-être que Bombardier commence par s’aider lui-même, et cela passe entre autre par enlever les incompétents de la place: le CA. Les Beaudoin-Bombardier sont à 100% responsable du gâchis actuel, pour avoir interrompu à 2 (DEUX!) reprises le développement du CSeries et avoir donné le temps à la concurrence de s’emparer des marchés (Embraer pour les 100 passagers, Boeing et Airbus pour les autres).
Quand Airbus a livré son premier A320, il avait à peine 300 avions commandés. Aujourd’hui Bombardier a 288 avec les 45 d’Air Canada. En 2016, il livrera 15 avions, en 2017 35, en 2018 60, en 2019 90 et en 2020 120. À la fin 2019, BBD aura livré 200 avions. Vous voudriez que Bombardier ait 1000 commandes présentement. Vous oubliez que seulement en 2020 il aura une cadence de 10 avions par mois. Présentement Boeing et Airbus ont chacun une cadence de 40 à 45 avions par mois. Boeing a mis 45 ans et Airbus 25 pour se bâtir une tel cadence. Nos journalistes voudraient que Bombardier atteignent une cadence semblable dans les cinq prochaines années. Il est clair qu’ils ne connaissent pas le monde de l’aviation. Pourquoi ne pas laisser la cie prendre son envol tranquillement. La mise en service rassurera le marché et les commandes arriveront tranquillement. Vous n’avez pas spécifiez dans votre texte que le CSeries demeure 10% plus économique et est 25% moins bruyant que les avions remotorisés. Pour transporter entre 120 et 140 passagers, le CSeries est l’avion idéal. Son autonomie est meilleur que prévu. Le marché du 100 à 150 places n’a pas disparu. il a été masqué par Airbus et Boeing car leur A319NEO et 737MAX7 sont peu économiques car c’est respectivement des A320NÉO et 737MAX8 rétréci des avions économiques à 170 passager. Le CSeries a été développé pour être économique avec 130 passagers. Ils ont vendus l’idée en vendant les A320 et 737-8 avec des gros rabais. Ils ont semés l’incertitude que le CSeries soient certifiés et soient performants. Et bien l’avion dépasse les attentes et est certifié. Boeing est présentement dans le trouble car elle a vendu le 787 au début à moitié prix pour garnir son carnet de commande. Elle perd donc de l’argent à chaque fois qu’elle livre un des 700 avions vendu à rabais. Elle pensait se renflouer avec les ventes de 737, mais avec la guerre de prix avec Airbus et Bombardier, elle a vendu beaucoup d’avions 737 à perte. On aurait aimé que United achète 65 CSeries mais Bombardier n’aurait jamais plus livrer les 65 avions d’ici la fin 2018. Airbus et Boeing ont tellement d’avions en commande que les délais de livraison sont de 8 à 9 ans. Bombardier obtiendra des commandes. Il a juste besoin d’un peu de support d’ici les livraisons. On devrait soutenir Bombardier qui a réussi avec des moyens modestes à développer un avion extraordinaire.