MONTRÉAL – Au lendemain du congé de l’Action de Grâce au Canada, de Columbus Day aux États-Unis, les rumeurs reprennent de plus belle au sujet de Bombardier.
Un mauvais arrimage
Il y a deux problèmes difficiles à solutionner en plus du mauvais arrimage des gammes avions commerciaux. Il y a d’abord le manque d’argent. En 2014, la brésilienne Embraer a terminé l’année avec un profit avant impôt sur le revenu et intérêt (RAII) de 543 millions de dollars américains tandis que les revenus ont été à peine supérieurs à ceux de 2013 à 6,235 milliards de dollars américains. C’est un peu mieux que Bombardier Aéronautique qui n’enregistrait que 437 millions de profits, mais cela reste insuffisant pour injecter les quelques milliards nécessaires à la relance du CSeries. Surtout que, depuis le début de l’année, l’avionneur de Sao José dos Campos a vu sa dette s’accroître de 510 millions en raison du développement de ses avions E-Jet E2 et ce n’est pas terminé. L’entrée en service de ceux-ci n’est prévue que pour 2018.
Quant à leurs gammes d’aéronefs, du côté aviation commerciale, les Embraer E-Jet E2, de conception plus récente que les CRJ et propulsés par des Pratt & Whitney Pure Power à l’instar du CSeries pourraient avantageusement remplacer les CRJ-700/900/1000 plutôt vieillissant. Côté aviation d’affaires, bien que les Phenom 100 et Phenom 300 viendraient compléter la famille Learjet en entrée de gamme au-dessous des Learjet 70 et Learjet 75, les choses se compliquent au-delà . Les Embraer Legacy 450 et 500 joueraient sur les platebandes du Challenger 350 et les Legacy 600 et 650, d’une certaine manière sur celles du Challenger 650.
Le deuxième problème que poserait un tel mariage serait la crise politique et économique qui secoue le Brésil. Depuis plusieurs semaines, les analystes s’attendent à voir démissionner la présidente Dilma Rousseff en raison des nombreuses affaires de corruption qui ébranlent son gouvernement. Pour couronner le tout l’OCDE calcule que le pays est entré dans une période de récession qui risque se prolonger encore deux ans. Ajoutez à ce portrait l’annonce par l’agence Standard and Poor’s que la cote de crédit du pays était abaissée à BB+ le 9 septembre dernier. Finalement il y a le dépôt récent par le gouvernement Rousseff d’un budget fortement déficitaire et comportant de nombreuses coupes budgétaires.
En principe, Embraer est une société autonome cotée à la bourse de Sao Paolo. En pratique, tel n’est pas le cas. Le gouvernement, autrefois propriétaire de la compagnie, conserve une action spéciale (Golden Share) qui lui donne un droit de véto sur la plupart des décisions importantes du conseil d’administration. Parmi les choses intouchables, se trouvent la structure de la compagnie, l’emplacement du siège social et le choix du président. Il n’y aura pas de partenariat sans l’accord du gouvernement brésilien. Pire encore, il n’y aura pas de financement possible dans le contexte économique actuel. En d’autres mots, Embraer constitue clairement un mauvais choix pour Bombardier.
Et les autres candidats?
On peut toujours rêver. Si Embraer ne peut faire un bon partenaire, y aurait-il d’autres candidats? Le géant de Seattle Boeing a été mentionné par la presse américaine mais on a déjà cessé d’en parler. Son conseil d’administration semble préoccupé par beaucoup d’autres sujets beaucoup plus importants comme maximiser les profits, continuer le développement du 777X, réaliser sa certification et en assurer la montée en production tout en, entretemps, maintenir celle du 777 et obtenir le contrat du Long Range Strike Bomber (LRS-B) de l’US Air Force en collaboration avec Lockheed Martin face à NorthropGrumman, constructeur du premier bombardier invisible, le B-2 Spirit. L’avenir même du secteur militaire de Boeing pourrait dépendre de ce gigantesque contrat qui vise la fourniture de 80 à 100 appareils au prix unitaire d’au moins 500 millions de dollars.
Si l’on cherche un géant aux poches profondes, il y aurait bien la nipponne Mitsubishi dont l’avion régional MRJ serait véritablement complémentaire du CSeries. Les deux avions utilisent la même famille de moteurs Pure Power de Pratt & Whitney et le MRJ est plus petit que le CSeries. En fait, les deux versions prévues, 78 et 92 places, remplaceraient parfaitement les vieux CRJ de Bombardier. L’avionneur montréalais apporterait à Mitsubishi son expérience au chapitre du service après-ventes ainsi que ses contacts auprès des compagnies aériennes. On pourrait assister à la création d’une excellente co-entreprise offrant une gamme de produits biens assortis et disposant de ressources importantes pour en développer de nouveaux. L’entreprise japonaise, de la taille d’un sumo, pourrait avaler Bombardier Aéronautique et ses dettes, aussi facilement qu’un banal sushi. Mais il faudrait faire attention qu’elle ne l’écrase pas…
Et si Mitsubishi refuse d’avaler le CSeries, quel autre prétendant resterait-il? Peut-être Le russe Sukhoi qui, à lui-même, besoin de beaucoup d’aide pour fabriquer et vendre son Superjet. Toutefois, le Canada pourrait ouvrir un nouveau marché à l’avionneur de Moscou si le pays change de gouvernement le 19 octobre prochain. Il est en effet possible bien que peu probable, que le prochain cabinet fédéral renonce au Lockheed Martin F-35. En échange de son aide à Bombardier, Sukhoi pourrait proposer son T-50 au gouvernement fédéral!!! Mais là , il s’agit d’un rêve qui risque de tourner au cauchemar…
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
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