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Dans un marché de la construction d’hélicoptères civils neufs toujours impacté négativement par des prix du pétrole et des matières premières bas, l’annonce en plein milieu du Singapour Air Show tenu au Changi International Exhibition and Convention Center, de l’acquisition de 16 Bell 412EPI par le gouvernement des Philippines est une bouffé d’air frais pour Bell Helicopter Textron Canada de Mirabel, à 40km au nord de Montréal. La vente serait d’une valeur de 235 millions de dollars américains.
Le biturbine quadripale Bell 412EPI est le plus gros et le plus onéreux des hélicoptères assemblés par la filiale canadienne du géant texan de la voilure tournante.
Mais ce mercredi 7 février 2018, coup de théâtre, la question de ce contrat a rebondi à la Chambre des Communes à Ottawa.
Le ministre du Commerce international du gouvernement Libéral de Justin Trudeau, François-Philippe Champagne a ordonné un nouvel examen par la Corporation commerciale canadienne (CCC) de ce contrat de vente conclu entre Bell Helicopter Textron Canada et le gouvernement des Philippines suite aux propos du major-général Restituto Padilla, chef des plans militaires des Philippines, divulguant qu’en plus des opérations de recherche et de sauvetage, les Bell 412EPI seraient utilisés pour les ‘opérations militaires de sécurité interne’.
Il faut rappeler que le gouvernement de l’archipel du sud-est asiatique dirigé depuis 2016 d’une main de fer par le président Rodrigo Duterte, mène une croisade sans merci contre les narcotrafiquants mais aussi contre des mouvements insurrectionnels islamistes comme Abou Sayyef.
Néanmoins, plusieurs raisons militent en faveur de l’exécution du contrat entre Bell Helicopter et le gouvernement de Manille.
Premièrement : les Bell 412 sont en tout premier lieu des hélicoptères de transport qui, certes, peuvent être équipés de mitrailleuses et de lance-grenades. Mais nous sommes loin des capacités létales des hélicoptères de combat que sont les Bell AH-1Z Viper ou Boeing AH-64E Apache. Le Viper est équipé d’un canon Gatling de 20mm et de 750 obus mais aussi de jusqu’à 76 roquettes ou 16 missiles air-sol AGM-114 Hellfire. Pour sa part, l’Apache arbore un canon de 30mm et de 1200 obus mais aussi des roquettes ou des missiles AGM-114 Hellfire, AIM-92 Stinger ou Rafael Spike.
Deuxièmement : si le Canada n’autorise pas la vente, des concurrents comme Airbus Helicopters, Leonardo Helicopters ou Russian Helicopters se feront certainement un plaisir de combler le vide en offrant des hélicoptères du même gabarit tirés de leur catalogue.
Troisièmement : l’armée de l’air des Philippines dispose déjà d’hélicoptères armés. Elle aligne actuellement 25 MD Helicopters MD 520D Defender équipés de deux mitrailleuses M134 de 7,62mm, de missile BGM-71 TOW et FIM-92 Stinger ainsi que de lance-roquettes.
Rappelons que l’armée de l’air des Philippines dispose de 93 hélicoptères :
43 destinés au transport :
7 Bell 412EP
8 Bell 205 dont deux au standard Huey II
28 Bell UH-1
16 destinés à la recherche et au sauvetage
9 Sikorsky S-76
7 PZL W-3
33 destinés à la reconnaissance armée
25 MD Helicopters MD500 Defender
8 AgustaWestland (maintenant Leonardo Helicopters) AW109
Un destiné au transport de dignitaires ou VIP
1 Sikorsky UH-60 VIP
Les forces aériennes des Philippines ont une longue relation avec Bell Helicopter qui remonte à 1955 alors qu’elles reçurent leur tout premier hélicoptère, un Bell H-13 Sioux, une variante du Bell 47. À la fin des années 1960, elles s’équipèrent de diverses versions du Bell UH-1H puis en1994 de deux premiers Bell 412 et, en 2015, de huit Bell 412EP.
Dans ce contexte, le réveil du gouvernement canadien et sa décision d’ordonner un nouvel examen de la vente des 16 Bell 412EPI au gouvernement Philippin relèvent-ils de l’angélisme ou de l’imbécillité?
Néanmoins, une chose est sure : les seize Bell 412EPI prendront bel et bien le chemin des Philippines. Certes avec peut-être avec un léger retard!
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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