Les appels au gouvernement du Québec et à celui d’Ottawa se sont faits entendre à peine l’annonce, jeudi dernier, des 1000 suppressions d’emplois au sein de Bombardier dans la région de Montréal.
Tout a été avancé, des aides à l’exportation aux crédits d’impôt en passant par l’allègement des obligations de Bombardier envers les fonds de pension de ses employés.
Maladroitement, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard a relativisé les pertes d’emplois chez Bombardier en faisant remarquer que l’emploi chez l’avionneur se retrouvait au niveau d’avant la crise de 2008. Il ajouta par une profession de foi, très optimiste, dans le succès prochain du CSeries qui à ses dires ‘va relancer l’emploi dans cette belle et grande entreprise’.
Pour sa part, le ministre de l’Économie Jacques Daoust a promis un appui pécuniaire à la filière aéronautique, qui ‘se trouve en pleine turbulence avec l’écrasement des marchés russes et chinois par le biais de financement’.
Finalement, le ministre de l’Emploi Sam Hamad s’engagea à un appui aux travailleurs licenciés mais songe néanmoins aussi autoriser Bombardier de diminuer ses versements dans son fonds de pension, déficitaire, sous la forme d’un étalement dans le temps.
Bien que reconnaissant les effets de la crise dans les pays du BRIC, les partis d’opposition en ont fait leur chou gras en dénonçant le manque de politique industrielle du gouvernement et les coupures des crédits d’impôts. Le député du PQ Pierre Karl Péladeau demanda une politique industrielle et le chef de la CAQ, François Legault, un plan de relance du secteur industriel.
Ces diverses propositions aideraient-elle vraiment Bombardier et ses employés ?
L’état doit-il financer des riches russes ou chinois acheteurs d’avions d’affaires à plus de 40 millions de dollars américains l’exemplaire ?
Un allégement des obligations de pensions de retraite de Bombardier ne créerait-il pas encore plus des problèmes à long terme?
Quel effet aurait sur les ventes et l’emploi, l’octroi de crédits d’impôts sans obligations de résultat ?
Toute aide de l’état devrait porter sur l’amélioration de produits existants et le lancement de nouveaux produits avec obligation de résultats en termes d’investissements et d’emplois. Rien de moins.
Celas serait l’occasion pour Bombardier d’investir dans le futur et de rajeunir sa gamme d’aéronefs
Ralentir le développement des Global 7000 et Global 8000 propulsés par le nouveau réacteur GE Passport dont la certification est prévue pour la fin 2015 et qui remplacera le vénérable CF-34 qui a connu un énorme succès commercial (A-10, CRJ, Challenger 600, Embraer E-Series), serait une erreur alors que Gulfstream a amélioré son G650 avec une version à rayon d’action augmenté à 7400NM, le G650ER, qui lui permet de se rapprocher du rayon d’action de 7900NM du Global 8000.
En parallèle, Bombardier devrait moderniser et remotoriser les Global 5000 et Global 6000 avec les réacteurs GE Passport des Global 7000 et Global 8000. Ainsi le Global 5000 pourrait affronter le Dassault Falcon 5X totalement nouveau propulsé par une paire de tout nouveaux Safran Silvercrest de 11450 livres de poussée qui devrait entrer en service en 2016. Un Global 6000 modernisé et remotorisé serait en meilleur posture pour se comparer au Falcon 8X, une version légèrement allongé et remotorisé du 8X et le Gulfstream G600, un avion totalement nouveau propulsé par le PW815GA de Pratt & Whitney Canada certifié en février 2015.
De la même façon, l’avionneur de Saint-Laurent devrait amorcer le remplacement du Challenger 650 dont les origines remontent au Challenger 600 dont le vol inaugural eut lieu en novembre 1978. Faisant déjà face à la compétition du Dassault Falcon 2000LXS, du Gulfstream G280 construit en Israël, de l’Embraer Legacy 650 et même du Gulfstream G450, le Challenger doit maintenant affronter le Cessna Longitude en cours de développement, le premier jet d’affaires à large fuselage du constructeur de Wichita dont l’entrée en service est prévue pour 2017.
Rayon d’action | Prix en millions de dollars américains | Masse maximale au décollage | Entrée en service | |
Bombardier | ||||
Challenger 650 | 4000NM | $32 | 48300lb | 2015 |
Global 5000 | 5520NM | $50 | 92700lb | 2005 |
Global 6000 | 6147NM | $62 | 99700lb | 2006 |
Global 7000 | 7300NM | $72 | 106000lb | 2016 |
Global 8000 | 7900NM | $65 | 104000lb | 2018 |
Cessna | ||||
Longitude | 4000NM | $26 | n.d. | 2017 |
Dassault | ||||
2000LXS | 4075NM | $33 | 43000lb | 2014 |
5X | 5200NM | $40 | 69800lb | 2017 |
7X | 5760NM | $53 | 70200lb | 2007 |
8X | 6450NM | $58 | 73000lb | 2016 |
Embraer | ||||
Legacy 650 | 3540NM | $31 | 53727lb | 2011 |
Gulfstream | ||||
G280 | 3600NM | $24 | 39700lb | 2012 |
G450 | 4350NM | $41 | 74600lb | 2005 |
G500 | 5000NM | $44 | 76850lb | 2018 |
G550 | 6750NM | $61 | 91000lb | 2003 |
G600 | 6200NM | $55 | 91000lb | 2019 |
G650 | 7000NM | $66 | 99600lb | 2012 |
G650ER | 7400NM | $68 | 104000lb | 2014 |
L’avenir nous dira si le CSeries permettra à Bombardier et ses employés de connaître des jours meilleurs. Mais rien n’est assuré. Loin de là contrairement aux propos rassurant du Premier ministre du Québec et du président du Syndicat des Machinistes chez Bombardier, Dave Chartrand.
Quant à une aide gouvernementale, elle devrait être obligatoirement ciblée et impérativement soumise à des obligations de résultat en terme d’investissements et d’emplois.
De cette façon, du côté de l’aviation d’affaires, Québec pourrait octroyer des prêts remboursables à Bombardier pour la refonte des Global 5000 et Global 6000 et au développement d’un remplaçant au Challenger 650.
Coté de l’aviation commerciale, Airbus, actionnaire d’ATR ne souhaitant pas voir cette dernière, en dépit du souhait de la direction du constructeur d’avions de transport régional, développer un 90 à 100 places turbopropulsés, Québec pourrait soutenir Bombardier à saisir la balle au bond pour concevoir et commercialiser un grand frère au Q400.
L’innovation et l’introduction de nouveaux avions sont des conditions incontournables au succès en aéronautique, particulièrement dans le marché de l’aviation d’affaires.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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