Jeudi dernier vers midi, un titre du fil de presse de la BBC attira mon attention : ‘Airbus ‘to sue over US spying’.
Le média britannique reprenait les informations du quotidien allemand Suddeutsche Zeitung selon lesquelles les services de renseignement allemand du BND auraient fourni leur aide à la toute-puissante agence américaine, la National Security Agency (NSA).
Réalisées depuis la station d’écoutes bavaroise de Bad Aibling par le renseignement allemand, des écoutes auraient duré des années et visé des firmes européennes dont notamment EADS (devenu Airbus) et Eurocopter (renommé Airbus Helicopters) ainsi que des hauts fonctionnaires de l’Élysée.
Dès vendredi, confronté à ‘des soupçons raisonnables d’espionnage industriel allégué’, l’avionneur européen Airbus annonçait son intention de déposer plainte au criminel contre X en Allemagne pour ‘soupçons d’espionnage industriel’ et de demander des informations aux autorités fédérales allemandes à Berlin.
De toute évidence, l’espionnage industriel n’est pas une chose nouvelle dans l’industrie aérospatiale et croire le contraire relève de l’innocence ou de la naïveté ou même de la malhonnêteté.
Le Tupolev Tu-144 ne fut pas nommé le Concorski pour rien, sa ressemblance avec le Concorde étant à s’y méprendre.
Des documents fournis par Edward Snowden révélèrent que des hackers certainement à la solde de l’état chinois eurent accès aux ordinateurs de Lockheed Martin et consultèrent des informations sensibles du chasseur de cinquième génération américain F-35 Lightning II. La chose fut reconnue par des responsables du Pentagon en commission sénatoriale.
Les chambres d’hôtels à Paris de hauts dirigeants de Boeing auraient été visitées ainsi que leurs ordinateurs pendant un Salon du Bourget, il y a quelques années.
Souvent durant mes vingt années de journaliste et d’analyste en aérospatiale, je ne me suis senti approché par des gens bien curieux dont je reconnaissais les techniques. Combien de fois, j’ai subi des questions au début très générales portant sur de l’information ouverte mais ensuite plus précises de la part de représentants de sociétés aérospatiales, de consultants ou de ‘journalistes’.
Je suis bien placé pour le savoir puisque ayant été quelques années agents de renseignement au Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS), je sais reconnaître ces techniques d’approche qui faisaient partie du béaba de mon métier d’espion.
Entre autres, je me souviens d’un individu, sac au dos porteur, d’une badge d’un concurrent européen de Bell Helicopter mitrailler avec son appareil photographique, la maquette du Bell 505 Jet Ranger X à sa première présentation publique lors du salon HAI Heli Expo 2014.
La France en matière de ‘renseignement industriel’ a une longueur d’avance du fait des liens serrés entre son appareil gouvernemental, ses cabinets ministériels, Matignon, l’Élysée, ses entreprises, anciennement propriété de l’État et encore sous actionnariat partiel de la République, ses forces armées, ses associations, ses universités et ses grandes écoles dont les individus se déplacent, allègrement, de l’un à l’autre durant leur carrière et où tout le monde se connait.
Dans ce contexte, ses entreprises sont mal placées pour jouer aux vierges offensées.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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