Après un délai de dernière minute d’environ une heure, devant la haute direction et des employés de Bombardier, des fournisseurs, des clients, des analystes financiers et des journalistes, le FTV-7 portant l’immatriculation C-FFDK, le cinquième CSeries et le premier CS300 à prendre son vol s’éleva dans le ciel de Mirabel, en grande banlieue nord de Montréal, à 11h00, heure locale, vendredi 27 février 2015 par une température de -18C. Un problème mineur avec un équipement de télémétrie fut à l’origine du délai.
Quatre FTV ou Flight Test Vehicle (Véhicule d’essais en vol), tous des CS100, ont déjà accumulé environ mille heures de vol depuis l’envolée inaugural du CS100, il y a dix-sept mois, le 17 septembre 2013. Un cinquième et dernier FTV du CS100 et un second du CS300 devraient voler sous peu.
Flanqué en vol d’un biréacté de transport régional CRJ900 flambant neuf aux couleurs d’American Airlines, le FTV-7 sillonna le ciel des Laurentides pendant presque cinq heures pour se poser à 15h58 après avoir atteint l’altitude de 41000 pieds ou 12500 mètres et une vitesse de 255knts ou 470km/h. Aux commandes se retrouvaient le capitaine Andris Litavniks, co-pilote lors du vol inaugural du CS100, assisté du copilote Christophe Marchand et des responsables techniques des essais en vol Anthony Dunne et Mark Metivet.
En conférence de presse, Mike Arcamone, directeur Avions commerciaux, rappela que les CS100 et CS300 avaient un taux de communauté de 95%. Il poussa même jusqu’à déclarer en sous-entendu sans broncher que Boeing et Airbus ‘ont simplement peur de nous’ reconnaissant du même coup que la compétition s’avérait féroce.
À son avis, la chute du prix du carburant ne jouera pas contre le CSeries car cette baisse ne sera que temporaire et fournira même aux transporteurs des fonds afin de s’équiper de nouveaux aéronefs.
Pour sa part, Rob Dewar, vice-président en charge du CSeries, réitéra que déjà 80% des tests en vol risqués des quatre premiers FTV avaient été effectués et qu’il serait étonné de rencontrer des problèmes majeurs alors que les essais à haute vitesse, en hautes altitude, par temps froid et d’évacuation, ont été accomplis. Monsieur Dewar informa également son auditoire que les CSeries avaient atteint sa vitesse maximale et conclu ses essais par grands froids. Les objectifs en terme de réduction de consommation de carburant, soit 20% de moins et de bruit auraient été atteints. Sur les 2400 heures de tests en vol prévus pour l’obtention de sa certification par Transports Canada, quelque 1000 auraient été réalisées alors que deux CS300 s’ajouteront aux cinq CS100.
Après avoir passé dix-huit chez United Technologies, au Canada chez Pratt & Whitney Canada et aux États-Unis chez HamiltonSunstrand devenu UTAS, Alain Bellemare, le nouveau chef de la direction de Bombardier, minimisa les retards du CSeries rappelant avec justesse que cet avion demeurait le seul sur le marché des 100 à 150 places. Du même coup, il souligna son apport personnel à la compagnie et au programme après une si longue carrière dans l’industrie aéronautique qui lui a permis de tisser des liens avec nombre de personnes clefs.
Il réitéra la promesse du CSeries d’offrir une consommation de carburant de 20% inférieure et une baisse des coûts d’exploitation de 15% réduits par rapport à ces concurrents.
Monsieur Bellemare fit remarquer qu’Airbus et Boeing ne prétendaient plus au marché des moins de 150 places. En fait, il est vrai qu’aucun des deux constructeurs n’ont inclus dans leur gamme de nouvelle génération de monocouloirs un successeur aux Airbus A318 et Boeing 737-600, vendus à moins de 100 exemplaires chacun,
Avec son CSeries spécifiquement conçu pour ce marché, Bombardier se retrouverait alors seul à remplir les besoins des transporteurs sur le créneau des 100 à 150 places ‘Dans ce marché, il n’y a personne d’autre. Le champs est libre (pour nous)’.
Il faut néanmoins souligner que le 737 le plus vendu n’est plus le 737-700 (128 à 149 passagers) mais maintenant le 737MAX8 (162 à 189 passagers) ce qui prouve la montée en capacité des besoins des transporteurs en matière d’avions de ligne court et moyen courrier monocouloir.
Pouvant accueillir de 130 à 150 passagers et 160 dans une version haute densité, le CS300 devrait être certifié six mois après le CS100 dont la certification est toujours attendue selon les responsables de Bombardier avant la fin de l’année 2015 pour une entrée en service peu après ou au plus tard au début 2016. La date de mise en service n’est plus du ressort du constructeur expliqua monsieur Bellemare car elle dépend du transporteur, de ses capacités, de ses besoins mais n’excède jamais au plus quelques semaines après la certification.
À 160 places, le CS300 va chatouiller les Airbus A319neo et Boeing 737MAX7.
Néanmoins, il faut mettre en évidence que dans la version ‘Haute densité’ de 160 places du CS300 l’espace pour les jambes n’est que de 71cm ou 28 pouces tout comme dans l’A319 de 160 places contre 76cm ou 30 pouces dans la version la plus dense du 737MAX7, celle accueillant 149 passagers.
Le programme de test en vol du CS100 se déroule actuellement à Mirabel et au Bombardier Test Flight Center à Wichita au Kansas où règne un climat bien plus clément aux tests en vol surtout en hiver.
Le cinquième avion d’essai, le FTV-5, le premier équipé d’un intérieur complet est sous la responsabilité du département des tests en vol après avoir effectué les tests d’évacuation
Actuellement, l’assemblage du premier CSeries de production se déroule actuellement aux ateliers de Bombardier à Mirabel, en bordure de l’aéroport Montréal-Mirabel.
Les coûts de développement du CSeries, originellement prévus s’élever à 3,4 milliards de dollars, ont maintenant dépassé le cap des 5,4 milliards marqués par l’explosion d’un des deux réacteurs Pratt & Whitney PW1500G Pure Power du FTV-1 en mai 2014 qui obligeât la suspension des essais en vol pendant plus de trois mois.
Le carnet de commandes fermes en date du vol inaugural du CS300 s’élève à 243 appareils divisé entre 63 CS100 et 180 CS300. S’y ajoutent 320 options et promesses d’achats pour un grand total de 563 appareils. Le prix catalogue d’un CS100 est de 62 millions de dollars américains et celui du CS300 de 71 millions.
Bombardier espère toujours accumuler 300 commandes fermes au moment de l’entrée en service du premier CSeries.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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