L’organisation d’un salon international du drone en périphérie de Bordeaux participe à la structuration de la filière française dans un secteur en pleine ébullition.
Les organisateurs de l’UAV Show peuvent être satisfaits : avec un total de 160 exposants et 6500 visiteurs, la venue d’une vingtaine de délégations étrangères et celle du ministre français de la défense Jean-Yves Le Drian, leur pari est réussi. Ces chiffres, qui sont à partager avec le salon sur la maintenance aéronautique organisé conjointement, sont en forte hausse sur la précédente édition de 2012. Mais au-delà de ce seul bilan comptable, exposants comme visiteurs affichaient la satisfaction d’avoir pu nouer des contacts fructueux. Si l’édition précédente de 2012 avait fait la part belle aux appareils de petite taille et aux « start-up », cette édition a résolument pris le virage de la professionnalisation des exposants et des échanges. Clairement, le drone est passé en quelques mois de la phase d’expérimentation à celle de l’industrialisation et les acteurs majeurs du secteur en Europe ont débarqué en force : Thales, Sagem, Airbus et Dassault étaient là , aux coté de plusieurs dizaines de PME. Une demi douzaine de sociétés israéliennes avait également fait le déplacement, ce qui n’est pas anodin…
Il reste aux organisateurs quelques détails à régler, comme une climatisation qui fut insuffisante pour faire face aux assauts d’un été indien particulièrement chaleureux en ce mois de septembre. Autre souci récurrent, l’organisation de conférences en français seulement, au grand dam des visiteurs étrangers. Pour développer l’internationalisation du salon et faire face aux velléités britanniques dans ce domaine, les organisateurs devront rapidement faire des progrès dans ce domaine. Autre point décevant, les démonstrations en vol se faisaient sur un terrain éloigné et peu pratique d’accès, alors même que le salon se tenait sur la base aérienne 106 de Bordeaux Mérignac, riche en parkings et taxiways. Mais il est vrai que la base partage ses pistes avec l’aéroport international de Bordeaux, ce qui interdit pour l’instant les évolutions des drones.
Petit mais dense et en pleine croissance, l’UAV Show était de plus porté cette année par une actualité brûlante en France : la compétition à venir pour le choix du futur drone tactique de l’armée de Terre. Depuis 2001, le 61ème régiment d’artillerie utilise des Sperwer de Sagem (alias SDTI, pour Système de Drone Tactique Intérimaire). Ces appareils ont réalisé environ 2000 missions opérationnelles en Afghanistan, pour la perte d’une douzaine d’appareils. Après des années de tergiversations, un appel d’offre est à présent attendu dans les semaines qui viennent pour leur trouver un remplaçant, avec une mise en service prévue autour de 2017. Derrière la fourniture aux armées d’un outil indispensable pour le renseignement et la reconnaissance figure également la volonté de structurer la filière drone à la française. Et c’est ainsi que Thales, Sagem et Airbus, les poids lourds du secteur en Europe, se font face depuis plusieurs années.
Le premier avance son drone Watchkeeper, descendant direct du drone Hermes 450 de l’israélien Elbit mais pour lequel Thales revendique aujourd’hui une parenté quasi exclusivement franco-britannique. S’il devait l’emporter, Thales indique que la part française pourrait être doublée, au détriment de la part made in UK.
Dans cette compétition, Sagem souhaite se succéder à lui-même et met en avant son Patroller développé sur fonds propres depuis plusieurs années. C’est un appareil d’une tonne, dérivé d’un avion léger, le Stemme S-15, qui lui même possède déjà une certification EASA. Troisième acteur de premier plan, Airbus Defence & Space fait figure d’outsider avec une solution originale. Le géant européen met en avant le drone Shadow M2 de l’américain Textron. Dans le cas de la compétition française, l’appareil serait bien entendu proposé dans une version « francisée », notamment en intégrant les systèmes du Tanan, drone à voilure tournante développé en propre par Airbus et dont le premier vol est attendu pour la fin de l’année. Airbus n’exclut d’ailleurs pas la possibilité de répondre à l’appel d’offre avec le Tanan, ou avec une combinaison Shadow M2/Tanan.
Les industriels sont à présent dans les starting block, dans l’attente de la publication de l’appel d’offre dont une lecture attentive permettra de juger des intentions des pouvoirs publics. Info Aero Québec aura alors l’occasion de revenir en détails sur les propositions des différents compétiteurs.
Frédéric Lert est journaliste et photographe indépendant, spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense depuis une vingtaine d'années. Etabli à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, Frédéric Lert collabore à la presse française et anglo saxonne et il est l'auteur d'une v
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