Vendredi 11 juillet s’est tenue à Paris, au Palais d’Iéna, la première édition de Paris Air Forum ; un colloque international organisé par les rédactions du Groupe français La Tribune, épaulées par l’équipe de Forum Média et en partenariat avec Aéroports de Paris (qui célèbre son centenaire).
Débattre des enjeux et de l’avenir de la troisième dimension en réunissant des acteurs incontournables de la filière aéronautique, tel était l’objectif de cette journée de débats.
« Il y a un siècle, le déclenchement de la Première guerre mondiale bouleversait l’histoire de la conquête de l’air. Artisanale jusqu’alors, l’aviation allait devenir une industrie ; novatrice, puissante, elle allait marquer de son empreinte le siècle à venir », rappelle Max Armanet, directeur de Paris Air Forum.  L’aviation configure encore l’avenir de notre siècle. « Un siècle d’avenir », voici justement le thème de cette édition.
L’aéronautique est une success-story et dans le chaos de la mondialisation, cette industrie fait figure de repère, de modèle.
6 milliards de passagers en 2030.
Mais nous sommes à une époque charnière. La croissance du transport aérien prend en effet une nouvelle accélération.
Selon les estimations réalisées par Airbus, Boeing et l’Association internationale du transport aérien (IATA), au cours des vingt prochaines années, le nombre de passagers aériens devrait augmenter d’environ 5% par an. Or en 2014, 3,4 milliards de passagers ont été enregistrés. En 2030, plus de 6 milliards de passagers sont alors à prévoir…
La flotte aérienne mondiale va donc, elle aussi, être amenée à doubler.
« 20 000 avions naviguent aujourd’hui. Près de 10 000 seront à renouveler. Avec la croissance du trafic aérien, 30 000 appareils devront ainsi être livrés dans les quinze ans à venir, représentant un chiffre d’affaires de quelque 4 000 milliards de dollars », estime Michel Wachenheim, Président de la branche Aviation civile chez ASD (AeroSpace and Defence Industries Association of Europe).
Un eldorado pour cette industrie, mais comment faire face ? Cette situation constitue un énorme défi pour toute la filière.
Au niveau des aéroports déjà .
Si en Asie Pacifique, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud, les projets et les constructions fusent (la Chine prévoit par exemple la construction de 82 aéroports et l’extension de 120 existants), en Europe, la sous-capacité aéroportuaire apparait comme un problème chronique.
La solution serait la création de nouvelles plateformes. Pourtant, les contraintes environnementales et économiques rendent ces constructions quasi impossibles.
Au vu d’une récente étude d’Eurocontrol, d’ici 2035, 2 millions de vols, soit 200 millions de passagers, ne pourront être satisfaits en Europe à cause de cette insuffisance. « Derrière ces chiffres, combien d’opportunités économiques manquées ? Et ce, sans qu’on y prête forcément toute l’attention nécessaire au niveau politique. C’est la place de l’Europe en tant que hub central au sein du marché mondial de l’aviation qui est ainsi remise en cause et donc, immanquablement, sa compétitivité économique », s’inquiète Olivier Jankovec, Directeur général d’ACI (Airport Council International) Europe.
Faute de pouvoir construire de nouvelles capacités, il faudrait donc déjà maximiser les ressources existantes.
« De nouvelles procédures et de nouveaux systèmes de navigation, de communication et de contrôle aérien permettront d’augmenter la capacité des aéroports, tout en maintenant le meilleur niveau de sécurité et en maitrisant l’impact des nuisances sonores et les émissions gazeuses », explique Maurice Georges, Directeur des services de la navigation aérienne, à la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) en France.
Optimiser l’utilisation de l’espace aérien, tel est l’enjeu du programme européen Sesar (Single European Sky Air traffic management Research) qui entrera en 2015 en phase de déploiement. Une coopération, dite CDM (collaborative Decision Making), entre les aéroports, les compagnies aériennes et les services de navigation aérienne, qui devrait apporter des solutions, sans pour autant être suffisante…
La croissance du trafic soulève une autre problématique, et ce au niveau mondial : la pénurie de pilotes en Asie Pacifique, mais aussi en Europe et de contrôleurs aériens, particulièrement en Asie Pacifique. Au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et dans une moindre mesure sur le continent Africain, le déficit en formation de personnels qualifiés pourrait aussi se faire sentir.
D’après Boeing, près de 500 000 pilotes devront être formés d’ici vingt ans.
Et les avions de demain ?
Ces pilotes auront entre les mains des avions plus légers, plus performants, moins gourmands en carburant, plus connectés et capables d’accueillir encore plus de passagers.
Pour « engloutir » ce flux croissant de voyageurs, les avions pourraient voir leur capacité augmenter. A l’exemple d’une éventuelle nouvelle version d’A380 (d’ici une petite dizaine d’années ?) pouvant contenir 100 sièges de plus que la version actuelle, soit 900 en configuration « classe économique ».
Mais pour les compagnies, il faudra savoir « jouer » sur la densité, tout en gardant à l’esprit le confort du passager…
Si Le transport aérien ne représente aujourd’hui que 2 % (~ 600 Mt/an) des émissions mondiales de CO2 d’origine humaine, l’objectif à l’horizon 2050 est de les réduire de moitié, sachant que la flotte aura au moins doublée…
Les travaux portent donc particulièrement sur les moteurs qui doivent être capables de consommer moins, d’être plus silencieux, d’émettre moins de CO2, ou bien de fonctionner avec des énergies alternatives (carburants aéronautiques durables, pile à combustible,…)
La motorisation électrique commence à faire parler d’elle, grâce entre autres, à l’E-Fan, le biplace électrique (doté de batteries lithium-ion-polymère) conçu par Airbus Group et présenté en vol pour la première fois, le 25 avril dernier.
Certes, l’avion de transport à propulsion 100% électrique n’est pas pour demain, le problème de stockage d’énergie n’étant pas encore résolu. En revanche, des solutions hybrides sont en cours d’étude. Airbus travaille sur un projet d’appareil régional électrique de 90-100 places. Un moteur thermique fonctionnant au biocarburant servirait de générateur pour alimenter un moteur électrique…
Moteur de la prospérité.
Comme le souligne Tony Tyler, Directeur Général de l’IATA (International Air Transport Association), « au cours du premier siècle de son existence, l’aviation a été une formidable force. Elle a contribué au développement économique, elle a relié les peuples entre eux et élargi leurs horizons. Sa marge de progression est encore énorme » !
L’aviation fut, et est encore, le moteur de la prospérité.
Magali Rebeaud
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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