Le Scarabée sur le point de s’envoler par Daniel Bordeleau.
La réplique du Scarabée, un Blériot XI piloté par Jacques de Lesseps qui survola Montréal le 2 juillet 1910, prendra son envol au cours des prochains mois. C’est ce que Richard Plante, le responsable de ce projet, a confirmé à Info Aéro Québec lors d’une visite que nous avons effectuée récemment au Centre canadien du patrimoine aéronautique (CCPA) de Sainte-Anne-de Bellevue en banlieue de Montréal.
Le Blériot XI
Le Blériot XI a été conçu et fabriqué par le français Louis Blériot qui s’en servit pour devenir la première personne à voler au-dessus de la Manche en juillet 1909. Un an plus tard, le comte Jacques de Lesseps utilise un appareil similaire, nommé Le Scarabée, pour refaire la traversée de la Manche; par la suite, à l’occasion d’une tournée nord-américaine, il devint la première personne à survoler Montréal à bord d’un avion à moteur. Cet évènement a marqué la naissance de l’aéronautique au Québec.
En 1998 Richard Plante, un employé d’Aéroport de Montréal, a décidé de construire une réplique fonctionnelle du Scarabée. Il a d’abord effectué une recherche minutieuse afin de se procurer des plans détaillés. Il a lancé son projet en fabriquant d’abord le stabilisateur, la seule pièce suffisamment petite pour être construite dans son sous-sol. Par la suite, M. Plante a été accueilli par le Centre canadien du patrimoine aéronautique de Sainte-Anne-de-Bellevue, et une demi-douzaine de personnes se sont jointes à lui. Jusqu’à maintenant, cette équipe a consacré plus de 23,000 heures à ce projet. Le Scarabée est presque prêt à voler. La structure de l’avion est complète. Au moment de notre visite, il restait à installer le recouvrement de toile sur la partie avant du fuselage.
On a récemment installé le moteur, ce qui a demandé plusieurs mois de travail. Richard Plante explique que cette opération a exigé la fabrication d’une armature en tubes d’acier selon des angles très précis. Cette opération a été une des plus difficiles de tout le projet. Le moteur, fabriqué en Australie, un Rotec R2800 de 110 chevaux, est de type radial plutôt que rotatif. À l’extérieur, le Rotec radial ressemble au moteur rotatif Gnome qui équipait le Blériot XI du début du siècle, dans la mesure où les deux moteurs ont les mêmes dimensions et comportent 7 cylindres. Par contre, les cylindres sont fixes dans le cas du moteur Rotec alors qu’ils tournaient avec l’hélice dans le cas du moteur Gnome. De plus, la puissance du Gnome n’était que de 50 chevaux. On peut d’ailleurs voir une reproduction de ce moteur rotatif au musée. Comme Le Scarabée est conçu pour voler, il aurait été impossible de faire certifier par Transport Canada un moteur rotatif.
C’est également en raison des exigences de la certification que le Scarabée a été doté d’un circuit électrique dont l’installation vient d’être complétée. L’avion comprend également un démarreur électrique et quelques instruments de vol modernes qui permettent de vérifier le fonctionnement du moteur. Le réservoir de carburant cylindrique du Blériot original, en cuivre, a également dû être sacrifié au profit d’un réservoir provenant d’une voiture de course, moins beau mais répondant aux normes de sécurité modernes. La toile qui recouvre l’avion, qui était autrefois simplement clouée sur l’armature en bois, est maintenant cousue au moyen d’une technique assez complexe. Il reste encore à installer l’hélice en bois, attendue prochainement d’Australie.
Quand il a lancé son projet, Richard Plante espérait que son avion effectuerait son premier vol en 2004. Dix ans plus tard, le projet est presque complété. Avec l’arrivée du printemps, l’équipe sortira l’avion de l’atelier et lancera le moteur. On procédera à des essais de roulage au sol puis, si tout va bien, à un court vol. Richard Plante ne veut prendre aucun risque et il explique que le Scarabée fera des sauts-de-puces plutôt que des vols véritables. Tous, dans le monde de l’aviation au Québec, se souviennent de l’écrasement à St-Hyacinthe d’une autre réplique du Blériot XI le 25 août 2012; personne ne voudrait assister de nouveau à un événement semblable.
Un musée dynamique
Le Centre canadien du patrimoine aéronautique (CCPA) est logé dans une vénérable étable construite en 1909. Mais pas n’importe quel bâtiment de ferme… il s’agit d’un immeuble de deux étages en pierres avec une toiture en béton qui le protège des incendies. Il fait partie du Collège Macdonald, une ferme expérimentale construite par l’industriel du tabac Sir William C. Macdonald, qu’il a offerte à l’Université McGill, dont il a également été chancelier. Depuis sa fondation par Godfrey Stewart Pasmore en 1998, les membres du CCPA ont consacré énormément d’efforts pour aménager cet espace, notamment pour en faire disparaître les odeurs persistantes d’animaux et pour en faire un lieu chaleureux et convivial.
Le musée comprend plusieurs ateliers dans lesquels on rajeunit de vieux avions qui font partie du patrimoine aéronautique canadien ou dans lesquels on construit des répliques, parfois fonctionnelles d’avions qui ont marqué notre histoire, comme dans le cas du Scarabée. On peut découvrir les grandes étapes de cette histoire en visitant la galerie d’art qui abrite la collection de peintures léguées au musée par Godfrey S. Pasmore. Ces toiles présentent les principaux avions fabriqués ici, comme les avions de brousse Fairchild et les bombardiers Bolingbroke construits à Longueuil.
La porte voisine de la galerie d’art mène à l’atelier où l’on procède à la restauration d’un Bolingbroke. Ce bimoteur a été conçu comme bombardier léger, mais il a également servi de patrouilleur côtier (c’est le cas de l’avion en cours de restauration) et d’avion de reconnaissance. La majorité des 600 Bolingbroke fabriqués durant la Seconde Guerre mondiale par la compagnie Faichild ont toutefois servi d’avions d’entraînement. Pour l’instant, l’équipe du CCPA a presque complété la restauration de la partie avant du fuselage qui abrite le poste de pilotage et le poste du navigateur. Même l’instrumentation d’origine a été rajeunie et réinstallée. La restauration de la portion arrière du fuselage débute; suivra celle des ailes. L’atelier voisin abrite l’équipe qui vient de mettre en chantier la fabrication d’une réplique d’un Curtis-Reed Rambler, un biplan qui effectua son premier vol en 1928. L’Aviation royale du Canada en acheta quelques-uns qui servirent d’avion d’entraînement.
Un escalier en colimaçon, situé à l’intérieur d’un des silos de l’ancienne étable, nous mène au deuxième étage qui abrite plusieurs appareils intéressants. En plus du Scarabée, on y trouve un Fairchild FC-2 Razorback de 1927 et un Fleet Canuck modèle 80 de 1947. Le FC-2 était un avion de brousse fabriqué sous licence par la compagnie Canadian Vickers de Montréal, puis par la compagnie Fairchild à Longueuil. Cet avion a notamment servi à la livraison du courrier. Le modèle exposé montre une version spécialisée pour la photographie aérienne, mise au point par la compagnie Fairchild. L’avion possédait une cabine fermée et chauffée; on peut y voir l’énorme caméra Fairchild utilisée pour prendre les photos aériennes qui ont servi par la suite à tracer les premières cartes géographiques détaillées de plusieurs régions du Québec. On y trouve également un Fleet Canuck modèle 80, un avion de transport et d’entraînement dessiné et construit par J.O. Noury de Stoney Creek en Ontario. La compagnie Fleet Aircraft de Fort Érié en fabriqua 225 exemplaires entre 1939 et 1947.
Durant l’hiver, le CCPA est ouvert le lundi, le mardi et le samedi de 9h00 à 14h30.
De plus vous pouvez consulter la page Facebook du CCPAÂ : Â https://www.facebook.com/groups/260391683988755/
Daniel Bordeleau
Daniel.h.bordeleau@infoaeroquebec.net
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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