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Le premier vol très médiatisé du CSeries a fortement teinté l’ouverture du quatrième forum Innovation Aérospatiale, tenu du lundi 2 décembre au mercredi 5 décembre dernier au Palais des congrès de Montréal. Cette année, le forum, organisé conjointement par Aéro Montréal et par le Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ), a fortement mis l’accent sur l’environnement, les nouvelles technologies de fabrication, la formation de la main d’œuvre et l’ouverture de nouveaux marchés. La première journée du forum fut surtout celle des annonces, nombreuses et intéressantes, ainsi que de la signature de nouvelles ententes de partenariat entre Aéro Montréal, le Vermont et le New Hampshire.
Le CSeries à Dorval et Wichita
Dès le début de la journée, Robert Dewar, vice-président de Bombardier Aéronautique et directeur du programme CSeries, a fait un rapide survol des progrès effectués par le FTV1, le premier avion CSeries d’essais, au cours des dernières semaines. Au total, l’avion a complété 190 heures de vols effectuées à une altitude inférieure à 25,000 pieds; la durée de ces vols a varié d’une heure et demie à quatre heures. L’avion est maintenant prêt pour effectuer ses premières envolées au-dessus de 30,000 pieds. Ces vols auront notamment pour but de vérifier la consommation de carburant en haute altitude et de valider l’affirmation de Bombardier selon laquelle son avion consomme 20 % moins de carburant que ses concurrents actuels.
Les commandes de vol électriques ont pour l’instant été utilisées en mode direct plutôt qu’en mode normal et il en sera encore ainsi pour les prochains vols. En mode direct les pilotes contrôlent directement toutes les commandes de l’avion sans interventions des ordinateurs de bord. Habituellement les pilotes de ligne utilisent plutôt le mode normal dans lequel les ordinateurs interviennent pour adoucir le pilotage en lissant les mouvements imprévus de l’avion et en prévenant certaines situations risquées, comme les décrochages. Â
Le FTV1 a même rendu une première visite à l’aéroport Pierre-Eliott Trudeau où il a effectué un posé-décollé. Il s’apprête maintenant à migrer vers les cieux plus cléments de Wichita, au Kansas. L’avion a encore besoin d’un ciel dégagé pour effectuer ses vols d’essais et l’arrivée de l’hiver a rendu ceux-ci plus rares dans la région de Montréal. Bombardier a donc prévu d’envoyer son nouvel oiseau à Wichita lorsque les zones de mauvais temps approcheront de la métropole. Le CSeries sera accueilli dans les installations de Learjet où la compagnie procède habituellement aux essais en vol de ses nouveaux avions.
Par ailleurs, le journaliste Graham Warwick, du magazine Aviation Week, a obtenu de nouvelles précisions sur un éventuel report de l’entrée en service du CS100. Robert Dewar a expliqué au journaliste que Bombardier allait attendre l’entrée en service du FTV3 avant de prendre une décision à ce sujet. Le FTV2 devrait faire son premier vol d’ici quelques semaines, suivi rapidement par le FTV3, chargé de la mise au point de l’avionique du CSeries. Il effectuera la majorité de ses vols à partir de Wichita.
Le gouvernement fédéral promet d’aider le secteur spatial
Le ministre fédéral de l’Industrie, M. James More, avait également de bonnes nouvelles pour les entreprises Å“uvrant dans le secteur spatial. Au début de 2014, il annoncera une nouvelle politique spatiale qui mettra en Å“uvre les principales recommandations contenues dans le rapport déposé l’an dernier par l’ancien ministre David Emerson. Le communiqué de presse d’Industrie Canada mentionne que cette nouvelle politique inclura les mesures suivantes:Â
·      le doublement du financement accordé au Programme de développement des technologies spatiales. Ce programme bénéficiera d’une enveloppe de 20 millions $ par année jusqu’en 2016 et continuera d’être géré par l’Agence spatiale canadienne;
·      l’établissement d’un conseil consultatif pour les questions spatiales, qui regroupera les chefs de file de l’industrie et qui sera présidé par le président de l’Agence spatiale canadienne, le général à la retraite Walter Natynczyk;
·      la révision des mécanismes d’approvisionnement actuel du gouvernement fédéral dans le secteur spatial, conformément aux recommandations contenues dans le rapport Jenkins, déposé l’an dernier;
·      la mise sur pied d’un programme d’aide pour les entreprises qui souhaitent percer de nouveaux marchés et perfectionner leurs compétences;
·      lancer une étude sur la collaboration entre les entreprises du secteur privé et l’Agence spatiale canadienne.
Cette nouvelle a été très bien accueillie par les représentants de l’industrie spatiale qui participaient au Forum. Marc Donato, vice-président des activités montréalaises de MDA, affirmait, à la suite de cette allocution, que «ça fait presque 10 ans que le Canada est en attente d’une politique spatiale, alors c’est une très bonne nouvelle. Heureusement le gouvernement a suivi les recommandations du rapport Emerson et a mis en place une structure permettant le développement de l’industrie spatiale.»
Par ailleurs James More a affirmé que son ministère utiliserait le modèle de partenariat développé depuis 10 ans par le CRIAQ pour stimuler la recherche et le développement au sein de l’industrie aérospatiale canadienne. Un budget de 2 millions $ par année sera consacré au développement de nouveaux programmes de recherche réunissant des entreprises et des institutions d’enseignement et de recherche. Monsieur Clément Fortin, président-directeur du CAMAQ, a par la suite confirmé que son organisation jouerait un rôle important dans la mise sur pied de ce réseau.
Assouplissement des règles ITAR
L’ambassadeur américain Duane E. Woerth, représentant spécial des États-Unis au conseil de l’OACI, avait lui aussi de bonnes nouvelles pour les participants au Forum. La révision des règles ITAR (International Trafic in Arms Regulations), qui restreignent l’achat et la revente de technologies militaires américaines, sera complétée au cours des prochains mois. « Les États-Unis se sont engagés à empêcher que leurs plus importantes technologies ne tombent entre de mauvaises mains. Mais en même temps nous voulons faciliter le transfert d’équipements militaires aux alliés et partenaires qui travaillent avec nous pour faire face aux défis de sécurité partout dans le monde. Cette année, le Secrétariat d’État et le Secrétariat du commerce ont mis en place un premier ensemble de règlements découlant de la directive du président Obama sur la réforme du contrôle des exportations. Ces modifications s’appliquent aux avions et aux équipements aéronautiques. Elles nous permettent d’être plus flexibles en ce qui concerne l’octroi de licences à nos alliés, en permettant de transférer de la liste des munitions des produits moins importants, qui seront plutôt contrôlés en vertu de la liste du commerce international. (…) À long terme, l’administration poursuivra la réforme en profondeur du système de contrôle des exportations des États-Unis. » Â
Cette affirmation a laissé certains participants au Forum plutôt sceptiques. Il y a plus d’une dizaine d’années que l’industrie aérospatiale canadienne se plaint des restrictions imposées par ces règles; l’administration américaine a toujours réussi à reporter à plus tard leur révision. Marc Donato, vice-président de MDA, est pour sa part enchanté du changement d’attitude. Il explique que les nouvelles règles américaines vont changer beaucoup de choses. « Toutes les pièces que j’achète des États-Unis, comme du ruban adhésif servant à coller du plastique, c’est couvert par les règles ITAR. Ça prend un permis pour chaque chose et ça devient très complexe, il faut comptabiliser tout ce qu’on utilise… Ça devient ridicule. Ça fait plusieurs années qu’on attend ça. »
Les partenariats d’Aéro Montréal
Dès le début du Forum Innovation, Aéro Montréal a signé deux accords-cadres avec la Vermont Aerospace & Aviation Association et avec le New Hampshire Aerospace and Defense Export Consortium. Ces ententes visent à établir « des relations privilégiées entre les grappes aérospatiales, accroître les échanges d’informations concernant des projets collaboratifs locaux et internationaux et favoriser la vigie internationale. » Suzanne Benoit, présidente d’Aéro Montréal, a précisé que « ces accords permettront, entre autres, un rapprochement entre les membres des deux grappes, favorisant ainsi la mise en place de partenariats stratégiques avec ces deux États clés, notamment en matière de soutien à la compétitivité de nos chaînes d’approvisionnement respectives, par l’entremise de l’initiative MACH. »
Daniel Bordeleau
daniel.h.bordeleau@infoaeroquebec.net
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Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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