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Vendredi, les actions de bombardier ont poursuivies leur chute à la Bourse de Toronto. Le titre de catégorie B a terminé la journée à 4,58 $, en baisse de 33 cents (-6,72%). Encore une fois, le volume des transactions a été très supérieur à la moyenne. Près de 34 millions d’actions ont changées de main alors qu’en temps normal c’est moins de 15 millions d’actions par jour qui sont négociées.
Les défis auxquels Bombardier fait face dans le secteur de l’aviation sont bien connus en Amérique du Nord. Par contre les difficultés auxquelles Bombardier Transport fait face en Europe sont peu suivies ici en dépit du fait que cette division fournit, en gros, la moitié des revenus de la compagnie. Le siège social, de la division Transport est situé à Berlin et ses deux plus gros clients sont la compagnie allemande Deutsche Bahn et la SNCF en France.
Bombardier Transport a commencé à avoir des problèmes d’exécution de contrats en 2010 avec le Francilien, que Bombardier appelle plutôt Spacium. Il s’agissait d’un énorme contrat obtenu en 2006 pour la conception et la fabrication d’un train qui désert la banlieue parisienne et qui est opéré par la SNCF. Le contrat initial prévoyait l’achat de 172 rames au prix de 1,8 milliards d’euros plus des options sur 200 autres rames. Ce train de type Boa, sans cloisons séparant les wagons, devait être le plus moderne au monde et desservir des lignes très achalandées: un train toutes les trois minutes aux heures de pointe. Tout dans le Spacium, du chauffage aux portes, était contrôlé par ordinateur. Les portes à marchepieds ajustables se sont d’ailleurs avérées être le point faible de ces trains. Dès les premières livraisons, les pannes se sont multipliées, les portes refusant fréquemment de se refermer, ce qui empêchait bien entendu le train de démarrer. Le conducteur devait alors sortir de sa cabine, aller refermer la porte défectueuse manuellement, la condamner, puis retourner à son poste pour redémarrer le train. Le processus pouvait prendre plusieurs minutes et il a parfois causé des retards de 20 minutes. Pour rendre la situation plus invivable aussi bien pour les voyageurs que pour les employés de la SNCF, ces pannes se produisaient avec une très grande fréquence. Au pire moment de la crise, la SNCF a dénombré 1200 pannes par millions de kilomètres parcourus alors que les contrats signés par Bombardier Transport en permettaient 50 seulement.
Face à ce problème grave, Bombardier Transport a réagi lentement et il a fallu que la SNCF menace Bombardier des pires sanctions, que les usagers multiplient les crises et les colères, en plus de 2 ans de travail pour corriger le problème. En 2012, Bombardier a dû payer une pénalité importante dont le montant n’a jamais révélé. À l’époque, je travaillais pour l’émission Classe Économique à la radio de Radio-Canada, j’avais calculé avec l’aide d’experts que ce montant devait être voisin de 200 millions d’euros. Les porte-paroles de Bombardier ont toujours niés ce chiffre avec véhémence mais ils ont refusé d’en fournir un autre. Aujourd’hui le Francilien fonctionne très bien mais les options pour les 200 rames additionnelles n’ont pas encore été exercées et le carnet de commandes de l’usine de Crespin où elles sont fabriquées est très mince. Si ces options ne sont pas exercées prochainement, des mises à pied sont probables.
Ce dérapage important a été reconnu publiquement par Bombardier lors de la dernière assemblée annuelle des actionnaires de Bombardier, tenue le 9 mai dernier au Musée des Beaux-arts de Montréal, le président de la division Transport, monsieur André Navari, a dû faire une confession publique plutôt humiliante :Â
« La baisse de notre rentabilité qui est passée de 7,2% à 5,6% avant éléments spéciaux, découle de plusieurs défis, dont trois principaux :Â
1.    L’exécution simultanée de plusieurs contrats importants, comme ceux de trains régionaux TALENT 2 pour l’Allemagne et des trains suburbains SPACIUM pour l’Ile-de-France.
2.    Une plus grande complexité technique pour satisfaire les nouvelles exigences de nos clients. Les trains à deux niveaux suisses par exemple doivent répondre à un niveau de spécification très élevé.
3.    Les changements radicaux apportés au processus d’homologation en Allemagne, un vrai défi pour l’industrie en général et pour nous en particulier qui étions en pleine exécution d’un carnet de commandes élevé dans ce pays. »
Bombardier transport rencontre donc des problèmes similaires à ceux du Francilien en Allemagne et en Suisse. Les déclarations publiques incendiaires des dirigeants de Deutsche Bahn à l’endroit de Bombardier Transport ne laissent aucun doute quant à la dégradation des relations entre ces deux partenaires. Suite à l’admission publique de son échec, André Navari est parti à la retraite, un peu contre son gré sans doute, et il a été remplacé par Lutz Bertling qui a été vice-président chez Adtranz avant que cette entreprise soit achetée par Bombardier pour constituer sa division Transport. Par la suite, monsieur Bertling est devenu président d’Eurocoptère, une filiale du Groupe Airbus qui est basée à Marseille. Monsieur Bertling connaît donc bien la France et l’Allemagne de même que l’industrie ferroviaire; le dirigeant rêvé pour Bombardier Transport. La tâche qui lui a été confié ne sera pas facile si on s’en remet à la déclaration faite hier par Pierre Beaudoin durant la conférence téléphonique qui a suivi la publication des résultats du troisième trimestre :Â
« Nous comprenons très bien nos problèmes d’exécution et j’y travaille en étroite association avec Lutz. Nous allons revoir notre façon d’aborder ces problèmes sur le plan de l’ingénierie, de la gestion de projet et évidemment du service à la clientèle et de la gestion de contrat. Nous travaillons sur les trois aspects et je crois que nous pouvons enregistrer des progrès dans un avenir prochain pour ce qui est de l’amélioration de la marge de profit
Question d’un analyste : « Donc moins d’impact au cours des prochains trimestres si je vous comprends bien? »
Réponse Pierre Beaudoin :Â
« Vous devez rester prudent, nous avons des projets à long terme et parfois on ne peut pas régler tous les problèmes à l’intérieur d’un trimestre, mais en mettant l’accent sur les trois secteurs que je vous ai mentionné, nous progressons dans la bonne direction. »
L’incertitude qui entoure Bombardier Transport, combiné à l’incertitude qui entoure le déroulement des vols d’essais duFTV1, plus la chute des résultats au cours du troisième trimestre expliquent probablement la réaction violente des investisseurs depuis deux jours.
Daniel Bordeleau
Daniel.h.bordeleau@infoaeroquebec.net
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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