MONTRÉAL – Nombre de mots : 872 – Temps de lecture : 4 minutes.
Alors que l’Airbus North America Media Tour 2019’ se conclut après les visites des installations de Mirabel, Columbus et Mobile, il n’y a plus un seul doute sur les intentions d’Airbus au Canada.
Voulant tirer de sa grande générosité d’avoir sauvé le CSeries et de l’hostilité envers Boeing, bien entretenue par la direction de Bombardier, les politiques, particulièrement l’ancien premier ministre du Québec, Philippe Couillard, sa ministre de l’Économie, Dominique Anglade, le ministre fédéral du commerce international, François-Philippe Champagne, le coordonnateur québécois de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (IAMAW), David Chartrand et même, dans une certaine mesure, la presse par la voix de certains journalistes pour ne pas dire commentateurs, Airbus voit grand.
Le Premier Ministre du Québec avait même été jusqu’à prononcer, le 27 septembre 2017, aux installations de Bombardier de Mirabel, à quelques pieds de moi ‘Pas un boulon, pas une pièce, pas un avion de Boeing au Canada’.
Mais tous ces gens ont la mémoire bien courte.
Qui se souvient que le gouvernement français a bloqué l’offre de motorisation de l’avion de transport tactique Airbus A400M d’un moteur déjà existant de Pratt & Whitney Canada, le PW180, par un moteur encore sur la planche à dessin, l’Europrop TP400, qui a demandé la collaboration de Safran, Rolls Royce, ITP et MTU. L’occupant de l’Élysée de l’époque, le Président Jacques Chirac, en avait fait une affaire personnelle en intimant à Airbus de trouver une solution européenne. La mise au point du moteur européen s’avèrera un cauchemar, comme celle d’ailleurs de l’avion.
Il est essentiel de rappeler qu’Airbus favorise les entreprises françaises et allemandes puis plus largement, européennes même sur ces avions civils, ce qui se traduit par le fait que tous les Airbus sont par exemple équipés de trains d’atterrissage, MessierDowty, à l’exception de l’A380 et de suites avioniques et de tubes Pitot Thales.
Alors que les dirigeants d’Airbus se voient déjà remporter les importants contrats de l’Aviation royale canadienne (ARC), il est de mise de se demander si le marché français de la défense est ouvert aux entreprises non-européennes.
Un survol rapide du parc des aéronefs de l’Armée de l’Air, de l’Armée de terre, de la Marine nationale, de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale est édifiant.
A quelques exceptions près, tous les aéronefs proviennent de manufacturiers français ou, à défaut, européens.
Les quelques exceptions sont les vieux tankers Boeing KC-135 Stratotanker achetés dans les années 1960 et maintenant remplacés sans aucun appel d’offres par les Airbus A330MRTT, quelques systèmes de détection et de commandement aéroporté (SDCA ou en anglais AWACSAirborne Warning and Control System)Boeing E-2A Sentry et NorthropGrumman E-2B Hawkeye, aucun avion français ou européen ne pouvant assurer la surveillance du ciel mais auxquels Airbus souhaite maintenant offrir un remplaçant ainsi que quelques LockheedMartin C-130J Super Hercules, les Airbus A400M étant incapables de ravitailler en vol les hélicoptères.
Qu’il s’agisse des chasseurs bombardiers Dassault Mirage 2000B/C/D/F et Rafale B/C/M, des hélicoptères SA342 Gazelle,  TTH-90/NH-90 Caïman, EC-665Tigre, EC-725 Caracal, AS532 Cougar, SA330 Puma, EC120 Calliopé, AS555 Fennec, SA-365F Dauphin, AS-565 Panther, des avions de liaison TBM-700, des avions de transport A310-200, A330-200, A340-200, C-160 Transall, C235 et A400M, des ravitailleurs A330MRTT Phénix, des avions de guerre électronique C-160 Transal Gabriel, des avions de transport VIP Dassault Falcon 900, 2000 et 7X, des avions d’entraînement TB-30 et Dassault Dornier AlphaJet, des avions de patrouille maritime Dassault Falcon 200, 50M et ATL2 Atlantique, ils ont été tous acquis sans appel d’offres donc par des contrats de gré à gré.
Il en est de même dans le secteur paramilitaire alors que la Gendarmerie et la Police Nationale n’alignent pas un seul Bell Helicopter, Sikorsky ou MD Helicopters, leurs flottes étant constituées exclusivement d’Airbus Helicopters.
Il en est de même en Allemagne où hormis les hélicoptères lourds Sikorsky CH-53G acquis en juin 1970, aucun hélicoptère européen n’étant capable d’héliporter des pièces d’artillerie.
Il va de soi que tous ses aéronefs sont équipés d’une motorisation, d’une avionique, de systèmes et d’équipements francais.
Récemment, des rumeurs voulaient que la Luftwaffe s’intéresse au chasseur bombardier américain de cinquième génération LockheedMartin F-35 Lightning II pour remplacer ses vieux Panavia Tornado. Le Président de la France, Emmanuel Macron se rua alors à Bonn pour convaincre la Chancelière allemande, Angela Merkel, de ne pas se laisser tenter par l’avion d’Outre-Atlantique. Le chef de l’état français réussit à embarquer son homologue allemande dans un projet d’avion de combat futur furtif ‘de papier’ sous l’égide, tout naturellement, d’Airbus et de Dassault Aviation.
Dans ce contexte, le gouvernement fédéral du Libéral Justin Trudeau devrait bien réfléchir avant de se jeter à corps perdu dans les bras d’Airbus pour avoir ‘sauvé, le CSeries et promettre mer et monde en matière de retombées économiques.
À elles seules, les retombées économiques de Boeing au Canada sont de l’ordre de 4 milliards de dollars par an sans compter celles des autres constructeurs aérospatiaux américains comme LockheedMartin, Bell Helicopters, des motoristes comme Pratt & Whitney et GE Aviation et des équipementiers. Celles d’Airbus avoisinent, à peine, annuellement, un milliard de dollars.
Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
Une remarque de taille pour corriger une <petite< ré-ecriture de l< histoire A 400M. J étais en poste a Washington a l époque pour des programmes militaires. Pendant des semaines, les lobbys US menaçaient les européens et particulièrement la France – suite a la position publique de non-intervention en Irak de bloquer des programmes clés , dont l A400m et son groupe turbo-propulseur par PW ( que ce soit fait au Canada ou aux US ne présentait pas de différence pour les ténors publiques US). La menace valait aussi pour des développements de matériaux composites sur d autres programmes. Comprenant la menace qui allait peser, tout au long du programme, les européens ont forcé une solution européenne. Pour les produits composites, dans la foulée des accords ont été signés avec des pays asiatiques. Le Canada peut ainsi remercier l oncle Sam.