MONTRÉAL – Nombre de mots : 989 – Temps de lecture : 5 minutes. Voilà ce que peuvent dire les employés de Bell Helicopter Textron Canada à Mirabel, au nord de Montréal, qui assemblent les Bell 412EPI mais aussi ceux de Pratt & Whitney Canada, à Longueuil, au Québec et à Lethbridge, en Alberta qui construisent les PT6T-9 TwinPac qui les propulsent ainsi que tous ceux qui, au Québec et dans le reste du Canada fournissent des pièces et services au plus gros hélicoptère assemblé au Canada.
Mais surtout un gros merci de la part des gens d’Airbus Helicopters et de Leonardo Helicopters, anciennement AgustaWestland, qui proposeront certainement respectivement le H155 et l’AW169, concurrents directs du Bell 412EPI.
Capacité | Masse maximale au décollage (MTOW) | ||
Bell 412EPI | Jusqu’à 13 passagers | 5,397kg
11.900lbs |
Pratt & Whitney Canada
PT-6T Twin Pack 1,222shp |
Airbus Helicopters H155 | 13 passagers | 4,920kg
10,847lbs |
2 Turbomeca Ariel 2C2
943shp |
Leonardo Helicopters AW169 | 8 Ã 10 passagers | 4,800kg
10.582lbs |
2 Pratt & Whitney Canada
P&WC PW210A 1,000shp |
Source: FlightGlobal 2017 Pocket Guide to Business Aircraft.
Rappelons que suite à l’intervention de mercredi dernier du ministre fédéral du Commerce international, François-Philippe Champagne, qui a ordonné un nouvel examen du contrat de vente conclu avec Manille en 2012, l’agence Presse Canadienne, nous apprenait ce matin que le président des Philippines, Rodrigo Duterte, ordonnait l’annulation d’une commande passée par l’intermédiaire de la Corporation Commerciale Canadienne (CCC) de 16 hélicoptères biturbines de gabarit moyen Bell 412EPI : ‘So this is my reaction. I want to tell the armed forces to cut the deal … and somehow we will look for another supplier. We respect the stand of Canada’.
Le chef de l’État philippin annonça du même coup qu’il ne ferait plus d’affaires avec des entreprises canadiennes ou américaines: ‘So from here on now, I am directing the armed forces of the Philippines, since most of the guns, bullets and whatever, weapons of war … invariably to be used against the rebels and the terrorists, do not buy any more from Canada. Or from the United States, because there is always a condition attached’. Monsieur Duterte enchaîna en confirmant la recherche d’un autre fournisseur.
Dans un marché de la construction d’hélicoptères civils neufs toujours en berne, une telle commande pour Bell Helicopter et ses fournisseurs était la bienvenue.
En 2017, Bell Helicopter Textron, selon un communiqué de l’entreprise, a livré 132 hélicoptères civils contre 116 en 2016, une hausse attribuée à la montée en puissance des livraisons du Bell 505 Jet Ranger X, le moins cher de la gamme, un peu plus d’un million de dollars américain, au prix catalogue. Des installations de Mirabel qui occupent actuellement 900 employés furent livrés 124 hélicoptères: 27 Model 505, 4 Model 206L/LT, 44 Model 407, 36 Model 429 et 13 Model 412. Jusqu’à 250 hélicoptères sont déjà sortis en une seule année des installations de Mirabel de l’hélicoptériste texan qui employait alors plus de 2200 personnes.
Compte tenu du fait que le 412 est le plus coûteux des hélicoptères assemblés à Mirabel, au prix de base de plus de onze millions de dollars américains, et que ses moteurs sont de fabrication canadienne, les ‘scrupules’ du gouvernement fédéral du Libéral Justin Trudeau coûtent chers sans pour autant changer quoi que ce soit à la situation aux Philippines.
Ce genre d’attitude n’est pas nouveau et le cas le plus patent fut la valse-hésitation de l’administration du Président américain Ronald Reagan pour la vente de chasseurs biréactés de supériorité aérienne McDonnell Douglas F-15 Eagle à l’Arabie Saoudite face aux légitimes réticences du lobby pro-Israélien à Washington. Il faut comprendre que le F-15 tout comme le Grumman F-14A était alors le nec plus ultra en matière d’avions de combat.
En septembre 1985, le Royaume d’Arabie Saoudite décida de s’équiper de chasseurs bi réactés britanno-germano-espagnols BAE Tornado lassé d’attendre une décision finale de la part de Washington à sa requête d’acheter entre 40 et 45 chasseurs McDonnell Douglas F-15 qui auraient rejoint le 62 déjà en service au sein de la Royal Saudi Air Force commandés en 1978 sous le Président Jimmy Carter.
Dans le cadre de l’entente Al Yamamah I, Ryad s’équipa non seulement de deux escadrons de Tornado pour un total de 72 appareils mais aussi de 30 avions d’entraînement britanniques BAE Hawk, le tout accompagné de missiles, bombes, pièces de rechange et contrats de soutien, mises à jour et modifications. Sous Al Yamamah II, 48 Tornado furent commandés en juin 1993.
Habituées aux aéronefs britanniques, la Royal Saudi Air Force passa commande en août 2006 de 72 chasseurs biréactés anglo-germano-espagnol Eurofighter Typhoon au prix de 10 milliards de livres Sterling et en mai 2012, de 22 avions d’entraînement bi réacté BAE Hawk supplémentaires.
Washington devra attendre décembre 2011 pour que le Royaume scelle une entente pour l’acquisition de 84 F-15 supplémentaires.
Ainsi suite aux tergiversations de Washington, Riyad acquerra 138 Tornado et 72 Typhoon et 65 Hawk.
La décision du gouvernement canadien d’examiner à nouveau ce contrat de vente de 16 Bell 412EPI au gouvernement de Manille qui découle de l’angélisme ou de l’imbécillité, en plus d’avoir un coût économique certain au Canada, risque de ne pas changer grand-chose à la situation aux Philippines où les forces aériennes disposent actuellement de 25 hélicoptères d’escorte armés MD Helicopter Defender et de 8 AgustaWestland AW139.
De la bouche du président Duterte, il est peu probable que, dans le futur, les Philippines se tournent vers le Canada pour répondre à ses besoins militaires et peut-être même au-delà .
Qui plus est, rien ne garantit qu’un hélicoptériste concurrent n’en profite pour décrocher le contrat.
Il faut bien comprendre que si le gouvernement de Justin Trudeau avait honoré ce contrat signé sous le gouvernement Conservateur de Stephen Harper, les Philippines seraient restées tributaires de Bell Helicopter et de ses fournisseurs pour les pièces de rechange et les mises à niveau ce qui aurait permis au Canada d’exercer un certain contrôle sur l’utilisation des 16 Bell 412EPI.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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