MONTRÉAL – Nombre de mots : 1091 – Temps de lecture : 5 minutes. Le 12 décembre dernier, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau sortit les gros canons que sont le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Carla Qualtrough, le ministre de l’Innovation, Navdeep Bains, et le ministre des Transports, Marc Garneau, pour annoncer ses intentions quant au renouvèlement des 65 McDonnell Douglas F-18 Hornet de l’Aviation royale canadienne encore en service. Sans oublier qu’était aussi présent le chef d’état-major des Forces armées canadiennes, le général Jonathan Vance.
Rappelons que sous le gouvernement du Libéral Pierre-Elliot Trudeau, père de Justin, le Canada commanda en 1980 138 McDonnell Douglas F-18A/B Hornet livrés entre 1982 et 1988.
Sans grande surprise, la ministre Qualtrough, a en outre confirmé que le Canada n’achètera pas 18 avions de chasse Boeing F-18E/F Super Hornet flambant neufs de Boeing, évalués à 6,4 milliards de dollars, afin de combler le déficit de capacité qui guetterait les Forces armées.
En lieu et place, le gouvernement Trudeau compte acheter 18 avions de combat d’occasion McDonnell Douglas F-18C/D Hornet de la Royal Australian Air Force ainsi que des pièces de rechange nécessaires pour prolonger leur durée de vie jusqu’en 2025, date à laquelle le Canada devrait commencer à prendre possession de ses nouveaux avions de chasse.
Ces avions de chasse seront prélevés parmi les 71 des 85 F-18A/B livrés entre 1984 et 1991 à la Royal Australian Air Force et devraient nécessiter une mise à niveau et modernisation. D’ailleurs, Ottawa estime le coût de la modernisation de tous ses F-18 à 500 millions de dollars. Mais ceci n’est qu’une estimation…
Politiquement, le gouvernement Trudeau déjà soutenu par les syndicats enragés contre Boeing, profitera d’appuis supplémentaires puisque la remise à neuf des F-18 australiens aussi bien que canadiens se fera chez L-3 Communications MAS à Mirabel et occupera des membres du Syndicat des Machinistes AIMTA.
Le gouvernement Trudeau entend lancer officiellement l’appel d’offres afin d’acquérir 88 nouveaux avions de chasse en 2019 ‘un processus ouvert et transparent dont aucune entreprise n’est exclue’ aux dires de la ministre Qualtrough. Le contrat devrait être octroyé en 2022 et la livraison des premiers aéronefs est prévue en 2025.
Mais, première surprise, le gouvernement Trudeau n’écarte plus l’option d’acheter des F-35 de l’avionneur américain Lockheed Martin, numéro un mondial de la défense, contrairement à ce que les Libéraux avaient promis durant la dernière campagne électorale.
Nous sommes bien loin de la promesse électorale du 20 septembre 2015 faite à Halifax, en Nouvelle-Écosse, par le candidat Libéral Justin Trudeau ‘We will not buy the F-35’.
Mais avec les Libéraux fédéraux, le passé est garant du présent. Souvenez-vous de la promesse de Jean Chrétien, candidat Libéral aux élections de 1993, de déchirer le contrat d’acquisition des hélicoptères EH Industries EH-101 signé par le gouvernement Conservateur de Brian Mulroney. Le contrat fut annulé au coût de $500 millions de dollars de l’époque défrayés par les contribuables canadiens pour acheter quelques années plus tard, l’AgustaWestland Cormorant, un descendant de l’EH101.
Sous le règne des Conservateurs de Steven Harper, le Canada s’est procuré 5 avions de transport stratégique lourds Boeing C-17 Globemaster III, 16 avions de transport tactique Lockheed Martin C-130J Hercules et 17 hélicoptères de transport lourd Boeing CH-47F Chinook avec célérité, sans dépassement de coût et dans les délais de livraison contractuels.
Mais la seconde surprise prend la forme d’une odieuse menace, à peine voilée contre le géant américain de l’aérospatiale Boeing en ajoutant une exigence d’impact économique.
Dorénavant, le gouvernement canadien promet de tenir compte de l’impact que les sociétés étrangères ont sur l’économie du pays dans l’évaluation de leurs soumissions. Aux dires de la ministre Qualtrough, les entreprises qui causeront des torts à l’industrie aérospatiale canadienne ‘se retrouveront dans une situation fort désavantageuse comparativement aux autres soumissionnaires’. Le ministre de la Défense Harjit Sajjan surenchérit déclarant que ‘nous avons besoin de partenaires fiables’.
Le gouvernement fédéral du Justin Trudeau sert ainsi un avertissement sans équivoque aux sociétés étrangères qui tenteraient de faire trébucher des entreprises canadiennes.
Mais nul n’est dupe en comprenant très bien que les ministres fédéraux visent directement Boeing qui, suite à une plainte déposée devant l’International Trade Commission (ITC) de l’US Department of Commerce, a réussi à faire imposer des droits compensateurs de près de 300% en tout sur la vente de 75 avions de la C Series de Bombardier au transporteur américain Delta air Lines. Depuis plusieurs mois, le géant aérospatial américain allègue que l’avionneur québécois a profité de subventions illégales du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral pour vendre des avions à un prix dérisoire sur le marché américain.
Les Libéraux ont la mémoire courte.
D’année en année, Boeing achète au Canada annuellement pour plus de quatre milliards de dollars en biens et services contre seulement un milliard pour Airbus alors que cette dernière a fourni, en quasi-exclusivité, Air Canada de plus de 150 Airbus et fut le seul fournisseur d’avions de ligne neufs d’Air Transat depuis sa création.
En plus de ses 2000 employés à son centre d’excellence en composites de Winnipeg, au Manitoba, Boeing fournit du travail à 17500 Canadiens au sein de 560 fournisseurs
La troisième surprise de la conférence de presse fut la décision du lancement du processus d’acquisition de 88 avions de combat dans le but de remplacer les F-18 Hornet, sans néanmoins donner d’échéancier.
Mais l’acquisition des F-18 de la Royal Australian Air Force dont le premier exemplaire se posera au Canada en 2019, au rythme de deux par année, donnera du temps au gouvernement Trudeau afin de retarder, encore une fois, le lancement de l’appel d’offres et de garantir une annonce d’un gagnant après les prochaines élections. En toute vraisemblance, les premiers chasseurs neufs n’entreront pas en service au sein de l’Aviation royale canadienne avant 2026.
Il est évident que le gouvernement Trudeau se traîne volontairement les pieds pour le renouvellement des F-18 Hornet des Forces armées canadiennes. Son but évident est de reporter l’annonce du choix du nouvel appareil de combat après les prochaines élections en espérant que la promesse de Justin Trudeau de septembre 2015 soit oubliée par la population canadienne surtout qu’en éliminant Boeing et son F-18 Super Hornet, le gouvernement canadien devra porter son choix sur le Lockheed Martin F-35A Lightning II, le préféré des militaires canadiens et de biens des industriels canadiens impliqués depuis des années dans ce programme qui, à terme, représentera au moins la construction de 4000 appareils.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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