MONTRÉAL – Nombre de mots : 1992 – Temps de lecture : 8 minutes. Lundi sur le coup d’une heure, Marc Parent, pdg de CAE de ville Saint-Laurent, en banlieue ouest de Montréal, s’adressa aux membres et invités, au nombre de plus de 400, du Cercle canadien dans une salle de bal de l’hôtel Sheraton, en plein cÅ“ur du centre-ville de Montréal.
À la table d’honneur, les secteurs de l’industrie aérospatiale et du transport aérien étaient représentés par messieurs Alain Bellemare, pdg de Bombardier, Philippe Rainville, pdg d’Aéroports de Montréal et Calin Rovinescu, pdg d’Air Canada.
La projection d’une vidéo corporative que monsieur Parent reconnut avoir vu plus de mille fois avec toujours les mêmes frissons rappela les trois principales missions de l’électronicien de Saint-Laurent : rendre les déplacements aériens plus sécuritaires et préparer les forces de défense à leur mission et le personnel médical à sauver des vies.
Soulignant qu’en 2017, CAE célébrait son 70ième anniversaire, Marc Parent rappela les origines de l’entreprise dont il est le pdg depuis 2009 avant d’entretenir l’assistance des défis, de la transformation et des perspectives d’avenir de sa société caractérisée par ‘l’innovation et bien sûr la passion de nos employés’.
Diplômé en génie mécanique de l’École Polytechnique de Montréal et du programme de perfectionnement des cadres de la Harvard Business School, Marc Parent a obtenu un doctorat honoris causa décerné par Polytechnique Montréal et détient aussi une licence de pilote de ligne (ATPL) de Transports Canada. Avant son entrée chez CAE en 2005, de 2000 à 2004, il a occupé différents postes de haute direction chez Bombardier Aéronautique où il a été responsable de plusieurs usines et gammes de produits.
En 1947, Ken Patrick, un ancien officier de l’Aviation royale canadienne, fonda la ‘Canadian Aviation Electronics’ avec l’objectif de ‘créer quelque chose de canadien pour tirer avantage d’une équipe formée à la guerre, extrêmement novatrice et très axée sur la technologie’.
À ses tout débuts, l’entreprise forte de dix-huit employés et installée dans un hangar de l’aéroport de Saint-Hubert vendait de l’équipement radar, des radios, des télévisions et des compteurs Geiger.
Ce ne fut qu’au début des années 1950 que CAE se lança dans la conception et la construction de simulateurs de vol. Elle répondit aux besoins de simulateurs de vol de l’Aviation royale canadienne pour son nouvel avion de combat, l’Avro CF-100 Canuck, un intercepteur biréacté subsonique de conception canadienne, alors que pour le marché civil, elle livra à la compagnie aérienne Canadien Pacifique, le premier simulateur de vol commercial construit au Canada.
Toujours l’innovation en avant, CAE concevra en 1982 le premier simulateur de vol de niveau D au monde (Full Flight Simulator FFS Level D), un simulateur si réaliste que la formation sur un véritable avion devient inutile.
Ainsi, CAE construit des simulateurs pour plus de 230 modèles d’aéronefs, presque tous les avions de ligne, la majorité des avions d’affaires, des hélicoptères, des avions de transport, ce qui lui permet de détenir près de 70% du marché ouvert des simulateurs de vol civil dans le monde.
Puis dans les années 2000, sur le modèle de l’américaine et pionnière de la simulation en vol, Flight Safety de LaGuardia, dans l’état de New York, CAE se lança dans le marché de la formation par le rachat des américaines Reflectone de Tampa, en Floride en 2001, spécialisée dans la formation sur aéronefs militaires moyennant 80 millions de dollars américains et de Simuflite de Dallas, au Texas en 2002 dédiée à la formation pour avions d’affaires pour 247 millions de dollars américains ainsi que de la néerlandaise Schreiner Luchtvaart Groep de Maastricht, au Pays-Bas, pour 267 millions de dollars canadiens. Désormais, CAE ne se contente plus de simplement fournir des simulateurs à des prestataires de services mais offre aussi la formation des équipages navigants et techniques. Comme le précisa monsieur Parent, à l’échelle mondiale, ‘la formation est un marché six fois plus grand que celui des simulateurs de vol’.
Ce changement de stratégie changera le visage de CAE car, au début des années 2000, avant ses trois importantes acquisitions, 80% des revenus de l’entreprise provenaient de la vente de simulateurs civils alors qu’aujourd’hui celle-ci ne représente plus que 20%. Actuellement, 60% des ventes proviennent des services de formation.
Cette stratégie a fait, comme l’indiqua le pdg de CAE, de son entreprise le numéro 1 mondial en formation ‘Avec un réseau de 67 centres de formation à l’échelle de la planète nous formons chaque année plus de 120 000 membres d’équipage’.
Cette stratégie est basée sur les partenariats et sur la crédibilité de l’entreprise selon monsieur Parent. CAE entretient plus de 40 partenariats et ententes à long termes avec des compagnies aériennes et avionneurs du monde entier en commençant par Air Canada qui, comme toujours, a opté pour des simulateurs CAE pour ses tout nouveaux Boeing 787, Boeing 737MAX et Bombardier C Series.
CAE possède la capacité de fournir tout ce qui touche la formation des équipages : ‘D’élève-pilote à commandant …from cadet-to-captain’ comme le dit en souriant monsieur Parent. Son entreprise se charge du recrutement, de la formation dans ses propres écoles qui alignent plus de deux cents avions de type puis la qualification de type sur ses simulateurs mais CAE peut aussi vendre un simulateur, en faire la gestion du centre de formation du transporteur, placer des pilotes chez des transporteurs et même être partenaire avec la ligne aérienne dans une coentreprise. Bref : vous pouvez complètement impartir la formation chez nous, nous offrons le service complet, de A à Z.
Cette flotte de plus de deux cents appareils est constituée de monomoteurs à pistons   ainsi que de bimoteurs à pistons Zlin Z-143, Cessna 172 et 182, Piper Archer, Arrow et Warrior, Diamond DA20 et DA40, Bellanca Decathlon, Grob G210TP, TBM TB-20 et TB-200    des biturbopropulsés Piper Seneca, Senaca V et Seminole, Diamond DA42 Beechcraft King air C90GTI et des avions d’affaires bi réactés Cessna Citation et Embraer Phenom 100.
Comme le fit remarquer monsieur Parent, tous les jours plus de 100 000 vols transportent quelques 8,6 millions de passagers et ‘il y a de très grandes chances que les pilotes de ces avions se soient entraînés sur des simulateurs CAE conçus et fabriqués ici même à Montréal par nos employés, ou encore dans un de nos centres de formation’.
Mais ce marché est en pleine croissance comme l’indique une étude dévoilée par CAE lors du Salon du Bourget en juin dernier. Elle conclut que compte tenu d’une croissance annuelle de 4,2% du nombre de passagers au cours des dix prochaines années, 255 000 nouveaux pilotes seront requis alors que ‘la moitié des pilotes qui seront aux commandes d’avions commerciaux dans le monde entier dans 10 ans n’ont pas encore commencé leur formation !’.
D’ailleurs la campagne de marketing de CAE pose la question : ‘D’où proviendront vos prochains pilotes? Where are your next pilots coming from?’ ce à quoi répondit Marc Parent : ‘De CAE!
CAE développe des programmes de formation adaptés à la réalité de chaque compagnie aérienne afin d’accélérer la formation de nouveaux pilotes plus rapidement. De plus, CAE fait appel à des outils de l’Industrie 4.0 afin élaborer de nouveaux systèmes de formation. Par le recours à l’internet des objets, au ‘nuage’, aux métadonnées, à l’intelligence artificielle et au machine-learning, CAE développe des programmes adaptés à la réalité de chaque compagnie aérienne et de leurs pilotes.
Dans le secteur de la défense, au cours des dernières années, CAE a su aussi se transformer, passant d’un fournisseur de simulateurs à un intégrateur de systèmes de formation. Ainsi la Société prend en charge l’ensemble des systèmes de formation pour ses clients en créant un centre clé en main qui inclut le curriculum, de même que la formation sur simulateurs et aéronefs.
Actuellement, une cinquantaine de forces armées dans plus de trente-cinq pays se fie à CAE afin de se préparer à des missions en tous genres, non seulement au niveau aérien, mais aussi terrestre, maritime et en sécurité publique. Par conséquent, CAE déploie du personnel sur plus de cent sites et bases militaires dans treize pays dont le Canada.
Comme le souligna le pdg de CAE, le Centre d’instruction de la mobilité aérienne à la base des Forces canadiennes de Trenton et le Centre de formation tactique de Petawawa, ‘deux des centres de formation militaire les plus perfectionnés au monde’ ont servi de modèle au ‘Made in Canada’ exporté partout dans le monde. ‘Vous devez faire vos preuves chez vous, avant de pouvoir exporter vos produits et services à l’étranger’ rappela-t-il.
Ainsi, la réussite du programme d’entraînement des pilotes de l’OTAN au Canada a permis à CAE de remporter le contrat de formation des pilotes, l’entraînement sur les avions à voilure fixe de l’US Army au nouveau centre de formation à Dothan, en Alabama. S’en est suivie l’obtention des contrats de formation des pilotes des drones General Atomics MQ-1 Predator et MQ-9 Reaper et ainsi que celle des équipages des ravitailleurs en vol Boeing KC-135 de l’US Air Force.
Aujourd’hui CAE exporte 90% de ses produits et services partout sur la planète.
De nos jours, les forces armées se tournent de plus en plus vers la simulation de façon a atteindre un niveau de formation supérieur et ce à moindre coût.
Une formation réelle de ravitaillement en vol à partir d’un Lockheed Martin C-130H Hercules, en plus de mettre en danger la vie des équipages, d’être un casse-tête de planification et une source de pollution peut facilement coûter 20 000 dollars alors qu’en simulateur, le déboursé ne sera que de l’ordre de 2000 dollars.
De toute évidence, les besoins en simulation seront grandissants surtout que pour la première fois en dix ans, les budgets de la défense sont à la hausse. Aux États-Unis, le budget du Department of Defense a atteint un sommet historique tandis qu’au Canada, la nouvelle politique de défense du gouvernement Libéral de Justin Trudeau prévoit une hausse du budget du Ministère de la défense nationale de 70% d’ici dix ans.
La priorité à l’innovation chez CAE a mené à la création de sa division Santé pour qui ‘il y a un parallèle entre les pilotes et les professionnels de la santé’ selon Marc Parent.
À ses yeux, les deux évoluent dans des conditions souvent complexes, en interaction avec une équipe, dans des situations où une erreur humaine peut être fatale et où la sécurité et le respect des protocoles sont primordiaux.
Par contre, contrairement aux équipages navigants, le personnel de la santé ne s’entraîne pas régulièrement et n’a nul besoin d’être recertifié tous les six mois.
CAE Santé intervient, avec des simulateurs et une offre complète de solutions pour la formation médicale, développés grâce aux synergies entre la division Santé et le savoir-faire en aviation sauvant ainsi de nombreuses vies et économisant des sommes importantes.
Ainsi CAE a lancé avec l’HoloLens de Microsoft, un nouveau simulateur pour la formation à l’échographie mais aussi des mannequins qui respirent, crient, saignent et simulent les fonctions du corps humain permettant de former le personnel médical à évaluer et à stabiliser un patient blessé, à contrôler une hémorragie et à s’exercer à fournir une assistance respiratoire.
L’innovation est l’ADN de CAE comme le souligne son pdg et est encouragée de plusieurs façons.
Les ‘Défis de l’innovation’ permettent aux employés de CAE de s’attaquer à certains enjeux d’affaires réels de l’entreprise.
De plus, l’entreprise collabore avec les universités et centres de recherche afin de rester branché avec le milieu universitaire.
Toujours braqué sur l’innovation, CAE se retrouve le porte étendard d’une des super grappes décidées par le gouvernement fédéral canadien, la grappe MOST21 portant sur des systèmes et des technologies de mobilité du XXIe siècle. Cette grappe réunit des joueurs non seulement de l’aéronautique, mais aussi de l’espace, du transport terrestre, du transport sur rail, de la propulsion hybride et électrique, de l’intelligence artificielle, de l’infonuagique, de la fabrication de pointe et des Clean Tech.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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