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MONTRÉAL – Lundi dernier, fut annoncée la fin des recherches du Boeing 777-200ER de Malaysia Airlines, immatriculé 9M-MRO, disparu des écrans radar, pour ne pas dire volatilisé, dans la nuit du 8 mars 2014 à 1h19 avec ses 227 passagers et 12 membres d’équipage, peu de temps après avoir décollé de l’aéroport de Kuala Lumpur International (KLIA) à minuit 28 à destination de l’aéroport Beijing Capital International (PEK). Livré au transporteur national malaisien, le 31 mai 2002, ce Boeing 777-200ER avait accumulé 53471 heures de vol et 7526 cycles.
Par la voix d’un communiqué de presse conjoint, l’Australie, la Malaisie et la Chine annoncèrent la fin des opérations de recherche car ‘Despite every effort using the best science available, cutting edge technology, as well as modelling and advice from highly skilled professionals who are the best in their field, unfortunately, the search has not been able to locate the aircraft…Accordingly, the underwater search has been suspended’.
Commencées au lendemain de la disparition du Boeing 777-200ER, les recherches auront duré presque trois ans et coûté plus de 180 millions de dollars américains. Au début, elles auront fait appel à des douzaines de navires et d’avions puis encore récemment, quatre navires sillonnaient encore l’océan Indien.
En dépit de n’avoir trouvé aucun indice dans les 120 000 km carrés d’océan scrutés, quelques vingt débris ont été découverts sur les plages de la Réunion, de l’Ile Maurice, du Mozambique ou encore de l’Afrique du Sud, loin de la zone de recherche. Aucun d’entre eux n’a permis de déterminer les causes de la perte de l’appareil.
Dans ce contexte, la disparition du MH370 risque bien de devenir le plus grand mystère de l’histoire de l’aviation.
Toutes les hypothèses ont été avancées depuis le jour fatidique de la volatilisation du Boeing, des plus plausibles :
Piraterie aérienne
Incendie à bord
Dépressurisation
Suicide d’un des pilotes
Aux plus farfelus :
Enlèvement par des extraterrestres
Séquestration sur une île déserte
Interception par les forces aériennes chinoises
Destruction en vol par un missile de l’US Air Force pour s’être approché de trop près de la       base de Diego Garcia
Les caméras de surveillance de la zone de fouille de l’aéroport de Kuala Lumpur révèlent d’énormes failles de sécurité au moment de l’embarquement de l’équipage et des passagers du MH370 alors que les forces armées malaysiennes se sont contredites quant au survol du Boeing 777-200ER au-dessus de la base de Sutang.
Cinq anas auparavant, l’aviation civile y avait échappé belle avec le vol de l’Airbus A330-200 F-GZCP du vol Air France AF449 disparu au-dessus de l’Océan Atlantique entre les aéroports de Rio de Janeiro-Galeão (GIG) et Paris-Charles de Gaulle (CDG) en pleine nuit du 1er juin 2009. Il faudra presque deux ans pour retrouver, in-extremis, au fonds de l’océan, l’épave du gros porteur et récupérer les boîtes noires qui, heureusement, révélèrent leur contenu.
Les acteurs de l’industrie du transport aérien que sont les avionneurs, les équipementiers, mais surtout les transporteurs, les gouvernements, les agences et organisations nationales et internationales telles que la FAA ou l’OACI auraient dû alors réagir plus énergiquement et la saga du vol MH370 n’aurait certainement pas eu lieu.
En cette période de technologies omniprésentes, il est incompréhensible qu’il soit impossible de suivre le vol d’un aéronef en temps réel où qu’il se trouve autour du monde. Nous prenons, simplement, pour acquis ce qui se passe dans les espaces aériens nord-américain et ouest-européen et même dans une bonne partie de celui de l’Atlantique-Nord où tous les aéronefs sont suivis en temps réel. Mais, malheureusement, cela n’est pas le cas dans la majorité de l’espace aérien de la planète y compris sur une partie de celui entre Rio et Paris ainsi que de celui entre Kuala Lumpur et Beijing. La disparition du vol MH307 souligne les limites des boites noires et des systèmes de suivi actuellement mis en service.
L’un des plus grands mystères de l’histoire de l’aviation civile risque de ne jamais être élucidé en dépit des gigantesques efforts déployés particulièrement par l’Australie.
De toute évidence, une telle situation est franchement incompréhensible et intolérable car la technologie de suivi des vols en temps réel existe belle et bien.
À la suite de la disparition du vol MH370, la recommandation d’un tracking toutes les tant de minutes a émergé et s’impose, peu à petit, grâce à des travaux de groupes de réflexion sous l’égide de l’IATA et de l’OACI
Il faut aussi remonter à la disparition du vol AF 447 et aux travaux du BEA français sur la transmission et la récupération des informations de vol en cas d’accident devant permettre une meilleure et plus rapide localisation et compréhension des événements conduisant à une catastrophe. La possibilité de transmission en temps réel des paramètres de vol fut évoquée mais néanmoins, rien ne fut fait réellement sur le plan réglementaire.
Il ne faut pas se faire d’illusion, la généralisation de l’utilisation du tracking par les transporteurs aériens ne pourra être une réalité que si ces entreprises y trouvent leur compte.
De tels systèmes de transferts de données en temps réel entre l’avion et les centres de contrôle des transporteurs au sol transmettent en plus des données de localisation, toutes les données vitales de l’appareil permettant aux équipes d’entretien, de connaître, l’état de tous les systèmes de l’aéronef avant même qu’il ne se pose et ainsi faire gagner un temps précieux aux équipes de maintenance.
Ces rapports de fin de vol, augmenteraient la capacité à surveiller les systèmes et à mieux programmer les actions de maintenance préventive et permettraient de constituer des bases de données sur les comportements, l’efficacité et les performances de ces systèmes et finalement faciliter le ‘data mining’.
Le recours au suivi en temps réel des vols deviendrait une source d’économies pour les transporteurs ce qui pourrait ainsi leur faire accepter de tels systèmes de tracking.
De tels systèmes existent déjà dont le STAR-A.D.S. de la firme torontoise Star Navigation qui a été testé, validé et vole maintenant. Comme le soulignait Jean-Louis Larmor, le vice-président au développement des affaires de cette firme, le système a obtenu des STC de Transport Canada pour les jets commerciaux Boeing 737Classic et 737Next Generation, Airbus A310, A320 et A340 et le bireacté d’affaires Bombardier Learjet 45 dont un exemplaire au service de Skyservce à Montréal en est équipé.
De la même façon qu’un vol commercial est de nos jours inimaginable sans un système de divertissement de bord (In-Flight Entertainment System ou IFE) pour chaque passager et même maintenant sans le WiFi, le tracking en temps réel des vols doit devenir obligatoire.
Car comment expliquer que nous n’ayons encore pas la moindre idée de ce qu’il est advenu de ce Boeing 777-200ER et, surtout, de ses 239 occupants.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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