MONTRÉAL – Dans le cadre de la Semaine de l’aviation civile de Montréal, Aéro Montréal, le forum stratégique de la grappe aérospatiale du Québec, a réuni samedi dernier, le 1er octobre 2016 près de 400 participants aussi bien étudiants que représentants d’entreprises, du gouvernement ou de l’enseignement, à l’École de technologie supérieure de Montréal (ÉTS). La raison en était la tenue du premier concours d’étude de cas portant sur le développement d’un avion 100 % récupérable.
Aerospace Valley, Aéroports de Montréal, Bombardier et AéroÉTS s’étaient associés à Aéro Montréal pour l’occasion.
Après le discours d’ouverture de Pierre Dumouchel, directeur général de l’ÉTS et de Suzanne Benoit, pdg d’Aéro Montréal, deux conférenciers prirent la parole.
Dans un premier temps, Kahina Oudjehani, leader en Éconoconception, ingénieure en développement de produits aéronautiques chez Bombardier Aéronautique entretient l’auditoire avec sa présentation intitulée : ‘Integrating The Environment Life Cycle Approach to the CSeries’.
Dans un second temps, Keith Lawless, directeur principal, durabilité et amélioration des affaires chez Air Transat, raconta l’expérience du transporteur dans le démantèlement de deux de ses biréactés gros porteurs Airbus A310 à l’aéroport Montréal-Mirabel.
La revalorisation des aéronefs constitue un des principaux défis pour l’avenir de l’industrie aérospatiale mondiale. Actuellement, Airbus et Boeing livrent à eux deux, près de 1500 avions de ligne à réaction (762 Boeing et 635 Airbus), des niveaux de production impensables, il y a à peine vingt ans. Ceci est sans compter les plus de 250 avions de transport régional construits par ATR, Bombardier et Embraer.
Au cours des dernières années, l’obsolescence technique et l’introduction de nouveaux standards environnementaux ont réduit la durée de vie moyenne d’un avion commercial, qui aujourd’hui est passée de 31 ans à 26 ans. Il est estimé que 6 000 avions commerciaux seront retirés du service dans les 20 prochaines années alors que le nombre de passagers par transport aérien devrait doubler d’ici 2036 pour atteindre les 7,3 milliards.
Dans ce contexte, par ce concours d’études, des étudiants post-secondaires et universitaires du Québec ont été appelés à développer une solution durable et rentable permettant de récupérer 100 % des pièces d’un avion en fin de vie ici, au Québec.
‘Nous sommes particulièrement fiers de constater l’implication des jeunes aux côtés d’acteurs majeurs de l’industrie lors de cette journée’ lancera la présidente-directrice-générale d’Aéro Montréal. ‘Cela montre l’importance de la prise en compte des facteurs environnementaux par les étudiants dans l’industrie aérospatiale, dès le début de leurs études post-secondaires. L’industrie aérospatiale suscite beaucoup d’intérêts chez les jeunes. Nous devons maintenir cette passion et l’encourager pour assurer une relève de qualité et indispensable’ expliqua Suzanne Benoît.
Elle souligna que ‘De telles initiatives sont nécessaires pour stimuler l’ingéniosité de nos jeunes et développer leur intérêt pour le secteur aérospatial. La thématique de la revalorisation des avions est au centre des défis de demain….ce concours est à l’image du leadership que notre industrie démontre envers les préoccupations environnementales en aérospatiale et une excellente opportunité pour sensibiliser la relève à cet enjeu’ conclura-t-elle.
Le concours d’études de cas ‘vers un avion 100% recyclable’ a fait appel à des équipes de deux à quatre étudiants du Québec devant imaginer une solution permettant de récupérer 100% d‘un avion en fin de vie à l’horizon 2030. Les finalistes présentèrent leur projet devant un jury de spécialistes sur le modèle de l’émission ‘Dans l’œil du Dragon’ présentée à la télévision de Radio-Canada.
Se retrouvèrent sur ce jury :
La première équipe à présenter son projet fut celle de Cyclair constituée de :
Son objectif est de développer un pôle québécois de démantèlement d’aéronefs en fin de vie
La solution de ce pôle de démantèlement, aux dires de ses membres, permettra de recycler ou de revaloriser 100% des aéronefs.
Actuellement, seulement 20% des matériaux d’un avion ne sont pas revalorisés. La solution de Cyclair se montre novatrice dans la réutilisation de ce 20% principalement constitué de matériaux polymères et composites. Pour chacun de ces matériaux, des applications nouvelles ou existantes ont été trouvées afin de les recycler. Cette équipe favorise la vente des matériaux à des industries locales pour qu’ils soient réutilisés dans la fabrication de leurs produits. De plus, certains matériaux composites seront transformés dans une usine sur place par une équipe spécialisée.
Les autres 80% sont constitués principalement de métaux qui seront recyclés selon des méthodes conventionnelles et de pièces qui seront revendus à des compagnies aériennes et des centres de maintenance.
La solution de Cyclair se veut socialement et environnementalement acceptable tout en étant viable économiquement.
Présentation disponible à :
http://casestudy.aeroportail.ca/uploads/projets/d757615ad39b4d457bcfd840f672891beb0a95cc.pdf
L’équipe d’AerospaceEcoCycle réunissant :
vise à la mise sur pieds d’une plateforme de démantèlement innovante pour un recyclage de Boeing 777 à la hauteur de 100%
Le démantèlement d’avion de ligne fait figure d’un marché porteur en pleine expansion particulièrement dans le cas des gros porteurs biréactés Boeing 777, le best seller sur le créneau des Widebodies. Entrés en service en 1995, plus de 1434 777-200, 777-200ER, 777-300, 777-300ER et 777F ont déjà été livrés et plus de 1300 sont encore en service. L’entrée en service des 777-8 et 777-9 à partir de décembre 2019, permettra aux carnet de commande du 777, actuellement à 1893 exemplaires, de dépasser bientôt les 2000 exemplaires. AerospaceEcoCycle a décidé de prendre les devants et réaliser le défi de créer une plate-forme québécoise agréée et certifiée qui respecte les exigences environnementales et sociales de la province.
En prenant en compte un cycle de vie moyen de 25 ans par avion, ce sont pas moins de 1329 Boeing 777 qui arriveront en fin de vie dans les 25 prochaines années alors que d’autres commandes sont prévues pour les années à venir. Le démantèlement de ce type d’avion de ligne fait donc figure d’un marché porteur en pleine expansion. AerospaceEcoCycle a ainsi décidé de prendre les devants et de réaliser le défi de créer une plate-forme québécoise agréée et certifiée qui respecte les exigences environnementales et sociales de la province.
Présentation disponible à :
http://casestudy.aeroportail.ca/uploads/projets/b9e4f2ba8c3b72a4918c7b45afede9019b48c51f.pdf
L’équipe Process Engineering Advanced Research Lab ou PEARL constituée de :
s’est fixée pour objectif de récupérer 100% d‘un avion en fin de vie à l’horizon 2030, en proposant deux solutions (stratégique et technique) qui permettront non seulement d’éviter la pollution de l’environnement, mais aussi d’aider à recycler des ressources précieuses, qui ont une signification pratique considérable pour l’amélioration continue de l’environnement de la vie humaine et le recyclage des ressources.
Le recyclage des aéronefs aide l’industrie du transport aérien à être plus respectueux de l’environnement et à réduire les coûts. Il est estimé que 6000 avions commerciaux seront mis hors service au cours des 20 prochaines années. Les matériaux composites jouent un rôle majeur pour l’industrie aérospatiale moderne. Ils sont utilisés pour de nombreuses applications structurelles telles que les panneaux, les carénages et les empennages ou à l’intérieur de l’avion pour fabriquer les poutrelles de plancher. L’aluminium et ses alliages sont également utilisés pour la réalisation du fuselage, tandis que la partie majeure du poids de l’avion est fabriquée en acier. Les matériaux composites sont largement utilisés aujourd’hui dans la fabrication des avions de ligne de la présente génération tels que le Boeing 787 et l’Airbus A350, en remplaçant une grande partie de l’aluminium utilisé.
Selon l’Aircraft Fleet Recycling Association (AFRA), de 80 à 85% d’un aéronef est actuellement recyclé. Le pourcentage restant soit entre de 15 à 20%, comprend les composites de fibres et les appareils électroniques. Le défi actuel est que les procédés de recyclage ne sont pas encore mis en Å“uvre ou disponibles pour recycler ou bien même réutiliser ces types de matières.
Présentation disponible à :
http://casestudy.aeroportail.ca/uploads/projets/332e7e744bb357d18b626c3071882cbeb51b9d84.pdf
L’équipe de Vaerro regroupant :
s’est donnée comme but de présenter un projet de recyclage d’un aéronef à 100% maximisant la rentabilité, la viabilité environnementale et l’acceptation sociale. Pour ce faire, l’idée leur est venue de concevoir des bâtiments destinés aux régions éloignées à partir d’anciens avions et en recyclant toutes les composantes de ces derniers s’est développée. Certes, le territoire du Québec est vaste mais à très faiblement peuplé. Cela qui se traduit par des régions où le manque de ressources est flagrant. La solution proposée par Vaerro tient donc compte des dilemmes modernes tels que le développement du Nord québécois et des communautés autochtones en plus de l’enjeu environnemental. En effet, l’équipe composée de deux étudiantes en ingénierie mécanique et d’un étudient en environnement propose d’utiliser les différentes parties d’avions recyclés afin de construire des habitations, des écoles, des marchés ou des salles communautaires ayant leurs propres systèmes de génération électrique à partir de gaz naturel et, lorsqu’applicable, leur système de pompage d’eau courante. D’un point de vue marketing, ces bâtiments seront originaux et intéressants. D’un point de vue écologique et social, ils pourraient être achetés par les différentes industries et par le gouvernement fédéral afin de subvenir aux besoins de plusieurs différentes communautés.
Présentation disponible à :
http://casestudy.aeroportail.ca/uploads/projets/91e43f07a4538b2d07144af48a0b5fc732fc1394.pdf
Entre la deuxième et troisième présentation, Hani Mustapha, maintenant directeur de l’AéroÉTS après une longue et fructueuse carrière chez Pratt & Whitney Canada qui culmina avec sa nomination en 2010 en tant que Senior Research Fellow, fit devant un auditoire captif, une présentation sur la turbine P&WC PT6 construite à plus de 51 000 exemplaires depuis 1960, devant un écorché de celle-ci.
En présence entre autres de la députée Libérale d’Outremont et Ministre responsable de l’Enseignement supérieur du Québec, madame Hélène David, mesdames Suzanne Benoit, pdg d’Aéro Montréal et Nathalie Paré, directrice générale du Comité sectoriel de main-d’œuvre en aérospatiale (CAMAQ) remirent le premier prix à l’équipe du projet Cyclair, de l’équipe de l’École Polytechnique de Montréal.
Le deuxième a été attribué à l’équipe Aerospace Ecocycle de Polytechnique Montréal et l’ÉTS; la troisième à celle de PEARL de Polytechnique Montréal et la troisième à celle de Vaerro de l’Université de Sherbrooke et de l’ÉNA.
De toute évidence, de telles compétitions sont un moyen idéal de pousser au plus haut niveau la recherche de solutions intelligentes alliant emplois et écologie, de stimuler les étudiants et même, de susciter des carrières.
Ce concours d’études de cas portant sur l’avion 100% récupérable est, sans hésitation, une formidable idée. Souhaitons qu’il ne sera pas sans lendemain.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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