Mercredi, le 29 juin, a été un grand jour pour Bombardier. En soirée, une grande fête a réuni un millier de personnes, employés, fournisseurs, dignitaires et journalistes, pour la remise du premier CS-100 de production à la compagnie SWISS International Air Lines, une filiale de Lufthansa. À la porte du hangar bondé dans lequel se déroulait l’événement, des camions-cuisines servaient de la fondue suisse, de la poutine et des beignes.
Enfin des revenus significatifs
Il y avait de quoi fêter. Non seulement le CSeries entreprend sa carrière commerciale, mais il commence enfin à générer des revenus significatifs. Pour prendre livraison de son premier avion, SWISS a en effet dû faire un chèque de plusieurs millions de dollars américains et il en ira de même pour les autres avions que Bombardier prévoit livrer d’ici la fin de l’année. Le directeur du programme CSeries, Rob Dewar, nous a confirmé que la compagnie prévoyait livrer de 15 à 18 avions d’ici la fin de l’année. Pour l’année 2016, ces livraisons permettront d’accroître les revenus de Bombardier de façon significative.
Selon l’analyste Richard Aboulafia, vice-président du Teal Group, les acheteurs paient une avance qui varie entre 2 et 5 % du montant total de leur commande ferme au moment de la signature de l’entente. Dans le cas d’Air Canada par exemple, le montant théorique de la commande est de 3,9 milliards de dollars américains mais les analystes estiment que le montant réel avoisine les deux milliards seulement. L’avance payée la semaine dernière par le transporteur, si elle est de 2%, devrait donc avoisiner les quarante de millions.
Par la suite, une autre tranche de 40% à 45 % est versée par étapes au cours de la fabrication de l’avion. Le solde, environ la moitié du prix convenu, est versée à la livraison. Dans le cas de SWISS, on peut présumer que ce chèque se chiffre à une douzaine de millions. Ce versement, tout comme l’avance d’Air Canada, sera inscrit aux résultats financiers du deuxième trimestre qui seront publiés le 5 août prochain. Si des ententes fermes sont signées à Farnborough, les avances seront incluses dans les revenus du troisième trimestre. En additionnant les avances, les paiements d’étapes et les paiements de livraisons, ce sont quelques centaines de millions qui s’ajouteront cette année aux revenus de Bombardier. Ces montants devraient doubler en 2017 et à nouveau doubler en 2018.
D’importants défis à venir
Bombardier a encore d’importants défis à relever car les résultats financiers du deuxième trimestre ne contiendront pas que de nouveaux revenus. Ils comporteront également une provision pour perte de 500 millions qui permettra d’éponger la perte découlant de la vente à un prix inférieur au coût réel des CSeries à Air Canada, Delta et Air Baltic. Les pertes de ce genre continueront de s’accumuler pendant quelques années encore. Lors de la conférence téléphonique qui a suivi la publication des résultats du premier trimestre, Alain Bellemare a expliqué que la perte par avion irait en diminuant progressivement pour être ramenée à zéro en 2020, année au cours de laquelle la compagnie commencera à engranger de véritables profits d’opération.
La perte de 500 millions qui sera inscrite aux résultats du deuxième trimestre illustre bien des défis que doit encore affronter Bombardier :
À court terme, cet objectif sera facile à atteindre. Le nombre d’avions livrés quadruplera au cours des deux prochaines années sans qu’il soit nécessaire d’investir dans de nouveaux équipements ni qu’il soit nécessaire d’ajouter beaucoup de personnel. Le coût unitaire des CSeries et la perte par avion vont donc diminuer automatiquement. La capacité maximale de l’usine de Mirabel était de 120 avions par année, mais elle vient d’être révisée à 150 avions, ce qui devrait permettre de réduire davantage le coût unitaire. De plus Bombardier va demander aux sous-traitants du CSeries de réduire leurs prix.
Le deuxième défi est évidemment d’arriver à vendre 150 avions par année tout en augmentant le prix de vente moyen. Cet objectif sera beaucoup plus difficile à atteindre. Une des questions que beaucoup d’analystes se posent actuellement est de savoir si nous sommes à la veille d’un ralentissement marqué de la croissance dans le secteur du transport aérien.
Si cette hypothèse devait se confirmer, plusieurs compagnies pourraient se voir dans l’obligation de réduire leurs achats de monocouloirs et peut-être même d’annuler certaines de leurs commandes récentes. Une vague d’annulations nuirait surtout à Airbus et à Boeing, mais elle rendrait plus difficile la croissance des ventes chez Bombardier. On peut également craindre que la guerre de prix que les deux géants livrent à Bombardier ne devienne encore plus féroce.
La dette totale de Bombardier avoisine les neuf milliards de dollars américains. Une partie de cette dette arrivera à échéance prochainement et devra être refinancée. Une première tranche de 650 millions arrivera à maturité en mars 2018, une seconde tranche de 750 millions en septembre 2018 et une troisième tranche de 600 millions en avril 2019, pour un total de 2 milliards de dollars américains.
Afin de refinancer cette dette à un taux acceptable, Bombardier doit prouver aux prêteurs qu’elle est sur la voie d’un retour à la rentabilité. Il est donc nécessaire de maximiser les ventes et les revenus tout en réduisant les dépenses au cours des deux prochaines années. De plus, pas question de lancer de nouveaux projets importants, comme le lancement d’un CS500 ou d’un Global 8000, avant que ces refinancements soient complétés.
En marge de la cérémonie de livraison du premier CSeries, le président de Bombardier, Alain Bellemare, répétait aux journalistes que l’avenir de l’avionneur québécois n’était plus remis en cause comme c’était le cas il y a un an. Il y a encore plusieurs «défis à relever» rapidement, pour employer le langage à la mode dans le milieu des affaires, mais ces problèmes seraient «gérables». Bombardier pourra donc devenir prochainement le troisième plus important fabricant d’avions de ligne au monde, derrière Airbus et Boeing. Toutefois, à plus long terme, le défi sera de conserver et de consolider cette troisième place, face à la concurrence russe et chinoise.
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
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