La journée sera déterminante pour Bombardier. Le Conseil d’administration de la compagnie Delta Airlines se réunit aujourd’hui, mercredi, et il devrait donner son approbation finale à l’achat du C Series. La nouvelle pourrait être annoncée dès aujourd’hui ou demain au plus tard. C’est ce que permet de penser un événement tout à fait inattendu. Bombardier, qui devait publier ses résultats financiers du premier trimestre vendredi, lors de son assemblée annuelle, a devancé cette publication de 24 heures sans en donner la raison.
Toutes les hypothèses pointent en direction de Delta. Comme cette décision est un événement très attendu et très médiatisé, il est probable que les bourses ont exigé des deux entreprises qu’elles annoncent la nouvelle dès que la décision deviendra officielle afin d’éviter toute spéculation. Il est certain que cette nouvelle, si elle se confirme, va transformer profondément la situation financière de Bombardier, qui traverse une grave crise de liquidités depuis l’automne dernier.
La crise des liquidités amoindrie
Une commande de Delta confirmerait l’amélioration récente des perspectives de ventes du C Series. En février, Il y a d’abord eu la commande ferme d’Air Canada pour 45 CS300, accompagnée d’options sur 30 autres appareils. Selon les rumeurs, Delta Airlines devrait passer une commande ferme de 75 CS300 et prendre des options sur 50 autres appareils. Dans ce contexte, l’aide financière d’Ottawa demeure-t-elle encore nécessaire ?
Avec plus de 300 commandes fermes et un grand nombre d’options qui ont de fortes chances d’être converties en commandes fermes rapidement, Bombardier sera en mesure de faire tourner la ligne de production du C Serie à pleine vapeur pendant plusieurs années. L’usine du C Series, située à Mirabel, peut assembler 120 avions par année, un niveau de production atteignable d’ici 2 à 4 ans.
Si on présume que le prix de vente moyen réel des C Series se situe aux environs de 30 millions de dollars américains par avion, Bombardier engrangera des revenus additionnels d’environ 3,6 milliards par année. Ces ventes ne vont pas produire beaucoup de profits, probablement aucuns en fait puis que ces avions seront vendus à perte pendant encore quelques années. Par contre, même à perte ces ventes vont améliorer considérablement les liquidités de l’entreprise. Si la vente à Delta se concrétise, le problème de liquidité devrait être sous contrôle. La dette augmentera encore un peu, mais Bombardier arrivera à la refinancer sur le marché obligataire.
L’argent d’Ottawa
La crise à court terme devrait s’en trouver réglée, mais il reste encore à financer la croissance de l’entreprise à long terme. La meilleure façon d’y arriver n’est pas nécessairement par un investissement massif en capital-actions provenant d’Ottawa. Lorsqu’un gouvernement investit un milliard dans une entreprise, il se place en position pour réclamer une part proportionnelle des profits futurs de l’entreprise. Il en résulte une dilution importante des actionnaires ordinaires qui verront leur profit par action diminuer. Ces actionnaires ont déjà été fortement dilués par l’investissement du Gouvernement du Québec et celui de la Caisse de dépôts et placement du Québec. Ils ne souhaitent certainement pas être dilués encore plus car la remontée du prix de l’action pourrait s’en trouver entravée. Il serait donc préférable que le gouvernement fédéral intervienne autrement.
Des achats de matériel militaire
Tous les gouvernements du monde, à l’exception du Canada, ont aidé leur industrie aérospatiale au moyen de lucratifs contrats d’achat de matériel militaire. Prenons le cas du Brésil et de l’aide accordée à Embraer.
Il y a quelques années, le ministère brésilien des Postes cherchait à acquérir un avion pour transporter le courrier dans les régions éloignées du pays. Le ministère de la Défense, pour sa part, avait besoin d’un avion léger pour le transport des troupes et de l’équipement. Le gouvernement brésilien n’a pas hésité un seul instant avant d’octroyer un contrat à Embraer pour développer un nouvel avion approprié à ces besoins. C’est ainsi qu’est né le joli KC390 qui en est maintenant à l’étape de la certification.
Ajoutons que les contrats d’achat de matériel militaire échappent complètement aux règles de l’OMC, de l’ALÉNA et des autres traités commerciaux. Le Canada, qui n’est pas plus bête que le Brésil, devrait en faire autant. Au cours des années qui viennent, nous aurons besoin d’avions ravitailleurs pour remplacer les CC-150 Polaris, des Airbus A310, ainsi que quelques CC-130 Hercules, des Lockheed C-130. Nous devrons également remplacer nos 18 vieux avions de patrouille maritime, les CP-140 Aurora qui datent du début des années quatre-vingt. C’est le genre d’utilisations pour lesquelles le C Series pourrait être modifié.
Bombardier a vendu à l’occasion des avions d’affaires qui ont été transformés en avions radar. C’est le cas du Global Express à partir duquel la compagnie Raytheon a développé pour la RAF le Sentinel, un avion permettant de coordonner le travail des troupes au sol. Bombardier est malgré tout un des seuls avionneurs au monde à ne pas posséder son propre secteur militaire. Un contrat fédéral lui permettrait de développer cette expertise nouvelle qui pourrait s’avérer hautement lucrative.
En plus d’aider Bombardier, cette option nous donnerait l’assurance que nos achats militaires se traduiraient rapidement par des retombées industrielles et de nouveaux emplois en haute technologie ici plutôt qu’à l’étranger. Voilà à quoi devrait servir le milliard fédéral.
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
Intéressant ton article Daniel.
Je suis aussi le dossier Bombardier Aviation de très près, surtout la C Series. D’ailleurs Boeing voyant le CS 300, ils ont fait quelques modifications précisément pour compétitonner Bombardier. Le Boeing 737-7 sera Boeing 737-7.5 ( 🙂 ) Bombardier commence à déranger! Leur ”bashing” n’a pas fonctionné. Lol!
https://leehamnews.com/2016/04/27/737-7x-737-10-studies-illustrate-boeing-weakness-single-aisle-market/
“L’usine du C Series, située à Mirabel, peut assembler 120 avions par année, un niveau de production atteignable d’ici 2 à 4 ans.”
Non je ne crois pas que cela soit possible présentement car l’usine qui permettrait une telle cadence n’a pas encore été construite. Le nouveau bâtiment où le C Series est assemblé n’est en réalité que l’usine de pré-assemblage qui avait été prévue à l’origine. Pour monter la cadence à 120 avions par année il faudrait construire un deuxième bâtiment juste en face (vers l’ouest) qui accommoderait une ligne d’assemblage mobile. On n’en est pas encore là, mais si les grosses commandes continuent d’affluer il faudra sans doute construire le bâtiment manquant. Mais il y a plus que cela car l’emplacement est prévu pour accueillir une double installation qui permettrait de porter la cadence à 240 avions par année. Cela nécessiterait la construction d’une deuxième usine de pré-assemblage juste à côté (vers le nord). On peut d’ailleurs déjà apercevoir la ligne d’ancrage où les deux bâtisses s’emboîteraient si cela devait se concrétiser. Il faudrait également construire une deuxième ligne mobile à côté et en parallèle de celle qui n’a pas encore été érigée. Au total on aurait deux usines de pré-assemblage en parallèle suivie de deux lignes mobiles également en parallèle et où les avions seraient transférés après avoir été pré-assemblés.