Le vent de changement qui souffle à Ottawa pourrait permettre à la nouvelle ministre fédérale de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, d’orienter la politique canadienne dans une direction entièrement nouvelle. La conférence COP21 qui s’ouvrira à la fin du mois à Paris permettra de voir jusqu’où le nouveau gouvernement Trudeau est prêt à aller pour lutter contre le réchauffement de la planète.
Les erreurs du passé
Lorsque le Canada a signé le protocole de Kyoto, en 1997, notre gouvernement était probablement rempli de bonne volonté, mais il a commis des erreurs graves dans la préparation de l’entrée en vigueur du traité en 2005. La plus importante de ces erreurs a été de ne pas voir l’ampleur et les dangers que présentait l’industrie des sables bitumineux.
Pire encore, les libéraux et les conservateurs qui se sont succédé au pouvoir au cours de ces années ont accordé des avantages fiscaux importants à cette industrie afin qu’elle puisse accélérer son développement. Nos dirigeants n’ont-ils donc jamais pris conscience qu’il était impossible de mettre en œuvre le traité de Kyoto tout en permettant la croissance rapide de l’exploitation des sables bitumineux, une source importante de gaz à effet de serre ?
Selon l’Institut Pembina, l’industrie des sables bitumineux, qui émettait 17 millions de tonnes de gaz à effet de serre par année en 1990, en produisait 48 Mt en 2010. Pire encore, si tous les projets de construction d’installations de traitement des sables bitumineux se réalisent, l’Institut prévoit que ces émissions augmenteront à 104 Mt en 2020
Le problème existait pourtant depuis très longtemps. Les usines de traitement des sables bitumineux ne sont, en effet, pas apparues subitement après la signature du traité de Kyoto. La première production commerciale de ce type de pétrole, par la compagnie Abasand, remonte à 1938. La mise en service de la première usine commerciale du consortium Syncrude a eu lieu en 1978.
Au moment de la signature du traité de Kyoto, l’industrie avait complété la longue et difficile mise au point du procédé d’extraction actuellement utilisé. Les plans des nouvelles usines étaient sur les tables à dessin et la première pelletée de terre pour leur construction, sur le point d’être levée. En 2004, à la veille de l’entrée en vigueur du traité de Kyoto, la production de pétrole provenant des sables bitumineux atteignait déjà un million de barils par jour. Cette année, elle devrait s’élever à 3,9 Mbj puis à 4,9 Mbj en 2020.
Le défi à relever
La première tâche de madame McKenna sera d’arrêter cette croissance excessive. La faiblesse actuelle des cours du pétrole devrait favoriser l’atteinte de cet objectif. De nombreux projet d’expansion ont été mis sur la glace par l’industrie et la ministre doit maintenant s’assurer qu’ils ne renaîtront pas lorsque les prix remonteront.
Depuis un an et demi, le prix du baril de pétrole du Texas (WTI) est passé de 105 dollars américains à 40 dollars récemment. L’agence internationale de l’énergie prévoit que ce prix demeurera inférieur à 80 $ jusqu’en 2020. Or le coût de production du pétrole provenant des sables bitumineux avoisine les 50 dollars américains. C’est donc une belle occasion de plafonner le développement de l’industrie à son niveau actuel ou même de le ramener à un moindre niveau.
Souhaitons que madame McKenna et le gouvernement Trudeau ne répéteront pas les erreurs du passé et qu’ils auront le courage politique d’affronter les obstacles gigantesques qui se dresseront devant eux. Le plus difficile sera certainement de résister aux pressions des compagnies pétrolières et des milieux financiers.
Après des études en science politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Institut d’études politiques de Paris, Daniel Bordeleau a entamé une carrière de journaliste qui s’étale sur plus de 35 ans. Il a travaillé principalement pour la Société Radio-Canada où il est d
Commentaires