MONTRÉAL – Décidément Bombardier est la vedette médiatique incontestée de la semaine dans le monde de l’aérospatiale.
Après les rumeurs quant à un rapprochement entre Bombardier et Airbus qui se sont révélées exactes, c’est au tour d’avancer le nom de Boeing comme potentiel partenaire de l’avionneur québécois après celui des Chinois.
Aviation Week & Space Technology rapportait en ce jeudi dans un article en ligne de son correspondant à Francfort, en Allemagne, Jens Flottau, les propos sur le CSeries de deux experts reconnus, Richard Aboulafia, vice président du Teal Group de Fairfax en banlieue de Washington, une connaissance de plus de vingt ans et Kevin Michaels, vice président d’ICF International de Fairfax en Virginie, rencontré l’été dernier au Salon du Bourget.
Pour le premier, la situation est grave ‘Since Bombardier lacks the ressource to make the CSeries a commercial success on its own and since we can’t foresee a partner, Teal Group expects the program to be canceled’. Le second est à peine plus optimiste ‘The very fact that Bombardier was talking to Airbus implies that they badly needed to talk with someone and that there was no one else…’ ajoutant que ‘the odds of cancellation have gone up considerably’. Néanmoins, il reconnaît qu’un investisseur aux reins solides pourrait toujours se manifester et pourquoi pas les états canadien et québécois bien que de se conformer aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce (WTO) pourrait s’avérer ardu.
Monsieur Aboulafia prévoit qu’il faudrait à Bombardier de 3 à 6 milliards de dollars américains pour mener à bon port le CSeries. Selon lui, l’avionneur aurait besoin d’une injection de fonds d’ici la mi-2016. De leur côté, les experts du Crédit Suisse évaluent que la mise en production du CSeries nécessiterait de 2 à 3 milliards de dollars tandis que l’arrêt du programme au moins un milliard.
Les chinois ont toujours été perçus comme les partenaires les plus probables de Bombardier sur le CSeries. Shenyang Aircraft Corporation, une filiale de China Aviation Industry Corporation (AVIC) fournit déjà des tronçons de fuselage du CSeries. Une prise de participation chinoise du programme CSeries garantirait un accès privilégié au marché chinois au biréacté canadien ce qui pourrait se traduire aisément par quelques centaines de ventes en Chine ainsi que dans des pays d’Asie et d’Afrique où l’influence chinoise est importante.
Pour eux avoir accès au savoir–faire aéronautique occidental par une alliance d’une nature ou d’une autre avec Bombardier leur permettrait d’exécuter un grand bond en avant. Le biréacté de 98 à 105 places de COMAC, une autre filiale d’AVIC, l’ARJ-21, un dérivé du Mc Donnell Douglas MD-80 propulsé par une paire de réacteurs General Electric CF-34-10A qui bien que lancé en 2008, ne sera pas certifié avant au moins l’an prochain suite à des reports successifs. De plus COMAC ne cache pas de grandes ambitions. La société a déjà lancé le C919, un biréacté monocouloir de 150 à 190 places qui vise directement le gigantesque marché en terme d’unités des Airbus A320 et Boeing 737. Le C919 devrait prendre son envol cette année pour une entrée en service en 2018. Suivraient ensuite les gros porteurs C929 de 290 sièges et le C939 de 390 sièges.
En mars 2011, Bombardier et COMAC ont signé une entente cadre de collaboration sur les programmes CRJ, CSeries, Q400, ARJ-21 et C919.
De la sorte, Bombardier apporterait à AVIC et COMAC, une expertise rare en matière de certification, de mise en service et de soutien après-vente d’un aéronef commercial. Rappelons qu’aucun pays hormis les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, Israël et le Canada ne possèdent une telle expertise.
Mardi, l’agence de presse Reuters évoquait Boeing comme éventuel interlocuteur de Bombardier.
L’avionneur de Seattle travaille depuis plusieurs années sur un projet de remplaçant du Boeing 737 connu sous le nom de Yellowstone. Les ingénieurs de Boeing planchent sur un biréacté monocouloir totalement neuf, évoquant même le recours à un aéronef à deux couloirs pour accélérer l’embarquement et le débarquement des passagers et réduire le temps au sol. Une réduction de l’ordre de 15% de la consommation de carburant et d’autant des coûts directs d’opérations directe reste l’objectif pour aller de l’avant avec un avion totalement nouveau. Mais pris de court par la décision d’Airbus de remotoriser la famille A320 avec les tout nouveaux moteurs Pure Power de Pratt & Whitney et Leap56 de CFM International, Boeing a du se résoudre à lui aussi remotoriser la famille du 737 NextGen avec le Leap56, à lancer le 737MAX et à repousser à l’horizon 2030, la mise en service d’un tout nouveau remplaçant du 737. De plus, l’avionneur de Seattle n’a pas trouvé utile de développer un successeur au plus petit membre de la gamme du 737Next Generation, le 737-600, d’une capacité de 108 à 123 passagers. Faut-il rappeler que le gros des ventes du 737MAX est accaparé par le 737MAX8 d’une capacité de 162 à 175 sièges alors que le 737NextGen, le plus vendu, est le 737-700 accueillant de 128 à 140 passagers.
Mais où serait alors l’intérêt pour Boeing de collaborer avec Bombardier sur le CSeries, l’avionneur de Seattle constatant la hausse de la capacité des monocouloirs court et moyen courrier. Qui plus est, les deux appareils ne partagent pas les mêmes moteurs contrairement au CSeries et à l’Airbus A320.
Finalement contrairement à l’avionneur européen, Boeing ne rachèterait un concurrent dans le seul but de l’éliminer.
Une chose est certaine quant à la tendance de la capacité des monocouloirs. Les transporteurs aériens visent à transporter plus de passagers sur un nombre réduit de vol ce qui est loin d’être favorable au CSeries.
Cela représente une tendance inverse à celle des gros porteurs où la desserte directe de point à point se traduit par l’utilisation d’aéronefs de plus faible capacité.
Le titre de Bombardier (BBD-B.TO) au Toronto Stock Exchange a clôturé en ce jeudi 8 octobre 2015 à CAN$1,56 en hausse de CAN$0,02 ou 1,30% après avoir atteint CAN$1,56.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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