MONTRÉAL – Ces derniers jours, l’agence de presse Reuters a publié trois articles sur Bombardier dont le dernier émis mardi en milieu d’après-midi, est le plus percutant.
Selon ses correspondants à Montréal, Washington et Paris, respectivement Allison Lampert, Andrea Shalal et Tim Hepher, l’avionneur européen Airbus et la montréalaise Bombardier auraient tenu des discussions en vue d’unir leurs efforts pour le monocouloir biréacté CSeries.
Par voie de communiqués, diffusés en début de soirée, Airbus et Bombardier confirmèrent avoir été en pourparlers pour une prise de participation majoritaire par le constructeur européen dans le programme CSeries de Bombardier.
L’objectif était pour Airbus d’aider Bombardier à compléter le développement du CSeries en échange d’une prise de contrôle majoritaire du programme par l’avionneur européen et de l’arrêt par Bombardier de sa tentative de pénétrer le marché des 100 à 160 places occupé actuellement par les familles de l’Airbus A320 et du Boeing 737.
Bien que certains analystes semblent rejeter du revers de la main une telle alliance, des avantages évidents auraient pu se révéler pour les deux parties.
De toute évidence, pour Bombardier dont les ressources financières s’amenuisent au fil du développement du CSeries mais aussi des jets d’affaires à large cabine et long et très long rayon d’action, Global 7000 et Global 8000, une injection de fonds serait une bouffé d’air frais.
De son côté Airbus par une prise de participation majoritaire dans le programme CSeries, pour une somme très raisonnable, compte tenu de son menu carnet de commandes, l’avionneur européen atteindrait deux objectifs. D’une part, il élargirait sa gamme sur le créneau des monocouloirs qui couvre actuellement les 124 à 220 places en y ajoutant celui des 110 à 130 places et 160 en version haute densité du CSeries ce qui aiderait l’A320neo à se différencier du Boeing 737MAX qui couvre le 126 à 220 places. D’autre part, mais bien plus important encore, Airbus s’assurerait de mettre hors de nuire un éventuel nouveau concurrent sur le lucratif créneaux des 150 à 190 places car en cas de succès des CS100 et CS300, Bombardier serait très certainement tenté de lancer une version allongée qui viendrait jouer dans les plates-bandes de l’A320, le best seller d’Airbus. D’ailleurs, l’avionneur européen, dans le passé, ne s’est jamais gêné de tout faire pour éliminer du marché des avions civils, Lockheed et ses L-1011 TriStar puis McDonnell Douglas et ses MD81, MD82, MD-83, MD-87, MD88 et MD11 à coups de prix coupés et de ventes forcées. De nos jours, l’avionneur européen, toujours fortement aidé par les instances publiques de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, du Royaume-Uni et de la Communauté européenne, fait usage des mêmes méthodes pour saper les ventes de Boeing.
Bombardier dont seulement 243 CSeries ont été vendus pourrait voir ses ventes augmenter par la mise sous l’aile d’Airbus de son biréacté. Le CSeries élargirait vers le bas la gamme de l’avionneur de Toulouse qui serait en position d’offrir un éventail complet de biréactés monocouloirs de 110 à 220 places. Point non négligeable, le réacteur Pure Power de Pratt & Whitney en monte exclusive sur le CSeries est un des deux réacteurs offerts sur la famille A320neo. Le CSeries pourrait ainsi bénéficier des équipes de vente d’Airbus, de l’effet de gamme offert par le constructeur européen et de l’effet de levier qui en découlerait sur les commandes.
De toute évidence, au point où en sont les ventes du CSeries, l’arrivée d’Airbus n’aurait pu nullement nuire, aucune commande n’étant été enregistrée depuis un an.
Au plan politique, avec le maintien de l’emploi au Québec et pourquoi pas son augmentation grâce aux ventes de CSeries, fruit de l’arrivée des équipes d’Airbus, aucun élu québécois ne pourrait trouver matière à redire
Au plan organisationnel, une structure légale serait envisageable afin d’assurer la viabilité et le succès d’un tel arrangement. De tels exemples existent déjà . Les jets d’affaires de moyen de gamme Gulfstream G150 et G280 sont construits à Tel Aviv, en Israël par Israel Aerospace Industries (IAI) puis aménagés, vendus et soutenus par l’américaine Gulfstream Aerospace et les deux parties y trouvent leur compte.
Nous nous souviendrons qu’après avoir été annoncé en juillet 2004 pour succéder au projet BRJ-X, le CSeries fut officiellement lancé par Bombardier le 13 juillet 2008 lors d’un conférence de presse tenue la veille de l’ouverture du salon Farnborough International avec une lettre d’intention de Lufthansa portant sur 60 appareils dont 30 en commandes fermes. Son coût de développement était alors évalué à 3,5 milliards de dollars américains.
Le vol inaugural du CS100 eut lieu à Mirabel au nord de Montréal, le 16 septembre 2013 et celui du CS300, le 27 février 2015. Le CS100 devrait entrer en service au début 2016 et le CS300, six mois plus tard.
La certification du CS100 est prévue pour le mois de novembre 2015 bien que des informations laissent présager qu’elle ne se concrétisera pas avant le début de 2016. Lors de la présentation des résultats financiers du troisième trimestre 2015, le 29 octobre prochain, à partir de 8h00, des précisons sont attendues.
En date d’aujourd’hui, le programme CSeries compte 243 commandes fermes et a déjà coûté à Bombardier plus de 5,4 milliards de dollars américains soit de 58% de plus qu’initialement prévu.
Le titre de Bombardier (BBD-B.TO) au Toronto Stock Exchange a clôturé à CAN$1,77 en hausse de CAN$0,23 ou 14,34% après avoir atteint CAN$1,82.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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