Le quotidien La Presse par un article de Marie Tison, révélait que la construction de l’avion amphibie Dornier Seastar annoncée avec fanfare le 17 mai 2010 lors d’une conférence de presse à Saint-Jean-sur-le-Richelieu se réaliserait finalement en Chine et non pas au Québec.
À cette occasion, s’étaient déplacés Joe Walker, chef de la direction de Dornier Seaplane à l’époque, et Conrado Dornier, président de Dornier ainsi que le ministre québécois du Développement économique Clément Gignac et le maire de Saint-Jean Gilles Dolbec
L’assemblage de l’hydravion tout composite au prix catalogue de $6 millions de dollars, propulsé par deux turbopropulseurs Pratt & Whitney Canada PT6A dans une usine de 200 000 pieds carrés à l’aéroport de Saint-Jean-sur-Richelieu, créerait 250 emplois chez Dornier et tout autant chez les fournisseurs environnants dont 75 chez P&WC à Longueuil
Les responsables politiques québécois se réjouissaient alors que l’avionneur ait opté pour le Québec de préférence à North Bay, en Ontario ainsi qu’aux états de la Floride et de l’Alabama
Du même coup, le gouvernement du Québec s’engageait alors à fournir une aide financière de 35 millions de dollars soit près de la moitié de l’investissement total de 71,5 millions que nécessitait le projet
D’un SeaStar en 2012, puis six en 2013 et douze en 2014, la production devait attendre, à terme, entre 30 et 50 aéronefs par anné
Toujours selon l’article de La Presse, il semblerait que finalement, l’avionneur allemand Dornier a discrètement transféré le projet d’assemblage de l’avion amphibie Seastar en Chine où il devrait prendre son envol fin 2016 pour une entrée en production l’année suivante. Une production annuelle de 48 hydravions est prévue.
À l’époque devant mon scepticisme, je ne suis pas fais d’amis au Ministère. Je ne pouvais comprendre l’engouement des responsables de la Direction des industries du matériel aérospatial du MDEIE
Quelques années auparavant, le gouvernement du Québec, toujours dans le but de développer une industrie de l’aviation générale au Québec avait attiré en 2003, à coup d’aides de l’État, l’allemande OMF pour le développement du monomoteur à piston OMF-100-160 à l’aéroport de Trois-Rivières. Devenu le Symphony SA-160 suite à sa reprise par Symphony Aircraft, il fut certifié par Transports Canada en mai 2005 et entra en production. En juin 2006, l’entreprise se plaçait sous la protection des tribunaux et en février 2007, déclarait faillite et fermait ses portes
Il ne fallait pas très bien connaître les marchés particuliers de l’aviation générale pour investir des deniers publics dans de telles aventures
Dans le cas du marché des monomoteurs légers à piston, nombre de constructeurs ont disparu dans les années 1980 et la production annuelle de ce type d’aéronefs n’est qu’une fraction de ce qu’il était dans les années 1970. Les américains Cessna, Cirrus et Piper dominent le marché tandis que Beechcraft se cantonne au haut de gamme avec son Bonanza
Quant au créneau des hydravions et des avions de brousse, seuls Cessna Aircraft de Wichita, au Kansas avec ses Caravan et Grand Caravan et maintenant, la canadienne Viking Air qui a reprit les droits de construction des De Havilland Twin Otter ont su tirer leur épingle du jeu
Dans les deux cas, les flottes existantes d’avions souvent construits dans les années 1960 et 1970 traversent très bien le temps au prix de modernisation et même de remotorisation pour une fraction du coût d’un aéronef neuf
Attirer des constructeurs de tels aéronefs de la part des instances gouvernementales québécoises tenait plus de l’idéologie que de la logique. La construction de tels aéronefs ne génèrent pas des chiffres d’affaires importants, crée peu d’emplois et n’est rentable que par la production en grande série, chose que ni le SeaStar et le Symphony ne pouvaient offrir.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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