MONTRÉAL – Jeudi, le couperet est tombé à nouveau sur l’emploi aux installations de Bell Helicopter Textron Canada de Mirabel, au nord de Montréal.
Cette unité de production de l’hélicoptériste texan, filiale du consortium Textron, tout comme l’avionneur Cessna Aircraft, le constructeur de simulateurs TRU Simulation and Training qui a acquis Mechtronix en décembre 2013 et le motoriste Lycoming, est frappée par une nouvelle vague de compressions. Cette fois-ci, elle porte sur 200 suppressions d’emplois réparties également entre l’administration et la production selon la porte-parole de l’entreprise, Lucie Tessier.
En juin 2014, Bell Helicopter Textron Canada avait aboli à Mirabel, lieu de ses uniques installations au Canada, 150 emplois suivis de 200 en septembre de la même année et de 250 autres, au printemps 2015.
Avec 1200 employés avant les abolitions de postes annoncées jeudi, Bell Helicopter Textron Canada à Mirabel est loin d’atteindre son sommet d’emploi qui a culminé à un peu plus de 2000.
Par la volonté du gouvernement fédéral canadien de voir s’établir un constructeur d’hélicoptères au Canada, Bell Helicopter Textron Canada s’installa en 1984 à Mirabel avec l’intention de développer et de construire un tout nouvel hélicoptère civil à turbine, le Bell 400. La production d’hélicoptères s’amorça en 1986 mais rapidement suite à l’effondrement du marché civil et à la robustesse du marché militaire, les dirigeants de Bell Helicopter à Fort Worth décidèrent de concentrer toute la production des hélicoptères civils à Mirabel. Ainsi Bell Helicopter Textron Canada avait, depuis la fin des années 1980, le mandat exclusif de la conception et de la fabrication de tous les hélicoptères civils du constructeur texan. La décision d’assembler le monoturbine d’entrée de gamme au prix catalogue d’un peu plus d’un million de dollars américains l’unité, le Bell 505 Jet Ranger X, en Louisiane, en juin 2013, jumelée à celle de février 2012 envoyer la production du tout nouvel hélicoptère de 16 passagers de la catégorie des 8 tonnes au prix unitaire de plus de 15 millions de dollars américains, le Bell 525 Relentless à Amarillo au Texas, lieu d’assemblage des convertibles de transport militaire V-22 Osprey, souligne un changement de stratégie de la direction de l’entreprise. Le Bell 505 comme le Bell 525 est de conception entièrement nouvelle et non pas une déclinaison de modèles existants.
Mais cette fois-ci, la faiblesse du marché de l’hélicoptère civil est à blâmer. Avec des ventes évaluées à 7,4 milliards de dollars américains en 2015, le marché civil est frappé de plein fouet par les bas cours du pétrole et des matières premières qui entraînent une réduction de la prospection et de la production et, par conséquent, du besoin de voilures tournantes.
De 2014 à 2015, selon les derniers chiffres de la GAMA, les livraisons civiles de Bell Helicopter Textron sont passées de 178 à 175 mais les ventes ont chuté de 974 à 886 millions de dollars américains du fait d’une baisse notable des livraisons de Bell 412, le modèle le plus coûteux de la gamme.
Livraisons d’hélicoptères civils | 2014 | 2015 |
Bell 206-L4 | 13 | 12 |
Bell 407 | 86 | 99 |
Bell 429 | 53 | 52 |
Bell 412 | 26 | 12 |
TOTALÂ : | 178 | 175 |
Source : GAMA General Aircraft Manufacturers Association
La situation n’est guère mieux chez les concurrents de Bell Helicopter comme l’illustre ce tableau.
Livraisons d’hélicoptères civils en unité et en valeur | 2014 | 2015 |
AgustaWestland
(Finmeccanica Helicopters depuis janvier 2016) |
102
US $1 095 900 000 |
Disponible en mars 2016 |
Airbus Helicopter | 324
US $1 798 000 000 |
279
US $1 525 800 00 |
Bell Helicopter | 178
US $974 500 00 |
175
US $886 600 000 |
Enstrom | 16
US $16 806 504 |
20
US $20 453 235 |
Robinson Helicopter | 329
US $179 820 000 |
347
US $195 537 000 |
Sikorsky | 59
US $1 271 000 000 |
29
US $569 000 000 |
Les livraisons en unités et en valeur ont baissé de 2014 à 2015 aussi bien pour Airbus Helicopter, Bell Helicopter que pour Sikorsky Aircraft. Ce dernier a été encore plus fortement frappé par sa dépendance au marché pétrolier Off Shore.
Les chiffres d’AgustaWestland devenue depuis le 1er janvier 2016, Finmeccanica Helicopters, ne seront disponibles que le 16 mars 2016 lors de la divulgation des résultats financiers 2015 de sa société-mère.
Le même jour, Aéro Montréal, la grappe de l’aérospatiale du Québec, avait organisé au Centre des sciences de Montréal, sis au Vieux-Port de Montréal, l’AéroPortail : Vitrines 2016, un événement de recrutement en partenariat avec Emploi Québec.
Cette foire de l’emploi basée sur une expérience interactive et multidisciplinaire regroupa 50 exposants autour de quatre zones :
Zone Entreprises, un espace dédié aux recrutements organisés en partenariat avec Emploi Québec.
Zone Formations regroupant les principaux centres de formation du Québec ainsi que les sociétés techniques et organismes spécialisés présentant leurs programmes.
Zone Métiers où eurent lieu des démonstrations des métiers d’avenir et en demande par des professionnels qualifiés et écoles spécialisées.
Zone Aérospatiale, un lieu dédié au musée de l’aviation qui présenta des pièces et artefacts qui ont marqué l’histoire de l’aérospatiale du Québec.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le jour de l’annonce des abolitions de postes chez Bell Helicopter à Mirabel, plus de 200 emplois dans le secteur aérospatial furent offerts à plus de 1500 participants de l’AéroPortail : Vitrines 2016.
Néanmoins, tous les ans, 2000 postes aérospatiaux se libèrent au Québec par les départs à la retraite.
Faut-il rappeler que depuis janvier 2014, les suppressions de postes ont été nombreuses dans le secteur aéronautique au Québec, plus particulièrement dans la grande région de Montréal: plus de 3500 chez Bombardier, 350 chez CAE et 800 chez Bell Helicopter Textron Canada avant même les 200 de jeudi dernier.
Selon les données fournies par le Ministère de l’Economie, de la Science et de l’innovation du Québec, l’industrie aérospatiale de la province regroupe pas moins de 200 entreprises dont une quinzaine de maîtres d’œuvre et de fournisseurs de premier rang et quelque 190 sous-traitants ou fabricants de produits.
En 2014, l’aérospatiale au Québec comptait 41 750 emplois, générait des ventes de 13,8 milliards de dollars et connaissait depuis 1990 une croissance annuelle moyenne de 5,9 %.
L’aérospatiale au Québec représentait environ 55 % des ventes totales du Canada et plus de 70 % des dépenses en recherche et développement.
Finalement, 80% de la production aérospatiale québécoise trouve preneur sur les marchés extérieurs.
Diplômé universitaire en histoire, journalisme et relations publiques, en 1993, Philippe Cauchi amorce une carrière de journalisme, analyste et consultant en aérospatiale. En 2013, il fonde avec Daniel Bordeleau, le site d’information aérospatial Info Aéro Québec.
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